Place du Tibet dans la muséologie du musée Guimet
Question de :
M. Charles de Courson
Marne (5e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Charles de Courson appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la muséologie du musée national des arts asiatiques Guimet. Avant 2024, les œuvres tibétaines et népalaises se trouvaient dans une salle appelée « Tibet-Népal ». Depuis 2024, ces œuvres appartiennent à un espace de l'exposition permanente dénommé « monde himalayen ». Cette modification concerne également le lieu d'origine de ces œuvres. Alors que leur description indiquait la mention « Tibet », elles sont désormais étiquetées comme « art tibétain ». L'argument selon lequel la présentation des collections se ferait désormais par « aires culturelles » ne tient pas, dès lors qu'il existe toujours des salles dénommées « Afghanistan-Pakistan », « Japon » ou encore « Corée ». Le message politique d'un tel changement est particulièrement malheureux, puisqu'il suppose que le Tibet n'a pas eu d'existence historique propre en dehors de la Chine. Plus encore, il laisse imaginer que le discours officiel de la République populaire de Chine, qui occupe illégalement le Tibet depuis 1950, est partagé par les autorités du musée Guimet. La nomenclature des collections relève, au sein du ministère de la culture, du service des musées de France, qui émet des recommandations sur les mots à utiliser pour décrire les objets conservés par les musées français. Il semblerait cependant que ce sujet, hautement politique, ne soit pas traité de manière spécifique. Le musée du Quai Branly - Jacques Chirac avait également été concerné par ce phénomène, avant de faire marche arrière. Il lui demande quelles actions son ministère peut mettre en œuvre auprès des opérateurs qui relèvent de sa tutelle afin que la culture et l'histoire du peuple tibétain soient reconnues de manière indépendante des œuvres issues de la culture chinoise.
Réponse publiée le 27 mai 2025
Le ministère de la culture a pris toute la mesure de la question relative à la muséographie et à la diffusion des connaissances relatives au patrimoine culturel tibétain et népalais dans les musées nationaux. Il tient à réaffirmer en premier lieu l'importance qu'il attache à la liberté des choix muséographiques au sein des institutions placées sous sa tutelle, dès lors que celles-ci veillent à l'objectivité scientifique du propos. La refonte du parcours permanent du musée Guimet, conformément à son projet scientifique et culturel, offre une approche civilisationnelle aux visiteurs. Loin d'être effacées, les identités tibétaines et népalaises sont valorisées, qu'il s'agisse des textes de salles ou des cartels. La décision de rebaptiser la galerie « Népal-Tibet » sous la désignation de « Monde himalayen » reflète l'objectif du musée Guimet de mieux rendre compte le fait que ses collections émanent d'un espace géographique extrêmement vaste et diversifié où, depuis de nombreux siècles, un complexe jeu d'influences réciproques est à l'œuvre. Il convient de considérer que cette aire culturelle est un creuset civilisationnel, un pont entre les peuples et les mentalités. Elle transcende les frontières fluctuantes du temps historique ou géopolitique. Du reste, la référence himalayenne est courante dans le domaine muséal et universitaire de par le monde sans susciter les mises en cause dont le musée Guimet fait aujourd'hui l'objet. Ainsi au Metropolitan museum, les collections du Népal et Tibet sont, comme au musée Guimet, classées dans les « Arts of the Himalayas ». Le San Francisco Art Museum a un département appelé « Himalayan Art » où se trouvent ses œuvres issues du Tibet. Le Smithsonian à Washington classe le Tibet dans « Arts of South Asia and the Himalayas ». Au musée Guimet, la référence à l'Himalaya, en tant que domaine culturel, a toujours fait partie de la sémantique du musée pour parler des collections de la section. La référence à l'Himalaya, en tant que domaine culturel, a ainsi cours depuis plusieurs décennies. Déjà, en 1977, la première grande exposition internationale consacrée à la question des styles et de leur évolution dans l'art tibétain était intitulée : « Dieux et démons de l'Himalaya – Art du Bouddhisme lamaïque ». Par la suite, l'exposition marquant l'entrée au musée Guimet de la collection Fournier en 1990-91 était intitulée « Art ésotérique de l'Himalaya – La donation Fournier ». L'inauguration s'est tenue en présence du Dalaï-Lama lui-même, qui n'a formulé aucune remarque quant au fait que le nom de son pays ne soit pas mentionné dans ce titre. Le fait de renommer aujourd'hui la salle ne constitue donc en aucune manière un revirement ou une nouveauté dans la présentation des collections du musée Guimet. Il s'agit d'une démarche appelée par la nécessaire mise en cohérence de l'ensemble du discours muséal à l'occasion de la réouverture de cette salle après travaux de modernisation et embellissement. Enfin, les termes « Tibet » et « art tibétain » sont toujours présents au sein de la salle « Monde himalayen » du musée Guimet dont ils n'ont jamais disparu – ni plus d'ailleurs qu'au sein des publications du musée, puisque le nouveau guide des collections compte 23 occurrences du terme « Tibet ». Ainsi, le public a l'opportunité d'approfondir sa connaissance du Tibet et du Népal grâce aux publications proposées dans la librairie-boutique du musée et au site internet du musée.
Auteur : M. Charles de Courson
Type de question : Question écrite
Rubrique : Culture
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 11 mars 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025