Dépollution du Polygone
Question de :
Mme Dominique Voynet
Doubs (2e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Dominique Voynet interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la dépollution du Polygone, ancien site d'essais de détonateurs de bombes nucléaires à Moronvilliers, dans la Marne. De 1958 à 2013, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a utilisé 500 hectares, au cœur d'un territoire peu peuplé, pour des tests de « détonique », destinés à valider les mécanismes d'activation des bombes nucléaires. À quelques kilomètres de la zone de test, dans la commune de Pontfaverger-Moronvilliers, un enfant observait des nuages en champignon depuis son école. Devenu plus tard maire du village, il n'a jamais cessé de chercher la vérité sur les conséquences sanitaires et environnementales de ces essais, alors que des traces de béryllium ont été retrouvées dans les voies respiratoires de villageois décédés du cancer. Le CEA n'a reconnu que tardivement la réalité des essais et plus tardivement encore la présence de substances dangereuses, admettant notamment que 2,7 tonnes d'uranium resteraient stockées dans les puits utilisés pour les explosions souterraines. Au moins 5 des 54 puits d'essais nucléaires présentent des fuites. Des radioéléments - qui migrent dans la craie à raison d'un mètre par an - ont été détectés jusqu'à 40 mètres de profondeur. Si aucune contamination de l'eau potable n'a encore été signalée, une pollution radioactive a été mesurée dans deux rivières. Une réunion annuelle d'information est désormais organisée, qui ne répond guère aux questions que se posent les habitants. Des communiqués lénifiants sont produits. Mais l'accès à l'information reste corseté : pourquoi les données du suivi hydrogéologique sont-elles classées secret défense ? Comment évaluer dans ces conditions l'ampleur de la pollution et de la contamination radioactive au cœur du Polygone ? Au moment où une commission d'enquête parlementaire cherche à établir la vérité sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie, il devient urgent de briser le silence, d'ouvrir les archives - y compris celles du CEA - et de prendre les mesures qui s'imposent pour récupérer les déchets qui peuvent l'être et limiter l'infiltration des substances radioactives dans les nappes phréatiques. Elle lui demande si le Gouvernement va s'engager en ce sens.
Réponse publiée le 5 août 2025
Le site de la direction des applications militaires du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA/DAM) de Moronvilliers a été utilisé pour réaliser des expérimentations de détonique destinées à la mise au point des armes de la dissuasion nucléaire française. Il s'agissait d'expériences froides, c'est-à-dire sans réactions nucléaires, mettant en œuvre des détonateurs pyrotechniques et de la matière explosive conventionnelle associée à des métaux lourds non fissiles. L'uranium utilisé comme métal lourd avait une radioactivité inférieure ou égale à celle de l'uranium d'origine naturelle. Le site de Moronvilliers est identifié depuis 1997 dans la base de données BASOL (base de données du sous-sol) relative aux sites et sols pollués. Cette inscription implique à la fois la mise en oeuvre d'un PSE (programme de surveillance de l'environnement) et la transmission chaque semestre des résultats au DSND (délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense), ainsi qu'à la préfecture de la Marne. Par ailleurs, conformément à la loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets nucléaires, le CEA a déclaré en 2012 les puits d'expérimentations au titre des stockages historiques. Depuis l'arrêt des expérimentations en 2013, Moronvilliers est resté un SIENID (site et installations d'expérimentations nucléaires intéressant la défense) au sens de l'article L. 1333-15 du code de la défense et est contrôlé selon les prescriptions de l'arrêté du 15 février 2022 fixant les règles générales relatives aux installations et activités nucléaires intéressant la défense (IANID). À ce titre, le ministère des armées veille au respect de la réglementation prévue pour la protection radiologique du public et du personnel, ainsi que pour la prévention et le contrôle des pollutions et des risques de toute nature. L'objectif est de garantir que les pollutions résiduelles présentes sur le site n'ont pas d'impact sur l'environnement, comme l'attestent les mesures effectuées, et qu'elles n'en auront pas dans l'avenir, ce que prouve la simulation.. Ces mesures sont réalisées à la fois par le CEA, conformément à ses obligations en tant qu'exploitant du site, et par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), laboratoire indépendant du CEA et accrédité par le comité français d'accréditation (COFRAC). Les résultats de surveillance de l'eau (eaux souterraines, eaux superficielles et sources), de l'air (poussières et aérosols) et des sols aux abords du site ne font état d'aucune anomalie en dehors des seuils réglementaires, notamment concernant les concentrations d'uranium dans les eaux souterraines du bassin versant environnant. Afin que les résultats de ces actions de surveillance puissent être diffusées plus largement, une commission d'information auprès du SIENID de Moronvilliers a été créée par arrêté du 3 février 2017. Cette commission a pour mission d'informer les élus locaux sur l'impact des activités menées sur ce site, en matière de santé et d'environnement, conformément à la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et la sécurité en matière nucléaire. Cette commission, présidée par le préfet de la Marne, en présence de l'exploitant représenté par le directeur du CEA/DAM Ile-de-France réunit au moins une fois par an les élus, les représentants des services de l'Etat et des associations agréées de défense de l'environnement. Elle reçoit les informations nécessaires à sa mission d'information du public, dans le respect des dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale. Cela inclut notamment le rapport annuel d'activité, qui détaille le dispositif de surveillance en place. En complément de la commission d'information, le CEA dépose à son initiative chaque année dans les mairies des communes environnantes de nombreux exemplaires d'un document pédagogique intitulé "Lettre de l'environnement - site CEA de Moronvilliers". Cette lettre a pour objet de présenter aux mairies, ainsi qu'à leurs administrés, des informations sur l'évolution du site et les résultats des campagnes semestrielles de surveillance de l'environnement exercées à ses abords. Au regard de la rigueur avec laquelle les actions de surveillance de l'environnement du site de Moronvilliers sont réalisées, la contribution d'un laboratoire indépendant, le contrôle par l'autorité de sûreté de défense et enfin l'ensemble des actions de communication, le ministère des armées considère, d'une part, que le site fait l'objet du meilleur niveau de transparence et, d'autre part, que l'absence d'impact environnemental est démontré, à court et à long terme.
Auteur : Mme Dominique Voynet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pollution
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Armées
Dates :
Question publiée le 11 mars 2025
Réponse publiée le 5 août 2025