Question écrite n° 48 :
Entrave au droit de visite parlementaire des établissements pénitentiaires

17e Législature

Question de : Mme Andrée Taurinya
Loire (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Andrée Taurinya interpelle M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les contours du droit de visite des établissements pénitentiaires par les parlementaires, les journalistes, les accompagnants et les bâtonniers ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l'ordre. Le 16 juillet 2024, date à laquelle M. Gabriel Attal a présenté la démission de son Gouvernement au Président de la République, la direction de l'administration pénitentiaire a émis une note NOR : JUSK2422170N visant à réduire l'exercice du droit de visite parlementaire dans les établissements pénitentiaires consacré par la loi. Cette note venait abroger et remplacer la note NOR JUSK2323136N du 24 août 2023 qui précisait également la doctrine de l'administration pénitentiaire sur l'exercice de ce droit de visite. Cette nouvelle note interprétative précise son « 2) Les modalités de la visite » par une formule laconique : « Au cours de la visite, les parlementaires, le bâtonnier ou son délégué spécialement désigné au sein du conseil de l'ordre peuvent s'entretenir avec des personnes détenues ». La version antérieure de ce document publié le 24 août 2023 donne une tout autre interprétation du droit de visite lorsqu'on s'y réfère : « Au cours de sa visite, les parlementaires, le bâtonnier ou son délégué spécialement désigné au sein du conseil de l'ordre peuvent s'entretenir individuellement avec des personnes détenues, le cas échéant, hors la présence du cadre pénitentiaire en charge de l'accompagnement de la visite ». Force est de constater que la note du 16 juillet 2024 a manifestement fait disparaître la mention de la confidentialité de l'entretien que le titulaire du droit de visite peut conduire avec des personnes détenues rencontrées à cette occasion. La nouvelle rédaction ne semble pas interdire explicitement au titulaire de ce droit d'exiger que le cadre pénitentiaire en charge de l'accompagnement de la visite quitte la pièce avant ce type d'entretien. La confidentialité de l'entretien est en effet précieuse pour créer un climat de confiance entre le titulaire du droit de visite et la personne détenue. Elle doit pouvoir s'exprimer librement sur ses conditions de détention, sans subir la moindre forme de pression qui la conduirait à s'autocensurer par crainte d'éventuelles représailles. Si la note du 16 juillet 2024 avait pour effet d'interdire la confidentialité des entretiens entre le titulaire du droit de visite et les détenus rencontrés à cette occasion, elle reviendrait à réduire l'exercice d'un droit pourtant consacré par le code de procédure pénale et dont l'esprit dicte à son titulaire de contrôler sans entrave le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Cette note contiendrait dès lors un caractère impératif ayant un effet notable sur les droits ou la situation des administrés qui pourrait sans aucun doute possible conduire à un contentieux devant le juge de l'excès de pouvoir ou bien celui des référés. Mme la députée rappelle à ce titre que le juge des référés du Conseil d'État a reconnu que « la liberté d'expression et le libre exercice du mandat parlementaire constituent des libertés fondamentales au sens [de l'article 521-2 du code de justice administrative]. Découle de ce dernier notamment le droit des députés et des sénateurs de visiter les établissements pénitentiaires, prévu à l'article 719 du code de procédure pénale, qui a pour objet de permettre aux élus de la Nation de vérifier que les conditions de détention répondent à l'exigence du respect de la dignité de la personne » (CE, Juge des référés, 2 juin 2020, M. Bernalicis, n° 440787). Elle lui demande donc de bien vouloir : confirmer que la note n'a pas eu pour effet d'interdire la confidentialité des entretiens réalisés par les titulaires du droit de visite avec les personnes détenues rencontrées à cette occasion ; le cas échéant, rectifier la note NOR : JUSK2422170N du 16 juillet 2024 pour y faire réapparaître la possibilité de cet entretien confidentiel afin d'éclairer l'administration pénitentiaire et lever toute ambiguïté sur les contours du droit de visite ; le cas échéant, préciser dans quel délai il prendrait les mesures nécessaires pour réviser la note susmentionnée et ainsi clarifier la doctrine suivie par son administration.

Données clés

Auteur : Mme Andrée Taurinya

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date :
Question publiée le 1er octobre 2024

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