Question écrite n° 4843 :
Inégalités dans l'école de la République à Seine-Saint-Denis

17e Législature

Question de : M. Thomas Portes
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Thomas Portes attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les conditions d'éducation en Seine-Saint-Denis. En maternelle, à tout juste 3 ans, les enfants apprennent à apprécier la compagnie des autres, à créer du lien, à s'attacher à d'autres personnes qu'à leurs parents. À Neuilly-sur-Marne, à la maternelle Jean-Baptiste Du Hamel, des enfants de 3 ans le font dans les odeurs d'excréments. Depuis près d'un an, une invasion de souris perturbe les enseignements. Les rongeurs envahissent tout le bâtiment et ils grignotent les draps, les vêtements, les livres et même les travaux des enfants. Les premiers signalements remontent à mars 2024. Diverses interventions, trop espacées, ont eu lieu sans régler la situation. Au CP, les enfants apprennent à lire, à écrire et à compter. Ces apprentissages sont d'autant plus clés, que savoir lire et écrire, autrement dit l'alphabétisation, est l'un des facteurs à la lumière duquel l'ONU évalue un territoire et son taux de développement. Dans les écoles de Noisy-le-Grand, Neuilly-Plaisance ou Gournay-sur-Marne, les élèves passent des mois sans professeur dans des cours surchargés. À l'école primaire primaire Marcel Cachin de Neuilly-sur-Marne, 18 enfants sont sans maître ou maîtresse depuis plus de 30 jours au plus grand désarroi de leurs parents. Certaines classes comptent jusqu'à 45 élèves. Le collège marque le début de l'adolescence. À 11 ou 12 ans, les jeunes apprennent à prendre des risques et des responsabilités, prenant confiance en eux et en les autres. Mais à Neuilly-sur-Marne, là encore il faut choisir, choisir entre le papier blanc et le papier toilette. Dans les collèges Braque et Camus, les feuilles blanches sont tant venues à manquer que les parents d'élèves ont dû organiser des collectes solidaires de ramettes de papier. Dans certains collèges ont pu être observés des manques de papier toilette. M. le député interpelle Mme La ministre sur l'impossibilité d'enseigner ou d'apprendre dignement lorsque l'on ne peut assurer son hygiène la plus élémentaire. À l'aube de leur majorité, lorsqu'ils sont au lycée, jeunes hommes et jeunes femmes doivent oser se projeter, se choisir des passions et de potentiels métiers. Pourtant, l'année passée, c'étaient 23 000 jeunes de Seine-Saint-Denis qui étaient empêchés de faire leur rentrée, faute d'affectation à un lycée. Lorsqu'ils et elles ont la chance de pouvoir y entrer, ces jeunes y sont encore en grande majorité entourés d'enseignants contractuels, inexpérimentés, pas encore eux-mêmes préparés, comme le souligne le rapport parlementaire sur le département paru en novembre 2023. Lorsqu'il arrive à la fin de son lycée, un jeune de Seine-Saint-Denis a, en cumulé, perdu en moyenne un an de scolarité par rapport à un lycéen parisien. Il a 30 % de probabilité d'avoir grandi dans les déjections de souris et autres nuisibles. 1 sur 2 d'avoir étudié dans un bâtiment glacé parce que sous-chauffé. Il n'a probablement presque pas connu les sorties culturelles, laissées au libre financement des parents faute de fonds, dans le département le plus pauvre de l'hexagone. À l'heure où le jeune de Paris calcule ses chances d'entrée dans les grandes écoles, lui en a 1 sur 3 de vivre sous le seuil de pauvreté. Il lui demande quelles sont les politiques envisagées pour rétablir l'égalité des chances par l'éducation en Seine-Saint-Denis. Depuis des mois, la communauté éducative se bat dans les diverses administrations, pour exiger un plan d'urgence pour le 93, le recrutement de 5 000 enseignants supplémentaires et la création de 3 000 postes de vie scolaire. Les AESH, en particulier, prennent souvent en charge plusieurs enfants à temps partiel, pour un salaire moyen de moins de 800 euros nets, bien en dessous du seuil de pauvreté. Récemment, les agents de cantine de Gournay-sur-Marne et de Noisy-le-Grand ont mené une mobilisation d'ampleur, interrompant pour plusieurs jours leur service dans presque toutes les écoles de la ville. Ils et elles nous disent que le mauvais taux d'encadrement ne leur permet plus d'assurer dignement les repas des élèves. Il lui rappelle le besoin urgent de répondre aux revendications des enseignants, des parents, des agents et des accompagnants éducatifs de la Seine-Saint-Denis. Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse publiée le 18 novembre 2025

