Question écrite n° 5094 :
Manque de financements et de vision systémique pour le PNACC 3

17e Législature

Question de : M. Sylvain Carrière
Hérault (8e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Sylvain Carrière attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur le manque de moyens alloués au troisième volet du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3). Le PNACC-3, qui aurait dû être présenté au début de l'été 2024 a été révélé le 10 mars 2025 par le Gouvernement. Troisième opus des plans de planification écologique définis par l'État depuis 2011, il est construit autour de la trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique (TRACC). La TRACC prépare la France à un réchauffement climatique à + 2°C pour 2030, + 2,7°C pour 2050 et + 4°C pour 2100. Cette trajectoire représente un aveu d'échec de la politique de planification écologique du Gouvernement, car elle admet que l'accord de Paris ne sera pas respecté et que tout scénario intermédiaire ne peut être atteint. C'est la conséquence de l'absence de planification écologique concrète depuis le début du siècle. Ce plan élaboré par les services du ministère dresse un constat incomplet tant son approche est sectorielle à défaut d'être systémique comme le recommande pourtant le Haut conseil pour le climat (HCC) à chacune de ses publications. La France doit se préparer à des scénarios de réchauffement climatique qui vont se traduire très concrètement par des conséquences dramatiques, notamment des périodes de forte sécheresse avec une augmentation de la fréquence des feux de végétation, suivies par des périodes de précipitations intenses entraînant des inondations comme celles que la France a connues en octobre 2024. Mais aussi un réchauffement des océans et par conséquent l'intensification des cyclones dans les territoires ultra-marins, à l'image du cyclone Chido qui a ravagé Mayotte. Ou encore la hausse du niveau de la mer et le recul du trait de côte, une menace grandissante pour nombre d'habitations en milieux littoraux. Autant de catastrophes naturelles auxquelles le pays est d'ores et déjà confronté, vouées à s'intensifier et se multiplier. La majorité des mesures énoncées par le plan nécessite d'être appliquées. Cependant, l'angle mort principal réside, comme d'habitude, dans l'absence de financements adaptés et d'objectifs chiffrés. Des moyens suffisants permettraient de transformer des stratégies de planification en réalités concrètes sur les territoires. En l'état, le PNACC-3 est destiné à rester lettre morte tout comme ses prédécesseurs. En effet, il ne prévoit pas de nouvelles dépenses suffisamment conséquentes pour financer l'adaptation au changement climatique. Les dépenses engagées, par exemple pour le renforcement du plan Barnier, qui se voit attribuer 300 millions d'euros, sont prévues par le PLF 2025 et donc déjà annoncées depuis plusieurs mois. Dépendre du budget ne permet pas au plan d'adaptation de disposer de financements propres et pérennes, ce que permettrait un plan de programmation pluriannuel dédié ou une planification écologique systémique. Le budget répond à un agenda politico-médiatique, alors que la bifurcation écologique nécessite une transformation globale de la société sur le long terme. Par ailleurs, une partie des mesures énoncées sont financées par le Fonds vert, qui a subi dans ce même PLF des coupes sans précédent. Comment préparer la France à une augmentation de 4°C, tout en coupant 2,3 milliards à l'écologie ? C'est sans compter les mesures du plan qui n'ont même pas encore de budget défini. Sur l'ensemble du PNACC-3, les financements ont essentiellement été attribués aux mesures d'adaptation plutôt que de prévention aux effets du changement climatique. S'adapter est indispensable, mais s'attaquer à la racine du problème en réduisant les émissions de gaz à effet de serre l'est tout autant. L'inaction a pourtant un coût supérieur à la prévention. Selon Santé Publique France, le changement climatique a coûté entre 22 et 37 milliards d'euros cumulés à la France entre 2015-2020. À terme, ce chiffre ne fera qu'augmenter. Le rapport Stern sur l'économie du changement, paru en 2006, le mettait déjà en évidence : le coût de l'inaction au niveau mondial représenterait 5 à 20 % du PIB mondial contre 1 % pour celui de l'action. Au niveau national, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans son étude « Les risques climatiques et leurs coûts pour la France : une évaluation macroéconomique » parue en décembre 2023, a étudié les effets d'un scénario d'inaction totale : il coûterait 10 points de PIB en 2100, soit plusieurs centaines de milliards d'euros. La prévention en revanche a déjà fait ses preuves et le plan le reconnaît : selon une étude de la Caisse centrale de réassurance, 1 euro investi avec le plan Barnier permet d'économiser 8 euros de dommages. Pour faire face aux conséquences du changement climatique, il va falloir investir beaucoup plus. Le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz paru en mai 2023 sur les incidences économiques de l'action pour le climat préconise un investissement supplémentaire de 66 milliards d'euros par an jusqu'à 2030. Soit une augmentation de 101 milliards d'investissements verts, pour une baisse de 35 milliards d'investissements bruns. Un plan d'adaptation au changement climatique ne peut coexister avec la poursuite du financement des énergies fossiles, car chaque euro investi pour la transition écologique est immédiatement annulé par un euro investi dans le financement des énergies fossiles. Cela vaut aussi pour le maintien des grands projets écocidaires, qui accroissent la dépendance française à ces dernières. C'est le cas des nombreux projets autoroutiers, comme celui de l'A69, dont l'absence d'intérêt et de bénéfices a été actée juridiquement par l'annulation de l'autorisation environnementale par le tribunal administratif de Toulouse. La politique d'adaptation française se doit d'être plus ambitieuse. Une addition d'ajustements sectoriels ne permet pas des transformations globales et systémiques. Le coût de la planification écologique ne peut pas être une variable d'ajustement alors qu'elle s'apprête à devenir le plus gros poste de dépense. Se préparer à un monde à + 4°C pourrait même s'avérer être une trajectoire optimiste. Ainsi, il souhaite savoir si le Gouvernement compte investir les moyens financiers nécessaires, comme recommandé par le HCC, le rapport Pisani-Ferry et les experts mobilisés par les agences de l'État, pour s'assurer de l'application et de l'effectivité de l'ensemble des mesures du PNACC-3.

Données clés

Auteur : M. Sylvain Carrière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date :
Question publiée le 18 mars 2025

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