Accaparement des terres agricoles françaises par des investisseurs étrangers
Question de :
Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National
Mme Géraldine Grangier attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'accaparement des terres agricoles françaises par des investisseurs étrangers et les inégalités de traitement qui en découlent pour les agriculteurs français. Alors que la France s'inquiète de sa souveraineté alimentaire, cette situation menace directement l'avenir de l'agriculture française et l'installation de jeunes exploitants. L'accaparement des terres agricoles par des investisseurs étrangers n'est pas un phénomène anecdotique. Selon l'association Terre de Liens, environ 640 000 hectares de terres agricoles françaises sont détenus par des investisseurs étrangers, soit près de 14 % de la surface agricole utile. Ce phénomène est en constante augmentation, avec une croissance de 40 % en dix ans. L'augmentation du prix des terres agricoles en France, qui a progressé de 3,2 % en 2022 selon la Fédération nationale des Safer, profite ainsi à des groupes étrangers plutôt qu'aux agriculteurs français. Cette situation est particulièrement préoccupante dans les zones frontalières, notamment dans le Doubs et le nord de la Franche-Comté, où les agriculteurs français sont confrontés à la concurrence des exploitants étrangers, en particulier suisses. Dans ces régions, les prix du foncier sont tirés vers le haut par des investisseurs helvétiques disposant de moyens financiers largement supérieurs à ceux des exploitants locaux. À titre d'exemple, dans le canton du Jura suisse, le prix de l'hectare agricole est en moyenne deux à trois fois plus élevé qu'en France. Il est donc plus avantageux pour un agriculteur suisse d'acheter ou de louer des terres en France que dans son propre pays. Outre cet effet inflationniste sur le foncier, les exploitants étrangers bénéficient d'un avantage réglementaire inéquitable. Lorsqu'un agriculteur français souhaite obtenir la location de terres agricoles en France, il doit soumettre un dossier à la direction départementale des territoires (DDT), qui détermine si l'attribution est conforme à l'équilibre agricole local. La commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) analyse ensuite le dossier selon plusieurs critères, dont la surface d'exploitation du demandeur. Cependant, les exploitants étrangers ne sont pas tenus de déclarer les surfaces qu'ils possèdent ou exploitent dans leur pays d'origine, ce qui leur permet d'accroître leur assise foncière en France sans contrainte, contrairement aux agriculteurs français soumis à des limitations. Cette situation a déjà été soulevée par des parlementaires, avec notamment des exemples concrets où des agriculteurs français avaient vu leurs demandes rejetées au profit d'exploitants étrangers disposant d'une capacité financière bien supérieure et bénéficiant d'un système de déclaration partiel. Par ailleurs, certaines acquisitions de terres agricoles françaises par des investisseurs étrangers ne sont pas destinées à être exploitées directement, mais à alimenter des logiques purement financières. Est observé, en particulier dans les régions céréalières, l'achat massif de terres par des fonds d'investissement asiatiques, notamment chinois, qui visent à produire des cultures à vocation exportatrice sans réinvestir dans le tissu agricole local. Cette financiarisation croissante du foncier agricole français constitue une menace directe pour la transmission des exploitations et la préservation du modèle agricole familial français. La France pourrait s'inspirer de l'exemple d'autres pays européens qui ont adopté des législations plus restrictives en matière d'acquisition de terres agricoles par des investisseurs étrangers. Ainsi, en Hongrie, une loi de 2014 interdit la vente de terres agricoles à des personnes non résidentes. En Autriche, les acquisitions par des étrangers sont soumises à une autorisation préalable de l'état régional, avec un examen rigoureux des impacts sur l'agriculture locale. Elle lui demande quelles mesures elle envisage de prendre pour garantir une concurrence loyale entre agriculteurs français et étrangers et préserver la souveraineté alimentaire nationale et si le Gouvernement prévoit des mesures pour faciliter l'installation des jeunes agriculteurs français face à cette concurrence accrue.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Le maintien de la vocation agricole du foncier est une priorité du Gouvernement, conscient que la souveraineté alimentaire passe par la maîtrise des outils de production des produits agricoles, à commencer par le foncier. Il convient de revenir sur plusieurs points pour préciser les termes de ce débat. En effet, le rapport de Terre de Liens auquel il est fait référence évoque le fait que 14 % de la surface agricole utile (SAU) du pays sont cultivés, et non possédés par des sociétés permettant la présence d'associé non exploitant. De plus, cette étude indique que de telles sociétés possèderaient en propriété 640 000 hectares, soit environ 2 %, et non 14 % de la SAU de la France. Surtout, ce rapport n'aborde pas la question de la nationalité des actionnaires. Il est donc tout à fait abusif de considérer qu'une société permettant à des actionnaires de ne pas être exploitant est de facto une « société étrangère ». En effet, les actionnaires non exploitant de sociétés détenant ou exploitant du foncier sont, dans leur très grande majorité, des citoyens français. De plus, en application des dispositions relatives au contrôle des investissements étrangers réalisés en France, en en particulier des articles L. 151-2 et L. 151-3 du code monétaire et financier, le foncier agricole fait partie des actifs stratégiques surveillés, dont l'acquisition par un investisseur étranger peut être soumis à accord du ministère chargé des finances. Par ailleurs, la loi 2021-1756 portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires soumet à autorisation préfectorale toute prise de contrôle de sociétés détenant ou exploitant une surface agricole supérieure à un seuil qui a été défini dans chaque région. Enfin, toute mise en valeur de terres agricoles, au-delà d'un certain seuil de surface lui aussi défini régionalement, est soumis aux dispositions relatives au contrôle des structures, qui s'applique quel que soit la nationalité du demandeur.
Auteur : Mme Géraldine Grangier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025