Dans le cadre de sa stratégie pour renforcer l'égalité des chances, le département de la Seine-Saint-Denis et l'académie de Créteil ont mis en place un ambitieux plan d'attractivité des collèges. Ce dispositif repose d'abord sur la création de sections d'excellence en latin, mathématiques, langues, sport, mais aussi de sections internationales au nombre de trois et de sections à horaires aménagés permettent aux élèves de Seine-Saint-Denis de renforcer leur pratique musicale. En parallèle, un observatoire de l'attractivité et de la mixité sociale et scolaire a été inauguré en décembre 2024. Cette instance vise à analyser et limiter le phénomène d'évitement scolaire en suivant une dizaine de collèges pilotes. Ensuite, pour garantir la qualité de l'enseignement, le département a également prévu 2 500 heures supplémentaires, un remplacement systématique des enseignants absents, ainsi qu'un soutien financier accru aux projets pédagogiques innovants tant dans le premier degré que dans le second degré. Ces mesures conjuguées visent à rendre les établissements plus attractifs pour toutes les familles et à favoriser la mixité sociale au sein des collèges publics. Le renforcement de l'éducation prioritaire sur l'ensemble du territoire nationale et notamment en Seine-Saint-Denis est un levier central dans la lutte contre les inégalités scolaires. Parmi les mesures phares figure, depuis 2017, le dédoublement des classes en grande section, CP et CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire, permet une meilleure prise en charge des élèves et un suivi pédagogique individualisé, soutenu par l'augmentation du nombre d'équivalent temps plein (ETP). Par ailleurs, le développement de 14 cités éducatives, soit un tiers des communes du département concernées, illustre une approche globale de l'éducation. Pilotées conjointement par l'État et les collectivités locales, ces cités bénéficient, au 31 décembre 2024, d'un financement de plus de 20 millions d'euros pour coordonner les actions en matière d'éducation, de culture et de sport dans les quartiers prioritaires. Ces initiatives visent ainsi à créer une logique de continuité éducative et sociale, dans laquelle les enfants et les jeunes sont accompagnés au-delà de l'école. Par ailleurs, dans le cadre du plan « Un État plus fort en Seine Saint Denis », un dispositif de pré-recrutement des futurs enseignants a été mis en place pour répondre à la pénurie chronique de personnels éducatifs dans le département. Ce programme accompagne des étudiants locaux dans leur parcours vers les concours de l'Éducation nationale, en leur proposant un encadrement adapté ainsi qu'une formation professionnalisante directement sur le territoire. L'objectif est double : favoriser l'émergence d'un vivier d'enseignants issus du département, mieux familiariser avec ses réalités sociales et garantir une stabilité accrue dans les équipes pédagogiques. En complément, une prime de fidélisation territoriale a été mise en place dès octobre 2020 et bénéficie aux agents publics exerçant 5 années consécutives en Seine-Saint-Denis d'un montant de 12 000 €. Elle est destinée à renforcer l'attractivité du métier et à encourager le maintien des personnels enseignants et non enseignants dans le département. Cette mesure vise à compenser les difficultés spécifiques du territoire et à stabiliser les équipes éducatives. S'agissant enfin du bâti scolaire, les collectivités territoriales en ont la charge et la responsabilité dans le cadre du partage des compétences dans le champ éducatif. Pour autant, des moyens financiers supplémentaires d'investissement ont également été dégagés pour accélérer la rénovation des établissements des premier et second degrés, en sanctuarisant les moyens de la dotation de soutien à l'investissement local. Cet effort s'est traduit, par exemple, par la construction d'un bâtiment scolaire de 6 classes à l'école maternelle Vauban à Livry-Gargan, ou encore la création d'un groupe scolaire Honoré d'Estienne d'Orves à Montreuil.

Données clés

Auteur : M. Thomas Portes

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Éducation nationale

Dates :
Question publiée le 11 mars 2025
Réponse publiée le 18 novembre 2025

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