Question écrite n° 4759 :
Santé psychiatrique : il y a urgence à agir !

17e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social

M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur l'état du service public de santé psychiatrique. Ce lundi 17 février, dans la commune de Bagnolet, dans sa circonscription, une femme a été poignardée en pleine rue. À ce jour, elle se trouve toujours à l'hôpital dans un état critique. L'auteur de l'agression a été interpellé le soir même par la police et, selon des sources policières, il ne disposerait pas de toutes ses facultés mentales. Celle-ci met à nouveau en lumière les carences en matière de prise en charge dans le domaine de la psychiatrie, sur lesquelles pourtant de nombreux spécialistes alertent depuis plusieurs années. La crise de la covid-19 a fortement aggravé le mal-être et la santé mentale, notamment chez les jeunes, chez qui les troubles ont explosé en cinq ans. En France, une personne sur cinq connaîtrait des troubles psychiques, soit près de 13 millions de personnes. Il est estimé que sur ces 13 millions de personnes touchées par un trouble psychiatrique en France, seules 40 % à 69 % sont prises en charge. En Île-de-France, faute d'accueil, 60 000 à 70 000 personnes, dont au moins 60 % sont des malades mentaux, seraient en dehors de toute institution et de tout domicile, d'après l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique. La médecine psychiatrique est ainsi considérée comme le « parent pauvre » du système de santé publique. Pourtant, il s'agit d'un secteur qui nécessite plus qu'ailleurs des suivis de longue durée, des traitements longs et de nombreuses consultations, pour chacun des patients. L'ancien Premier ministre Michel Barnier déclarait il y a quelques mois, la santé mentale « grande cause nationale » de 2025. Pourtant, le constat est sans appel : il manque des moyens et des praticiens. En 2023, les délais d'attente pour la moitié des centres médico-psychologiques allaient d'un à quatre mois pour les adultes et jusqu'à un an pour les enfants. Le nombre de lits d'hospitalisation psychiatrique est passé de 100 000 en 1997 à 51 000 en 2024 alors qu'entre 1980 et aujourd'hui, le nombre de patients en psychiatrie est passé de 800 000 à 2,8 millions. Ainsi, les conséquences de ces manques sont néfastes et pèsent sur les finances du pays : avec plus 23 milliards d'euros par an, les dépenses remboursées au titre de la détresse psychique et des maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l'assurance maladie. Alors que la crise de la médecine psychiatrique contribue à la stigmatisation des troubles mentaux et des personnes qui en souffrent, bien peu de moyens sont accordés à ce secteur en souffrance, dont le manque de crédit se traduit par une faible attractivité du métier. Ainsi, les professionnels de santé sont confrontés à une charge de travail excessive pouvant les mener jusqu'au burn-out et ils subissent peu à peu une précarisation de leurs conditions de travail, aboutissant à un rejet du métier. Environ 30 % des postes du secteur de la santé mentale sont aujourd'hui vacants. En effet, comme dans tous les domaines publics touchés par les manques de moyens financiers et humains, le secteur privé se positionne pour le remplacer, mettant ainsi fin à l'égalité de soins pour tous, quels que soient les revenus. Selon les chiffres de la DREES publiés en 2020, le nombre de lits de prise en charge à temps complet en psychiatrie dans les établissements privés à but lucratif représentait 18 % en 2008. En 2019, il était de 24 %. À Montreuil, ville principale de la circonscription de M. le député, il s'est par exemple ouvert l'année dernière un centre dédié à la santé mentale géré par Ramsay santé, un groupe australien privé, qui affiche l'objectif de développer une offre de soins en santé mentale dans les cœurs de villes. Il n'est pas tolérable qu'en France, les personnes qui en ont besoin ne puissent avoir accès à un service public de la santé mentale de qualité, grâce auquel ils seraient soignés dans des délais raisonnables et qui leur assurerait un suivi sur le long terme. En juin 2022 plusieurs syndicats avaient lancé un appel à la mobilisation face à la gravité de la situation que traverse leur discipline, puis, en décembre de la même année, ils alertaient sur la situation de la pédopsychiatrie en France. Ils doivent être entendus et leurs revendications prises en compte. Il en va de même pour la revalorisation et l'amélioration des conditions de travail des professionnels de santé. Cela passe notamment par libérer les soignants de tâches administratives qui ne leur permettent plus d'avoir cet aspect relationnel, ô combien important, avec leurs patients. Investir dans ce secteur doit être l'une des priorités du ministère de la santé, afin d'éviter de nouveaux drames, similaires à celui d'il y a quelques jours à Bagnolet. Il lui demande donc quels moyens elle compte débloquer afin d'instaurer une réelle politique de santé mentale publique, priorisant l'aspect préventif au curatif. Il lui demande aussi quel plan le ministère de la santé prévoit afin de recruter massivement des professionnels de santé dans le domaine psychiatrique.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date :
Question publiée le 4 mars 2025

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