Calcul de la pension civile des fonctionnaires du Pacifique
Publication de la réponse au Journal Officiel du 25 février 2025, page 1236
Question de :
Mme Mereana Reid Arbelot
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Mme Mereana Reid Arbelot attire l'attention de M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer, sur l'extinction de l'indemnité temporaire de retraite (ITR) en Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon et le calcul incomplet de la pension civile (PC) des fonctionnaires dans ces territoires. En préambule, il convient de rappeler les dispositions suivantes : - l'article L111-2-1 du code de la sécurité sociale qui dispose d'un principe qui doit guider les politiques en matière de retraite : « II.- La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu'ils ont tirés de leur activité. » ; - l'article 1er de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer qui dispose : « La République reconnaît aux populations des outre-mer le droit à l'égalité réelle au sein du peuple français. Cet objectif d'égalité réelle constitue une priorité de la Nation ». Alors qu'on dénonce la paupérisation des retraités ultramarins de la fonction publique en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, à Wallis et Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon, la réponse du Gouvernement est de s'attaquer au pouvoir d'achat des actifs en leur proposant un dispositif par capitalisation sur 100 % de la part majorée de leur traitement indiciaire (soit 0,84 du TIB en Polynésie française). En effet, dans l'article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (qui a été introduit par la loi de finances pour 2024), le Gouvernement impose non pas un choix, mais un dilemme aux fonctionnaires de Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon entre une cotisation supplémentaire à l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) ajoutant à l'assiette en vigueur (exposée dans l'article 2 du décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la RAFP), 100 % de la part majorée de leur traitement indiciaire et rien. La sur-cotisation à l'ERAFP assurerait un complément minimum de 333 euros mensuels aux retraités pour atteindre un taux de remplacement de 43 % en moyenne en Polynésie. Pour les plus jeunes, qui auront le temps de cotiser à ce dispositif, ce dernier promet 0,7 à 4,4 % de plus sur le taux de remplacement, bien en-dessous de 50 % et très loin du taux de remplacement moyen de 73,8 % dans le secteur public en Hexagone. C'est un choix irréversible pour toute une carrière, dont l'assiette est non modulable et dont la suspension, même temporaire, est impossible, pour passer un moment difficile, par exemple. De surcroît, la loi n° 74-1114 du 27 décembre 1974 de finances rectificative pour 1974 dispose dans son article 20 : « Le coefficient de majoration prévu par le décret n° 67-600 du 23 juillet 1967 s'applique au montant du traitement afférent à l'indice hiérarchique détenu dans l'emploi occupé, après déduction des retenues pour pension civile et sécurité sociale ». Il en découle que, depuis 1975, la somme équivalente aux retenues sur la part majorée du traitement indiciaire est soustraite aux revenus des fonctionnaires de ces territoires et le coefficient de majoration annoncé de 1,84 pour la Polynésie française est en réalité de 1,72. Depuis cinquante ans et par un jeu d'écriture, les retenues pension civile (PC) et sécurité sociale (SS) sont aussi réalisées sur la part majorée du traitement indiciaire des fonctionnaires du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon. En revanche, leur pension civile n'est calculée que sur leur traitement indiciaire de base sans intégrer la part majorée de ce traitement dans le calcul. C'est la raison pour laquelle la perte de niveau de vie à la retraite est très importante. Cet écart était compensé par l'indemnité temporaire de retraite mais cette dernière, a été redéfinie au III de l'article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 pour diminuer tous les ans jusqu'à s'éteindre en 2028. Depuis 2008, les effets de la baisse de l'ITR se font ressentir car le taux de remplacement diminue et il est à présent, bien en-dessous des 50 %. En 2021, le Gouvernement s'est attelé à trouver un dispositif de substitution qui est désormais détaillé dans l'article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. La quasi-unanimité des partenaires sociaux rejette ce dispositif (un seul syndicat s'en contente) et leur demande unanime dans des courriers intersyndicaux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française est claire : la somme retenue sur la part majorée du traitement indiciaire doit être enfin reconnue comme retenues PC et SS liées à cette part. Il en découlerait qu'en vertu de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), le traitement de référence pour le calcul de la pension est le traitement brut majoré (1,84 TIB et non 1 TIB pour la Polynésie française). Ce qui serait une juste reconnaissance des efforts des actifs du Pacifique et une vraie réponse à la mise en extinction de l'ITR. Ainsi, les 280 nouveaux retraités annuels dans les territoires français du Pacifique et Saint-Pierre-et-Miquelon percevront une pension civile en rapport avec tout leur traitement indiciaire, de base et majoré. À l'instar d'autres territoires ultramarins, le coefficient de majoration doit s'appliquer sur le traitement indiciaire brut (TIB) avant les retenues PC et SS. Et à l'instar des fonctionnaires de l'Hexagone, les retenues pension civile et sécurité sociale, doivent être calculées sur l'ensemble du traitement indiciaire. Il en résultera que le calcul de la pension civile se basera sur tout le traitement indiciaire du fonctionnaire du Pacifique, en conformité avec le code de la sécurité sociale, le code des pensions civiles et militaires de retraite et la loi dite « EROM ». De plus, cela n'aura aucune conséquence sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon car ils sont déjà privés de la somme équivalente à ces retenues depuis 48 ans. Ce serait un signe fort de rendre justice aux 11 500 actifs concernés de ces territoires. Le dispositif de cotisation volontaire de retraite, au-delà d'une application alambiquée et complexe et d'une différenciation augmentée des fonctionnaires du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon, a des conséquences néfastes sur le pouvoir d'achat des actifs et nous ne pouvons accepter cette double peine sociale. Mme la députée sollicite donc de M. le ministre pour la prise en compte de tout le traitement indiciaire des fonctionnaires du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le calcul de leur pension civile, à savoir le traitement indiciaire majoré. Cette décision viendra réduire la chute importante du niveau de vie des fonctionnaires prenant leur retraite sans toucher au pouvoir d'achat, déjà malmené, des actifs. Cette décision ne conduira pas aux conséquences néfastes d'un dispositif de capitalisation complexe et alambiqué, enfermant le fonctionnaire dans un choix irréversible et nécessitant une gestion lourde des services de l'ERAFP. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.
