Question de : Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Géraldine Grangier attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la question de l'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers, en particulier ceux résidant en France et travaillant en Suisse. Ce sujet récurrent suscite de nombreuses interrogations quant à l'équilibre financier du régime d'assurance chômage français. Cette situation, qui découle directement de l'application du règlement européen (CE) 883/2004, crée une distorsion entre les contributions versées par les employeurs suisses et les dépenses supportées par la France en matière d'indemnisation des chômeurs frontaliers. En vertu de ce règlement, l'indemnisation des travailleurs frontaliers en cas de chômage incombe au pays de résidence et non au pays d'emploi, contrairement aux travailleurs transfrontaliers classiques. Ce cadre juridique s'applique pleinement à la Suisse depuis l'accord de libre circulation signé entre la Confédération helvétique et l'Union européenne. Par conséquent, lorsqu'un travailleur frontalier suisse perd son emploi, il doit s'inscrire auprès de Pôle emploi et c'est la France qui prend en charge son indemnisation chômage, bien qu'il ait cotisé uniquement au régime d'assurance chômage suisse durant son activité. Toutefois, ce règlement prévoit un mécanisme de remboursement partiel par la Suisse, mais uniquement pour une durée de trois à cinq mois, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Or, dans la plupart des cas, la durée d'indemnisation effective dépasse largement ce seuil. En France, un demandeur d'emploi peut bénéficier d'une allocation chômage pendant jusqu'à 24 mois, voire 36 mois pour les plus de 55 ans, ce qui signifie que l'assurance chômage française supporte une charge bien plus importante que celle compensée par la Suisse. D'après les chiffres de l'Unédic, en 2023, environ 77 000 allocataires percevaient une indemnisation chômage après avoir occupé un emploi frontalier, dont 61 % ayant travaillé en Suisse. Ce dispositif représentait un coût de près de 800 millions d'euros pour l'assurance chômage française, alors que les remboursements suisses couvraient moins d'un quart de cette somme. Ce déséquilibre s'explique principalement par le fait que les employeurs suisses ne contribuent pas au régime d'assurance chômage français, alors même que la France assure le financement des allocations chômage pour leurs anciens salariés. En d'autres termes, la France supporte une dépense sociale pour des travailleurs qui ont généré de la richesse en Suisse sans que les employeurs suisses ne participent significativement à son financement. Cette situation pose un double problème : une charge financière excessive pour l'assurance chômage française, alors même que celle-ci fait face à des mesures de restriction budgétaire ; un effet d'aubaine pour les employeurs suisses, qui bénéficient d'une main-d'œuvre française tout en étant déchargés de la majeure partie des obligations en matière d'assurance chômage. Face à ces déséquilibres, plusieurs propositions ont été envisagées au niveau européen et bilatéral. Certains pays européens ont déjà renégocié des accords bilatéraux pour augmenter la part de remboursement du pays d'emploi, mais la Suisse continue d'appliquer strictement le règlement européen en se limitant au remboursement des premiers mois d'indemnisation. De plus, le Gouvernement a récemment proposé un projet de décret visant à modifier les conditions d'indemnisation des chômeurs ayant travaillé à l'étranger, en particulier les frontaliers. Ce projet suscite des inquiétudes légitimes parmi les travailleurs concernés, qui craignent une diminution de leurs droits. Il semble toutefois ne pas s'attaquer au problème structurel du financement, à savoir la sous-contribution des employeurs suisses à l'assurance chômage des travailleurs résidant en France. Le Gouvernement va-t-il renégocier les accords avec la Suisse pour allonger la période de remboursement des allocations chômage au-delà des trois à cinq mois actuels, afin que la prise en charge soit plus équitablement répartie ? Le Gouvernement va-t-il réviser le règlement européen 883/2004 pour que le pays d'emploi prenne davantage en charge l'indemnisation des travailleurs ayant exercé pendant une durée significative sur son territoire ? Le Gouvernement va-t-il mettre en place une compensation financière plus juste entre la France et la Suisse, afin que les employeurs suisses participent davantage au financement de l'assurance chômage des travailleurs frontaliers français ? Dans ce contexte, elle lui demande de lui indiquer toutes autres mesures que le Gouvernement entend prendre pour rétablir un équilibre financier dans l'indemnisation chômage des frontaliers.

Réponse publiée le 29 juillet 2025

En application des dispositions de l'article 65 du règlement européen (CE) n° 883/2004, qui ne peuvent être modifiées unilatéralement par la France, le travailleur frontalier en chômage complet bénéficie des prestations de chômage en application de la législation de son Etat de résidence, comme s'il avait été soumis à cette législation au cours de son dernier emploi. Ces prestations sont servies par l'Etat du lieu de résidence et le calcul de l'allocation s'effectue dans les conditions de droit commun, en vigueur dans cet Etat. Un mécanisme de remboursement prévoit que l'Etat du dernier emploi rembourse 3 à 5 mois d'allocations servies à l'Etat de résidence. A ce titre, les travailleurs frontaliers résidant en France se voient appliquer les dispositions du régime général d'assurance chômage définies par le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 et, depuis le 1er janvier 2025, par la convention du 15 novembre 2024. Il n'est pas juridiquement possible de les soumettre à des règles d'indemnisation spécifiques sans risquer de contrevenir au principe d'égalité tel que défini à l'article 65 du règlement (CE) 883/2004, qui précise qu'ils « bénéficient de prestations chômage selon la législation de leur Etat de résidence, comme s'ils avaient été soumis à cette législation lors de leur dernière activité professionnelle ». En outre, une restriction de la durée d'indemnisation ou un plafonnement de l'allocation de retour à l'emploi pour les travailleurs frontaliers serait contraire aux principes européens de non-discrimination et de libre circulation des travailleurs. Toutefois, la France soutient les travaux initiés en 2016 par la Commission européenne pour réviser ce règlement et prévoir la compétence de l'Etat d'emploi en matière d'indemnisation chômage, au-delà d'une certaine durée d'emploi dans cet Etat, pour indemniser les travailleurs frontaliers en conformité au principe général du règlement de la lex loci laboris. Une telle révision restaurerait le lien entre les contributions versées à l'Etat d'activité et les prestations perçues par le demandeur d'emploi et permettrait une répartition plus équitable de la charge financière entre les États membres. Cette révision peine toutefois à aboutir, compte tenu des positions divergentes des Etats membres sur ce sujet. La présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne qui s'est achevée le 30 juin 2025 a permis des avancées significatives, sans toutefois aboutir à la révision de ce règlement européen. Aussi, le Gouvernement français restera pleinement mobilisé sur cette question au cours des prochains mois. Sans attendre la révision, la France souhaite agir dans le cadre de ses relations bilatérales avec la Suisse et le Luxembourg, pour opérer un premier rééquilibrage financier avec ces deux Etats concernant l'indemnisation du chômage des travailleurs frontaliers.

Données clés

Auteur : Mme Géraldine Grangier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Frontaliers

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail et emploi

Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 29 juillet 2025

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