Sauvegarde du patrimoine funéraire
Question de :
M. Corentin Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Droite Républicaine
M. Corentin Le Fur interroge Mme la ministre de la culture sur la préservation du patrimoine funéraire. Les cimetières français, tant par leur dimension mémorielle que par la richesse architecturale de certaines sépultures, sont des lieux de mémoire qui méritent et doivent être préservés. Nombre de sépultures y figurant, notamment les tombes et chapelles funéraires édifiées aux XIXe et XXe siècles, sont des témoignages de l'Histoire et présentent un caractère remarquable. En dépit de leur intérêt patrimonial ou historique, de nombreuses sépultures disparaissent pourtant chaque année lorsque les concessions sont arrivées à échéance et que les familles ne se sont pas manifestées, ou n'ont pas souhaité les renouveler. En vertu des articles L. 2223-4 et suivants du Code général des collectivités territoriales, une commune peut reprendre une concession arrivée à terme ou réputée en état d'abandon. Cette procédure, bien qu'encadrée, entraîne souvent la destruction ou l'enlèvement des tombes concernées, ce qui est regrettable d'un point de vue patrimonial et qui représente un coût financier non négligeable pour les collectivités. Ces dernières doivent en effet assumer les frais liés au démontage, au déplacement et au traitement des matériaux des monuments funéraires retirés. Or plutôt que de procéder systématiquement à la destruction de ces sépultures, il est à souhaiter qu'elles puissent être préservées et éventuellement reprises à l'instar de ce qui existe déjà dans plusieurs communes. Dans ce contexte, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre en faveur de la préservation du patrimoine funéraire.
Réponse publiée le 1er avril 2025
L'architecture funéraire représente 5 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques, qu'il s'agisse des quelque 400 cimetières ou parties de cimetières telles que, à Paris, la partie romantique du cimetière du Père Lachaise ainsi que l'intégralité du cimetière de Picpus, de propriété privée, des nombreuses tombes et mausolées isolés, ou le plus souvent situés au sein de cimetières municipaux. Les travaux menés sur les monuments funéraires protégés au titre des monuments historiques sont soumis aux mêmes autorisations administratives que sur tout autre immeuble protégé à ce titre (permis de construire après accord du préfet de région pour les monuments inscrits, autorisation de travaux du préfet de région pour les monuments classés). Les travaux envisagés sur des monuments funéraires situés en abords d'immeubles protégés au titre des monuments historiques (autre monument funéraire, église) ou dans un site patrimonial remarquable (SPR) nécessitent une décision du préfet de département, après accord de l'architecte des bâtiments de France (ABF). Par ailleurs, des aménagements au sein d'un cimetière peuvent occasionner exceptionnellement des opérations de recherche archéologique en cas d'atteinte au patrimoine (présence de structures et mobilier de nécropoles anciennes, lieux de culte ou d'occupation, notamment des périodes antique, médiévale ou moderne…). À l'exception de ces cas de protection juridique au titre du code du patrimoine, assez rares, les concessionnaires bénéficient d'une grande liberté. Ces travaux ne sont en effet pas soumis à permis de construire ou à une autre forme d'autorisation de travaux. Par ailleurs, si selon les dispositions de l'article L. 2223-12-1 du code général des collectivités territoriales, le maire peut fixer des dimensions maximales pour les monuments érigés sur les fosses, la jurisprudence retient qu'il ne peut soumettre à autorisation un projet de construction de tombe ou de caveau à des fins esthétiques sans commettre un excès de pouvoir. À l'expiration de la concession ou au constat de son abandon, non suivi de manifestation des ayants droit, les éléments funéraires deviennent la propriété de la commune, qui est donc libre d'en disposer, hormis les parties de cimetière ou les monuments funéraires protégés au titre des monuments historiques, des abords ou des SPR. La conservation et la mise en valeur des cimetières ou des tombes non protégés au titre des monuments historiques qui présentent un intérêt patrimonial doivent donc concilier les mesures prises par les communes, du fait de la limitation dans le temps des concessions funéraires, et de la volonté des défunts et de leurs familles d'ériger les monuments funéraires de leur choix. Seules des mesures incitatives peuvent alors être envisagées, à l'instar du dispositif mis en place depuis de longues années par la Ville de Lyon, qui vend aux enchères des monuments funéraires de concessions arrivées à expiration dans ses trois cimetières « historiques ». Certains de ces monuments font l'objet d'une obligation de conservation et de restauration définie par la municipalité. Certains d'entre eux sont en outre éligibles à une labellisation par la Fondation du patrimoine, attachant un avantage fiscal à leur restauration. Ainsi, si l'identification des précédents concessionnaires est supprimée et si leurs restes sont transférés dans l'ossuaire municipal, ce patrimoine funéraire n'est pas détruit et peut continuer d'orner le cimetière. Les communes peuvent aussi choisir de conserver et d'entretenir à leurs frais, ou avec l'aide d'associations, tel le Souvenir Français, les tombes ou les seuls monuments funéraires de leurs citoyens illustres ou morts pour la France. L'adoption d'un plan de gestion du cimetière est aussi un moyen d'assurer, dans une certaine mesure, la préservation de son caractère patrimonial en lien, le cas échéant, avec l'ABF, une association patrimoniale nationale, régionale ou locale (dont plusieurs peuvent apporter leur aide aux communes sur ce sujet), ou à l'échelon départemental, le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. Certaines associations proposent enfin, sur leurs sites internet, la possibilité de conserver par des photographies la mémoire de monuments funéraires lorsqu'il est impossible d'en conserver la matérialité.
Auteur : M. Corentin Le Fur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 1er avril 2025