Réponse publiée le 25 février 2025
Sur le premier volet de la question, il convient de rappeler que le dispositif de cotisation volontaire au régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) a été mis en place après une large concertation incluant quinze parlementaires et l'ensemble des sept organisations syndicales représentatives dans la fonction publique de l'État. Reposant sur le principe de contributivité, il permet aux fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, de constituer des droits à retraite en cotisant volontairement pour la durée de leur poste, au-delà de la limite de 20 % du traitement applicable au titre de la cotisation obligatoire au RAFP, sur les majorations de traitement. L'Etat employeur contribue également financièrement en versant le même montant de cotisation que l'agent. Ainsi, ce nouveau dispositif a vocation à garantir un meilleur taux de remplacement au moment du départ en retraite des agents. Il a été estimé, lors des travaux précités, que le retour sur investissement s'effectue sur 27 ans (intrinsèque au rendement du régime), soit un retour en 13,5 ans pour les seules cotisations salariales. En outre, pour certains fonctionnaires, magistrats et militaires, en activité au 1er janvier 2024 dans les territoires concernés, la mise en place de ce dispositif de cotisation volontaire a été complétée par un mécanisme de garantie minimale de 4 000 €. Sur le second volet de la question, les fonctionnaires de l'État exerçant dans les collectivités du pacifique et dans les Terres australes et antarctiques françaises bénéficient effectivement d'une majoration de traitement, laquelle résulte de l'application d'un coefficient de majoration au montant du traitement afférent à l'indice hiérarchique détenu dans l'emploi occupé, prévu par l'article 2 du décret n° 67-600 du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'Outre-mer. Conformément à l'article 20 de la loi n° 74-1114 du 27 décembre 1974 de finances rectificatives pour 1974, ce coefficient de majoration s'applique au montant du traitement indiciaire après déduction des retenues pour pension civile et sécurité sociale. Ainsi qu'il ressort des travaux législatifs de la loi de finances rectificatives pour 1974, cette précision relative à l'assiette de calcul du coefficient de majoration visait à corriger une omission involontaire. En effet, la rédaction de l'article 2 du décret du 23 juillet 1967 est imprécise et son interprétation a donné lieu à plusieurs contentieux au début des années 1970. Historiquement, le coefficient de majoration en vigueur dans les territoires concernés a toujours été appliqué au montant du traitement indiciaire après déduction des retenues pour pension civile et sécurité sociale. A ce titre, la remise en cause des modalités de calcul du coefficient de majoration actuellement en vigueur implique au préalable une analyse interministérielle approfondie, notamment sur les conséquences financières de l'élargissement de l'assiette sur laquelle le coefficient s'applique. Par ailleurs, une telle réflexion devra nécessairement s'insérer dans le cadre d'une réflexion plus générale sur les sur-rémunérations en outre-mer. En ce qui concerne le calcul de la pension, il convient de rappeler que la majoration de traitement résultant de l'application du coefficient de majoration prévu par le décret du 23 juillet 1967 ne peut pas être prise en compte pour la liquidation de la pension telle que prévue à l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires. Cette modalité de calcul est la même pour l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires en service en outre-mer. En effet, cette majoration de traitement ne peut être assimilée au « traitement ». En droit, le coefficient de majoration correspond à une simple modalité de liquidation de la rémunération (traitement, indemnité de résidence et supplément familial de traitement métropolitains et certaines indemnités) à laquelle peuvent prétendre les agents lors de leur affectation dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie. A ce titre, il convient de souligner que la majoration de traitement résultant de l'application du coefficient de majoration n'est pas soumise aux contributions et cotisations inhérentes à la couverture des charges résultant, pour l'Etat, de la constitution et du service des pensions prévues par le code des pensions civiles et militaires. Par suite, le calcul de la pension civile des fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires en service dans ces territoires n'est pas incomplet.
Auteur : Mme Mereana Reid Arbelot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 10 février 2025
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 25 février 2025