Question écrite n° 4803 :
Reconnaissance légale du congé menstruel et harmonisation de son application

17e Législature

Question de : Mme Ségolène Amiot
Loire-Atlantique (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Ségolène Amiot interroge Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur l'absence de cadre législatif concernant la mise en place d'un congé menstruel notamment dans la fonction publique territoriale. Depuis plusieurs années, des collectivités territoriales en France, comme Nantes ou Orvault, ont mis en place des autorisations spéciales d'absence (ASA) pour les agentes souffrant de règles douloureuses et incapacitantes ou ayant subi une interruption de grossesse. Cependant, l'État a récemment rappelé l'absence de base légale pour ces dispositifs, mettant ainsi en péril leur pérennité et plongeant les collectivités volontaires dans une insécurité juridique. Récemment, le tribunal administratif de Toulouse, saisi par le préfet de la Haute-Garonne, a suspendu la décision de plusieurs collectivités locales (Plaisance-du-Touch, son CCAS et la communauté de communes du Grand Ouest toulousain) d'octroyer un congé menstruel sous forme d'ASA. Le juge a estimé qu'aucune loi ni aucun décret ne permet aux communes d'instaurer de telles absences, confirmant ainsi l'absence de base légale pour ces initiatives locales. D'autres collectivités, comme Saint-Ouen ou l'Eurométropole de Strasbourg, voient également leurs dispositifs contestés devant le Tribunal administratif. Dans un contexte où 66 % des salariées se déclarent favorables à un congé menstruel, il apparaît injuste que les collectivités territoriales ne puissent pas expérimenter librement ces avancées sociales, tandis que certaines entreprises privées peuvent le faire sans entrave. Outre cette inégalité public/privé, l'absence d'un cadre réglementaire clair crée également une inégalité territoriale : une agente publique pourra bénéficier de ce congé à Nantes, tandis qu'elle en sera privée dans la ville voisine de Saint Herblain. D'autres pays ont déjà légiféré en faveur du congé menstruel : l'Espagne, la Corée du Sud, Taïwan ou encore la Zambie permettent aux travailleuses concernées de s'absenter sans perte de rémunération. Par ailleurs, selon l'Organisation mondiale de la santé, l'endométriose touche environ 10 % des femmes en âge de procréer dans le monde et une femme sur dix est atteinte du syndrome des ovaires polykystiques. Ces pathologies peuvent provoquer des douleurs sévères et chroniques, rendant difficile, voire impossible, l'exercice d'une activité professionnelle certains jours. Face à cette situation, Mme la députée souhaite savoir si le Gouvernement envisage de légiférer pour sécuriser juridiquement le congé menstruel dans la fonction publique territoriale, afin de garantir aux agentes concernées des conditions de travail dignes et adaptées à leurs réalités. Elle voudrait également interroger Mme la ministre sur l'opportunité de légiférer sur une généralisation de ce congé menstruel à l'ensemble des salariées en France, sur le modèle de l'Espagne, afin d'éviter les inégalités entre secteurs et entre territoires. Enfin, elle souhaite savoir dans quels délais le Gouvernement compte publier un décret précisant les conditions d'octroi des ASA, afin d'apporter une réponse claire aux collectivités qui souhaitent mettre en place ce dispositif sans risquer une annulation par les tribunaux.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

Il convient tout d'abord de rappeler que les autorisations spéciales d'absence (ASA) constituent des modalités d'aménagement du temps de travail accordées à titre exceptionnel et ponctuel permettant à l'agent de s'absenter de son poste de travail sans utiliser ses droits à congés. Les motifs d'ASA mobilisables par les agents publics sont limitativement prévus par la loi et le règlement. Aucun cas autre que ceux expressément prévus par le cadre légal n'a vocation à permettre le bénéfice général d'une ASA. En effet, il appartient au législateur d'instituer les motifs d'autorisations d'absence, qui peuvent, le cas échéant, être déclinés par le pouvoir réglementaire, dans le respect du principe de parité avec les ASA de la fonction publique d'Etat (QE n° 22676, JO Sénat, 7/07/2016, p. 2963). Ainsi, l'autorité territoriale ne peut créer un motif d'ASA non prévu par la loi. Le juge administratif a récemment confirmé cette analyse en suspendant des décisions visant la création d'un nouveau motif d'ASA « congé menstruel », non prévu par le cadre juridique national (TA de Toulouse, 20 novembre 2024, n° 2406364, 2406581 et 2406584). La création de motifs d'ASA déterminés par le cadre juridique national permet, non seulement d'harmoniser les pratiques au sein des trois versants de la fonction publique, mais également de s'assurer du respect des règles relatives à la durée annuelle du temps de travail dans la fonction publique, dans la mesure où ces congés exceptionnels ne sont pas décomptés des droits à congés annuels. Il apparait donc que le pouvoir règlementaire, y compris à l'échelon local, est juridiquement incompétent pour créer un tel motif d'absence. Par conséquent, la création par les collectivités d'une nouvelle catégorie d'autorisation spéciale d'absence pour accorder un « congé menstruel » est donc irrégulière. Afin de limiter les risques juridiques et garantir l'égalité de traitement des agents de la fonction publique, une circulaire du 21 mai 2025 relative au contrôle de légalité des délibérations instaurant des autorisations spéciales d'absence pour des congés relatifs à la santé menstruelle ou gynécologique a été publiée pour clarifier le régime d'octroi des ASA et ainsi uniformiser les règles relatives à l'utilisation de ces autorisations d'absence

Données clés

Auteur : Mme Ségolène Amiot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Action publique, fonction publique et simplification

Dates :
Question publiée le 11 mars 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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