Demandeurs d’asile syriens
Question de :
M. Pouria Amirshahi
Paris (5e circonscription) - Écologiste et Social
Question posée en séance, et publiée le 13 mars 2025
DEMANDEURS D'ASILE SYRIENS
Mme la présidente . La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi . Depuis le début de ce qu'on a appelé le printemps arabe, tous les Syriens victimes de persécution pouvaient déposer une demande de visa en vue de l'asile en France. Depuis la présidence de François Hollande, et même depuis 2011, sous celle de Nicolas Sarkozy – vous voyez, je ne suis pas sectaire (Sourires) –, 45 000 Syriens ont trouvé refuge en France. Pour nombre d'entre eux, cet exil s'explique par leur appartenance à une minorité, par leur opposition au régime ou par des fragilités particulières mettant leur vie en danger.
Il existe, vous le savez, deux grands programmes d'accueil. Le premier, dit de réinstallation, s'appuie sur les territoires et le second, dit de couloirs humanitaires, sur les capacités d'hébergement de particuliers. Je tiens d'ailleurs à saluer la communauté Sant'Egidio, la Fédération protestante de France et tous les Français qui savent encore cultiver le sens de l'accueil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Ces dispositifs ont permis de réinstaller en France plusieurs centaines de familles.
Le processus de demande d'asile débute souvent au Liban, en Jordanie ou en Turquie, quand l'exil, de fait, a déjà commencé. Dès la chute d'Assad, le 19 décembre, vous avez annoncé le gel de toutes les procédures de demande d'asile de Syriennes et de Syriens, jetant aux orties des dispositifs qui protègent pourtant les minorités persécutées. Environ 700 demandes ont alors été mises en suspens. Désormais, les minorités – principalement chrétiennes et alaouites –, notamment à Tartous et à Lattaquié, sont victimes de persécutions et d'exactions, comme les yézidis le furent avant elles. Rien que cette semaine, 1 400 personnes ont été tuées. Votre décision, soutenue par ceux-là mêmes qui, hier, versaient ici des larmes de crocodile, crée un précédent grave. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. Arnaud Le Gall . Ce sont des tartuffes !
M. Pouria Amirshahi . Pour la première fois, l'État français a décidé de ne plus répondre à la demande de protection des minorités persécutées en Orient. À présent, des centaines de demandes parviennent à nos consulats limitrophes de la Syrie, lesquels ne sont plus en mesure de les instruire, ni même de les recevoir, en raison de votre décision.
Ce que je dis vaut aussi pour les femmes afghanes, pour les réfugiés palestiniens et pour tous ceux qui sont victimes des tremblements du monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Quand allez-vous lever ce gel, annoncé sans en mesurer les conséquences dramatiques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Mme Martine Froger applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . Vous posez une question fondamentale, puisque le droit de demander l'asile et d'obtenir le statut de réfugié est un droit exceptionnel auquel la France, en particulier le gouvernement, est attachée. Je rappelle que plus de 130 000 demandes ont été formulées en 2024 et que le taux de reconnaissance est de l'ordre de 39 % en décision définitive, après passage devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Il n'est pas question de revenir en arrière s'agissant de l'application de la convention de Genève.
Vous soulevez particulièrement – et vous avez raison – le problème lié à la suspension de certaines procédures, fréquente dans le cas d'un changement de régime. Au vu des événements récents, la position de la France va bien sûr évoluer ; d'ailleurs, en matière de demande d'asile, les positions évoluent par nature en fonction des circonstances internationales. Il n'est évidemment pas question de prendre le moindre risque de renvoyer une personne dans son pays au péril de sa vie. L'État fait preuve d'une vigilance extrême, à commencer par l'Ofpra.
Enfin, nous travaillons à rendre possible le dépôt d'une demande d'asile auprès de la représentation diplomatique française dans un pays tiers. Nous souhaitons avancer sur ce point.
Mme la présidente . La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi . Il me paraît difficile de s'émouvoir du sort réservé à des populations victimes tout en leur fermant la porte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Martine Froger applaudit également.)
Auteur : M. Pouria Amirshahi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Réfugiés et apatrides
Ministère interrogé : Intérieur (M)
Ministère répondant : Intérieur (M)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mars 2025