Utilisation de l'IA pour les doublages : il faut une véritable régulation !
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social
M. Alexis Corbière appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les risques de casse sociale dans le secteur du doublage, si aucune mesure n'est prise pour réguler l'utilisation de systèmes d'intelligence artificielle dans le domaine. Mercredi 5 mars 2025, l'entreprise du multimilliardaire Jeff Bezos a annoncé qu'elle travaillera désormais sur des versions doublées de plusieurs de ses films et de ses séries, grâce à l'intelligence artificielle, sans enregistrement de voix humaines. Or, dans le cas présent, l'IA menace fortement l'industrie mondiale du doublage, que ce soit dans le jeu vidéo, l'industrie cinématographique, le livre audio ou encore les séries. En effet, ces solutions d'intelligence artificielle permettraient aux studios des traductions quatre fois plus rapide pour un coût dix fois moindre. Pourtant, sans les comédiens, l'IA générative ne pourrait performer si elle n'était pas entraînée et approvisionnée par des êtres humains pour améliorer ses capacités d'apprentissage. Or, pour que cet apprentissage soit automatique, certaines entreprises d'IA de doublage ont recours à des bases de données et de stockage de voix humaines, sans le consentement de leurs acteurs. Ces méthodes entrent en contradiction directe avec les principes fondamentaux du règlement général de la protection des données. De plus, la substitution de l'humain par la machine est un danger pour la création, la complexité et l'hétérogénéité qui font de la culture un magnifique outil pour porter des idées fortes. Or, si l'IA devient désormais la norme, celle-ci sera de plus en plus nourrie par des contenus générés par d'autres intelligences artificielles et provoquera nécessairement un appauvrissement culturel. Si puissants soient-ils, les algorithmes ne pourront façonner que des simulacres, voire, risqueront de dénaturer totalement les dialogues. En France, près de 15 000 personnes auraient ainsi leur emploi menacé par une utilisation de l'IA toujours plus intensive alors que l'année passée, 85 % des films étrangers vus en salle l'ont été dans une version doublée en français. En 2023, la masse salariale globale brute représentait plus de 210 millions d'euros en France. Le chiffre d'affaires du secteur du doublage pour l'année 2023 est estimé entre 650 et 700 millions d'euros. Laisser une IA totalement dérégulée remplacer petit à petit les comédiens serait une casse sociale. Les 10 et 11 février 2025, la France accueillait le 3e Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle. Le combat mené par les travailleurs et les syndicats du secteur du doublage pour être entendus est juste. Ils doivent être écoutés et concertés. Il y a urgence à réguler l'utilisation de l'IA. La France doit se doter d'un cadre juridique transparent, ainsi que d'une véritable réglementation de l'intelligence artificielle, pour protéger l'ensemble des travailleurs du domaine du doublage. Leurs revendications sont claires. Tous exigent des protections, qui passeraient via des conventions collectives et seraient inscrites dans les contrats, pour interdire l'utilisation de leur travail pour entraîner les systèmes d'IA, dans l'attente d'une véritable législation à ce propos. Des discussions entre le ministère de la culture et Bercy devaient avoir lieu à ce sujet ces derniers mois. M. le député demande donc à M. le ministre où en sont les avancées des discussions avec le ministère de la culture et si les représentants du secteur du doublage, premiers concernés par ces questions, étaient conviés à ces rencontres. Il souhaiterait aussi savoir quelles sont les mesures qu'il compte mettre en place pour que l'IA, in fine, ne remplace pas les comédiens de doublage, mais puisse être considérée comme un outil d'appui pour ceux-ci.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Arts et spectacles
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date :
Question publiée le 18 mars 2025