Question écrite n° 492 :
Définition des matières premières stratégiques

17e Législature

Question de : Mme Mereana Reid Arbelot
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

Mme Mereana Reid Arbelot interroge M. le ministre des armées et des anciens combattants sur la définition des matières premières stratégiques, élément clé de la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française dans le domaine minier. En effet, selon l'article 13 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, la Polynésie française est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État et aux communes. L'article 14 de la même loi prévoit que l'État est compétent en matière de défense et notamment en ce qui concerne les « matières premières stratégiques telles qu'elles sont définies pour l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des hydrocarbures liquides et gazeux ». Cependant, ces dispositions limitent fortement la compétence de la Polynésie en matière de droit minier qui est, au regard de l'article 47 du statut d'autonomie, particulièrement large puisqu'elle s'étend à la réglementation de l'exploitation minière sous-marine des ressources biologiques et non biologiques incluant les « terres rares » présentes dans le sol et le sous-sol de son domaine public maritime mais également dans la zone économique exclusive (ZEE). L'article 46 de ladite loi précise que la Polynésie exerce son droit de propriété sur son domaine public notamment maritime. La catégorie de « matières premières stratégiques » apparaît dans le statut de la Polynésie à compter de la loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 relative à l'organisation de la Polynésie française qui classe, dans le domaine de compétence de l'État, les « matières premières stratégiques telles que définies par la décision du 14 avril 1959 ». Cette décision classe dans cette catégorie les « minerais ou produits utiles aux recherches ou réalisations applicables à l'énergie atomique » et les « hydrocarbures liquides ou gazeux ». Ces derniers ont été retirés de la liste comme le précise la nouvelle rédaction de l'article 14.4° du statut d'autonomie. Pour le reste, la rédaction a perduré en l'état. Étaient alors énumérés au titre des « minerais ou produits utiles aux recherches ou réalisations applicables à l'énergie atomique » les substances suivantes : l'uranium, le lithium, le thorium, l'hélium et le béryllium et leurs composés. Par une correspondance du 18 novembre 2015, la ministre des outre-mer confirmait le classement des substances précitées dans la catégorie des « matières premières stratégiques ». Le rapport de la mission d'information sénatoriale de 2022 sur l'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins retient une « forte illisibilité de la répartition des compétences en matière de minerais stratégiques, en raison de renvois multiples à des textes anciens ». A priori, les minerais susceptibles d'être présents dans les fonds marins ne semblent pas correspondre à la définition actuelle des « matières premières stratégiques ». Au-delà, la Chambre territoriale des comptes retient que cette liste des matières premières stratégiques « ne tient pas compte des découvertes scientifiques et des avancées technologiques qui sont indépendantes de l'industrie atomique ». Pour le moment, la liste des « substances, minerais ou produits utiles à l'énergie atomique » et par conséquent, celle des « matières premières stratégiques » est définie par décret en Conseil d'État comme le prévoit l'article L. 111-3 du code minier. Il en ressort que l'État peut de manière unilatérale faire évoluer cette liste et donc le périmètre de sa compétence et réduire d'autant celle de la Polynésie française en modifiant la liste des « substances, matières et produits utiles à l'énergie atomique », celle des « matières premières stratégiques » ou pour des motifs de défense nationale restreignant la compétence de la Polynésie française. Ces problématiques sont au cœur de l'actualité notamment au regard des enjeux liés à la géopolitique et à la protection de l'environnement. Lors de l'examen d'un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française, les élus polynésiens ont pu exprimer leurs inquiétudes notamment par rapport à la notion de « gisement » couverte par l'article L. 532-1 du code patrimoine qui soulevait des difficultés d'interprétation et au périmètre du domaine public de l'État en Polynésie française au regard des articles 46 et 47 du statut d'autonomie précités. Il convient aussi de rappeler que les élus locaux et nationaux se sont prononcés en faveur d'un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins et que le Gouvernement central a assuré qu'« aucune licence d'exploitation ne sera (') accordée pour mener des activités nocives pour les océans au sein de la ZEE française ». Il est important de souligner également que, dans le cadre du processus de décolonisation dans lequel est engagé la Polynésie depuis son inscription sur la liste des territoires non autonomes, l'Organisation des Nations unies a systématiquement réaffirmé les « droits inaliénables du peuple de la Polynésie française à la propriété, au contrôle et à l'utilisation de ses ressources naturelles, y compris les ressources marines et les minéraux sous-marins ». C'est pourquoi elle lui demande de lui indiquer l'étendue de la compétence minière de l'État en Polynésie notamment en fixant la liste des « matières premières stratégiques telles qu'applicables sur l'ensemble du territoire de la République » et les modalités qui permettront de fixer cette liste.

Données clés

Auteur : Mme Mereana Reid Arbelot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Armées et anciens combattants

Ministère répondant : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques

Date :
Question publiée le 8 octobre 2024

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