Question orale n° 48 :
Obsolescence de la loi du 13 décembre 2000 dite « loi SRU »

17e Législature

Question de : M. Sylvain Berrios
Val-de-Marne (1re circonscription) - Horizons & Indépendants

M. Sylvain Berrios interroge Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur l'obsolescence de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite « loi SRU ». L'article 55 de cette loi dispose l'obligation pour les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants en Île-de-France) d'atteindre un stock de 25 % minimum de logements sociaux d'ici à 2025, sous peine de lourdes sanctions. Si l'objectif initial de mixité sociale et de résorption de la pénurie de logements sociaux est louable, force est de constater que, en près d'un quart de siècle d'application, cette loi n'a pas atteint ses objectifs. À ce jour, près de 3 millions de ménages répondant aux critères sont en effet en attente d'un logement social. Ainsi, dans la circonscription de M. le député, la commune de Saint-Maur-des-Fossés est carencée et subit à ce titre une double-peine. D'une part, elle doit payer chaque année une pénalité de plus de 6 millions d'euros en application de l'article 55 de la loi « SRU ». D'autre part, et malgré le fait que la ville ait signé en février 2020 un contrat de mixité sociale avec l'État, gage de sa bonne volonté, celui-ci lui retirait dix mois plus tard l'intégralité de ses leviers en matière d'urbanisme, en particulier le droit de préemption et la délivrance des permis de construire. L'État, qui a repris à son compte ces leviers, a démontré son incapacité à réaliser le travail avec 496 logements sociaux délivrés sur le triennal, contre 900 réalisés par la ville de Saint-Maur sur le triennal précédent. Cet exemple révèle le fétichisme du quota que porte en elle la loi « SRU » et qui pénalise particulièrement certaines communes. Leurs maires sont aujourd'hui découragés par l'iniquité des mécanismes de cette loi, qui conduisent à ce que des sanctions soient prononcées non pas au regard de la trajectoire annuelle de production de logements, mais de l'histoire politique de leur ville. En outre, ces mécanismes de quota conduisent aujourd'hui à réduire la politique du logement à la seule application de sanctions. Il souhaite donc savoir si elle envisage de faire évoluer le cadre législatif de la loi « SRU » vers une prise en compte d'un objectif en flux de logements sociaux produits, plutôt qu'un stock impossible à atteindre pour de nombreuses communes, qui font pourtant preuve d'efforts importants chaque année.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

LOI SRU
M. le président . La parole est à M. Sylvain Berrios, pour exposer sa question, no 48, relative à la loi SRU.

M. Sylvain Berrios . Je souhaiterais appeler l'attention de la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains aux communes carencées, lesquelles ne respectent pas le seuil minimal de 25 % de logements sociaux sur le stock total de logements existants.

Dans le Val-de-Marne, plusieurs communes font l'objet de sanctions au titre de l'article 55 de cette loi, comme Bry-sur-Marne, Le Perreux-sur-Marne ou Saint-Maur-des-Fossés. Toutes se sont pourtant engagées dans des trajectoires déterminées de production annuelle de logements sociaux.

Prenons le cas de Saint-Maur-des-Fossés. Cette commune a établi une convention avec l'établissement public foncier d’Île-de-France (Epfif) pour accroître la production annuelle de logements sociaux.

La collectivité à laquelle elle appartient a adopté un plan local d'urbanisme intercommunal, approuvé par l'État, qui respecte la territorialisation de l'offre de logements.

Elle a aussi manifesté à plusieurs reprises son souhait de s'engager dans un nouveau contrat de mixité sociale, notamment par un courrier à la préfète du département en date du 31 octobre 2022. Il apparaît donc tout à fait contre-productif que cette commune continue à être aussi lourdement sanctionnée.

Avant que ne soit prononcé un arrêté de carence lui retirant l'intégralité de ses leviers d'urbanisme, notamment le droit de délivrance des permis de construire, cette commune produisait un flux important de logements sociaux – jusqu'à 900 logements sur un triennal. Depuis que l'État l'a sanctionnée, ce flux a chuté à moins de 500 logements sur la même durée.

Je vous demande de bien vouloir prendre acte de ces situations parfois contradictoires eu égard à l'application même de la loi SRU, pouvant varier d'un département à l'autre, et qui sont de nature à décourager les élus locaux engagés dans des trajectoires vertueuses de production de logements sociaux.

Enfin, je vous demande de bien vouloir réinterroger les arrêtés de carence pris à l'encontre de ces communes, à la lumière des faits que je vous ai exposés.

M. le président . La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice . La ministre du logement, que j'excuse auprès de vous, m'a demandé de rappeler que les obligations de production de logements sociaux demeurent un pilier des politiques du logement et de mixité sociale que défend le gouvernement.

Afin d'accompagner les territoires volontaires dans leur dynamique de rattrapage, un mécanisme de déductibilité a été prévu. Il permet aux communes de minorer le prélèvement qu'elles doivent au titre de la loi SRU, à hauteur des dépenses qu'elles engagent en faveur de la production de logements sociaux.

C'est ainsi que la commune de Saint-Maur-des-Fossés a pu déduire près de 1 million d'euros de son prélèvement au titre de l'année 2024. Dans le même temps, un quart des communes déficitaires ont pu neutraliser leur prélèvement, grâce aux dépenses qu'elles ont consacrées au développement de leur parc social.

La loi « 3DS » a beaucoup modifié le dispositif des contrats de mixité sociale, en permettant l'abaissement individualisé du rythme de rattrapage : la commune de Saint-Maur-des-Fossés devrait signer ce type de contrat de nouvelle génération pour la période 2023-2025, avec le préfet du Val-de-Marne.

La ministre du logement et de la rénovation urbaine sera d'ailleurs très attentive à ce que les communes qui s'engagent et respectent leurs objectifs puissent percevoir le fruit de leurs efforts. Les obligations issues de la loi SRU en matière de production de logements sociaux demeurent indispensables pour répondre de manière adaptée à la demande croissante de logements sociaux que nos concitoyens expriment. Elles contribuent à l'équilibre de l'offre et participent à l'atteinte des objectifs de mixité sociale.

M. le président . La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios . Il est important que les objectifs de mixité sociale et de production de logements sociaux soient atteints, partout sur le territoire français et quel que soit le département. La loi doit en effet s'appliquer partout de la même façon, et les maires qui ont conclu des contrats de mixité sociale de nouvelle génération ou des contrats avec ces établissements fonciers territoriaux, ainsi que ceux qui ont modifié leurs plans locaux d'urbanisme avec l'accord de l'État, doivent percevoir le fruit de leur engagement. Sinon, chacun sera découragé et vous n'aurez pas convaincu les récalcitrants.

Données clés

Auteur : M. Sylvain Berrios

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement et rénovation urbaine

Ministère répondant : Logement et rénovation urbaine

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024

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