Stratégie indopacifique française et centre de contrôle de Tahiti
Publication de la réponse au Journal Officiel du 20 mai 2025, page 3729
Question de :
Mme Mereana Reid Arbelot
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Mme Mereana Reid Arbelot attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation inquiétante du centre de contrôle de l'aérodrome de Tahiti-Faa'a et ses impacts sur l'image de la France à l'international. En effet, pour la première fois de son histoire, le centre de contrôle de Tahiti-Faa'a, fort de son espace de 12,5 millions de km2 (soit 2,3 fois la ZEE de la Polynésie, soit 23 fois la surface de l'Hexagone) a fermé dans la nuit du 3 au 4 janvier 2025 à cause d'un manque d'effectifs. Plusieurs vols transocéaniques ont été perturbés par cette situation inédite. Des vols transitant dans l'espace aérien délégué à la France ont dû modifier leur route ou retarder leur départ, engendrant des problèmes d'exploitation et de dépassements d'amplitude de leurs équipages. Cet évènement a occasionné des questions des centres de contrôle adjacents : américain, néo-zélandais et chilien. En 2019, la France, qui s'était positionnée pour gérer un espace aérien no FIR (no flight information region qui est un espace aérien non contrôlé) de près de 7 millions de km2, était bien placée devant deux pays d'Amérique du Sud. L'épisode de la covid-19 a momentanément suspendu les discussions. Mais la fermeture de l'unique centre de contrôle français dans le Pacifique, même momentanée, ne vient pas soutenir ces prétentions. Sur le seul mois de février 2025, ce ne sont pas moins de 19 vacations qui sont prévues avec un fonctionnement dégradé, entrainant une diminution des services de navigation aérienne rendus aux usagers et risquant potentiellement une nouvelle fermeture du centre. Pourtant des solutions existent et sont entérinées dans le protocole d'accord signé en mai 2024. Le coût engendré par l'application de ces solutions à Tahiti serait de l'ordre de 1 million d'euros pour l'année 2025. Par ailleurs, cette situation appelle à une réflexion globale. À l'heure où tous les regards sont tournés vers l'indopacifique, la stratégie française dans cette région est indubitablement décrédibilisée par la situation du centre de contrôle de Tahiti-Faa'a. La région indopacifique est le théâtre de rivalités entre les grandes puissances, dans laquelle la France s'efforce de se présenter comme la troisième voie. Or, la fermeture du centre de contrôle et la menace de la récurrence de cette situation font perdre son réel crédit à la France. Elle lui demande donc si la France entend fournir les moyens adéquats, notamment en trouvant une solution à la situation du centre de contrôle de l'aérodrome de Tahiti-Faa'a, pour réaliser son ambition d'être une puissance d'équilibre dans cette région dont l'Europe a grand besoin.
Réponse publiée le 20 mai 2025
La fermeture de la tour de contrôle de Tahiti-Faa'a la nuit du vendredi 3 janvier est essentiellement due à l'absence d'un contrôleur aérien dans une vacation de nuit où l'effectif était réduit. Du fait du court préavis de notification de son absence quatre heures avant une prise de service un vendredi soir, il n'a pas été possible d'anticiper et de remplacer cet agent. Cette fermeture a toutefois été gérée de manière à minimiser les contraintes de trafic et à ne générer aucune annulation de vols. L'impact opérationnel a été limité à 6 vols retardés à l'arrivée ou au départ de Tahiti-Faa'a de moins d'une heure, ainsi qu'un vol avec un retard constaté de trois heures et demie. Les vols transpacifiques ont pu être assurés moyennant un allongement de route, regrettable mais non rédhibitoire pour les compagnies aériennes. La situation des ressources humaines des contrôleurs aériens qualifiés dans ce centre de contrôle est particulièrement complexe et le demeurera jusqu'au mois de juillet 2025. Depuis l'année 2022, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) a veillé à ouvrir des postes de contrôleurs aériens de façon à remplacer les effectifs sortant avec suffisamment d'anticipation, en prenant en compte le temps de formation des nouvelles arrivées. Or depuis l'année 2023, de nombreux aléas n'ont pas permis cette anticipation et sont venus grever le potentiel d'agents qualifiés en Polynésie française. C'est ainsi que 5 agents sont revenus sur le territoire métropolitain avant la fin prévue de leur séjour, alors que ce n'était pas prévu. Un agent a demandé une retraite anticipée, trois agents ont demandé un congé parental d'un à six mois, un agent a été déclaré en arrêt de formation, et un agent a quitté le centre pour un mandat électif. Cette situation est conjoncturelle et les dates de qualification des contrôleurs aériens en formation (14 – un tiers de l'effectif) permettront au centre de contrôle de Tahiti Faa'a de retrouver un fonctionnement progressivement nominal à partir du mois de juillet 2025. En attendant le retour à cette situation, l'encadrement du centre de contrôle a mis en place, en coordination avec les compagnies aériennes, des restrictions de trafic les jours et les nuits où il n'est pas possible d'assurer un effectif nominal à la tour de contrôle. Le risque d'une nouvelle fermeture de nuit n'est pas à exclure pour les prochains mois. Notre priorité reste la sécurité et, dans une telle éventualité, nous limiterions fortement l'utilisation de l'espace aérien et demanderions à nos homologues américains et néo-zélandais de prendre en charge dans leurs espaces aériens les avions qui contourneraient l'espace aérien du centre de contrôle de Tahiti Faaa, sans annulation de vols. Les services de la DSNA poursuivront le plan d'affectation prévu pour atteindre le plus rapidement possible la cible de 40 contrôleurs qualifiés. Dans ce contexte particulier, vous me demandez de mettre en place une des options prévues au protocole d'accord signé en mai 2024. Cependant, l'enveloppe dédiée à cette option ne permet pas de prendre en compte de nouveaux organismes pour l'année 2025. Dans un contexte de désendettement du budget annexe contrôle et exploitation aériens et des difficultés sur le budget de l'État, l'obtention d'une rallonge de l'enveloppe n'est pas envisageable sur l'année 2025.
Auteur : Mme Mereana Reid Arbelot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Transports
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 12 mai 2025
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025