Question écrite n° 4871 :
Protection des victimes de violences conjugales et de tentatives de meurtre

17e Législature

Question de : M. Philippe Fait
Pas-de-Calais (4e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Philippe Fait interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur la protection des victimes de violences conjugales et de tentatives de meurtre. Aujourd'hui, lorsqu'un individu condamné pour violences conjugales sort de prison après avoir purgé sa peine, aucune disposition systématique ne l'empêche de s'installer à proximité de sa victime, sauf décision judiciaire expresse. Cette situation génère une insécurité permanente et une profonde détresse psychologique pour les victimes, qui vivent dans la crainte constante de recroiser leur agresseur. Dans la circonscription de M. le député, une femme a été victime d'une tentative de meurtre par son ex-conjoint. Condamné à huit ans de prison, ce dernier a été libéré après cinq ans de détention et a choisi de s'installer dans la même rue que sa victime. Alors qu'elle tente de se reconstruire après des années de souffrance, elle se retrouve aujourd'hui dans une situation de grande détresse, contrainte de croiser régulièrement son agresseur et redoutant de potentielles représailles. Si des dispositifs comme le téléphone grave danger existent, leur durée limitée et leur champ d'action ne garantissent pas toujours une protection efficace et durable. Face à ces constats, il apparaît nécessaire de renforcer le cadre législatif afin d'éviter que de telles situations ne se reproduisent. M. le député souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour mieux protéger les victimes de violences conjugales après la libération de leur agresseur, notamment en instaurant, par défaut, une interdiction de résidence à proximité de la victime pour les condamnés pour violences conjugales. Il souhaite également savoir si des réflexions sont engagées pour améliorer l'accompagnement des victimes sur le long terme, afin de leur permettre de se reconstruire dans un cadre sécurisé et apaisé.

Réponse publiée le 26 août 2025

La préservation de l'intérêt des victimes constitue un point d'attention constant du ministère de la Justice, le garde des Sceaux ayant encore récemment appelé, dans sa circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025 (NOR : JUSD2502731C), les procureurs généraux et procureurs de la République à mettre en place de véritables politiques de juridiction afin que les victimes soient mieux accueillies, informées et accompagnées tout au long du parcours pénal, y compris dans la phase post-sentencielle. À cet égard, la sortie de détention d'une personne condamnée constitue un moment dont la sensibilité est prise en compte, en particulier dans les affaires de violences conjugales. L'article 712-16-1 du code de procédure pénale rappelle que les juridictions de l'application des peines doivent prendre en considération les intérêts de la victime avant toute décision entraînant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération de la personne condamnée. À cet effet, elles peuvent, avant toute décision, solliciter des observations de la victime pour apprécier la nécessité de mettre en place des mesures de protection. Cette information préalable a été rendue obligatoire en matière d'infractions commises au sein du couple par un décret du 24 décembre 2021 (article D.1-11-2 du code de procédure pénale). En tenant compte, notamment, des besoins exprimés par la victime, le juge de l'application des peines a la possibilité d'assortir toute décision de libération anticipée d'une interdiction de contact avec cette dernière, d'une interdiction de paraitre dans certains lieux (laquelle emporte, par nature, obligation de résider en dehors de la zone géographique interdite), et d'une obligation de porter un dispositif de bracelet anti-rapprochement, lequel interdit au condamné de se rapprocher de la victime en-dessous d'une certaine distance préalablement fixée par le juge et contrôlée par un dispositif électronique mobile (article 132-45 du code pénal). Près de 800 bracelets anti-rapprochement sont actuellement actifs sur le territoire national, dont environ 700 dans le cadre de mesures post-sentencielles. Lorsque la libération intervient en fin d'exécution de peine, le condamné peut encore être soumis à des mesures de contrôle ou de sûreté protectrices des victimes, si sa dangerosité apparait persistante. Ainsi, les juridictions de l'application des peines peuvent lui imposer une interdiction d'entrer en contact avec la victime, durant le temps correspondant aux réductions de peine dont il a bénéficié, avec possibilité d'être réincarcéré en cas de violation de celle-ci, dans le cadre d'un suivi post-peine ou d'une surveillance judiciaire. En cas de risque avéré de récidive et de particulière dangerosité, et à la fin de l'exécution d'une surveillance judiciaire ou d'une peine de suivi socio-judiciaire, les mesures de contrôle peuvent être prolongées, pour les cas les plus graves, dans le cadre d'une surveillance de sûreté. Si ces suivis post-peine n'ont pas été ordonnés, et que l'infraction s'était déroulée dans un cadre conjugal, la victime peut solliciter des mesures de protection auprès du juge aux affaires familiales dans le cadre d'une ordonnance de protection. Ce dernier peut alors prononcer, dans un délai maximal de 6 jours à compter de la fixation de la date d'audience, à l'encontre du condamné une interdiction d'entrer en contact ou de se rendre dans certains lieux (article 515-11 du code civil), si besoin accompagnée du prononcé d'une mesure de bracelet anti-rapprochement (article 515-11-1 du code civil). Ce dispositif a été récemment renforcé par le décret du 15 janvier 2025 (n° 2025-47) qui a créé une ordonnance provisoire de protection immédiate, permettant la mise en place de mesures de protection en extrême urgence en cas de violences et de danger grave et immédiat, le juge aux affaires familiales devant statuer dans un délai de 24 heures. Le procureur de la République peut également décider d'allouer à la victime de violences conjugales un dispositif de téléphone grave danger, qui lui permettra, en appuyant sur une seule touche, d'alerter immédiatement un service d'assistance puis les forces de l'ordre lorsqu'elle rencontre une situation de danger.  Ce dispositif, bien qu'étant accordé pour une durée limitée de six mois, est renouvelable sans aucune limitation de durée (article 41-3-1 du code de procédure pénale). Enfin, l'accompagnement des victimes, confié pour partie aux associations d'aide aux victimes, consiste à offrir aux victimes d'infractions pénales un accompagnement aussi longtemps que nécessaire, au-delà de la durée de la procédure pénale, le cas échéant. Il en est notamment ainsi dans le cadre des dispositifs de justice restaurative qui offrent aux victimes, en dehors de toute procédure judiciaire et sans effets sur celle-ci, un espace de dialogue et de rencontre médiatisé, pour les aider à se reconstruire.  Créés par la loi du 15 août 2014 n° 2014-896 à l'article 10-1 du code de procédure pénale, ces dispositifs se développent sur tout le territoire.

Données clés

Auteur : M. Philippe Fait

Type de question : Question écrite

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 11 mars 2025
Réponse publiée le 26 août 2025

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