Considération et prise en charge du saturnisme chez l'adulte
Publication de la réponse au Journal Officiel du 27 mai 2025, page 4040
Question de :
Mme Sylvie Ferrer
Hautes-Pyrénées (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Sylvie Ferrer attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la considération et la prise en charge du saturnisme, intoxication aiguë ou chronique au plomb, pour lequel la sensibilisation, la prévention et la prise en charge des victimes est lacunaire chez l'adulte. En effet, d'après le code de la santé publique, les seuls malades pour lesquels existe une véritable considération sont les mineurs et les femmes enceintes. Un vide juridique existe quant à la situation des hommes et femmes non enceintes, qui se retrouvent exclus des dispositifs mis en place lors de découvertes d'intoxication au plomb, malgré l'impact grave de la maladie sur la santé à court et long terme. De plus, aucune analyse osseuse n'est disponible en France pour détecter le taux d'imprégnation au plomb, rendant impossible un diagnostic fiable chez les adultes exposés de longue date, alors que le plomb se fixe à 90 % dans l'os et les organes. Les données officielles montrent une baisse du nombre de cas recensés, mais cette diminution s'explique aussi par la baisse du nombre de diagnostics. Dans les années 1990, le saturnisme infantile est une priorité nationale. Premiers à risque, les enfants impactés souffrent de troubles psychomoteurs et d'un retard mental irréversible. Le contexte actuel de pénurie de logements sociaux et d'augmentation de la précarité fait que la maladie persiste. Néanmoins, le saturnisme n'est pas seulement une problématique du mal-logement touchant les enfants, puisque la présence de plomb dans le logement a été, en théorie, en grande partie encadrée depuis les années 90 par la rénovation obligatoire des arrivées d'eau potable et des peintures, bien qu'il y ait encore aujourd'hui de la tuyauterie et des peintures au plomb qui subsistent dissimulées sous de nouvelles couches. Si le saturnisme se contracte en grande majorité par voie digestive, les voies respiratoires et dans certains cas, la voie cutanée, peuvent aussi être des moyens d'entrée dans l'organisme. De surcroît, de nombreuses personnes, y compris des professionnels du bâtiment, du recyclage et de la rénovation, sont exposées sans le savoir. À cela il faut ajouter que la réglementation sur les logements touchés par cette problématique est obsolète, puisqu'en effet, le constat de risque d'exposition au plomb (CREP) ne concerne que les bâtiments antérieurs à 1949, alors que l'usage de la peinture au plomb n'a été réellement interdit qu'en 1993. À cela s'ajoute le fait que le diagnostic ne concerne que les menuiseries et revêtements intérieurs et extérieurs des logements, alors que du plomb se retrouve dans certains enduits de mur, certains traitements de cheminée, de poutres, etc. De plus, les locataires n'ont aucun moyen d'exiger un test en cas de suspicion. Les scandales du plomb à Notre-Dame-de-Paris et de l'usine Exide à Lille montrent que le problème est loin d'être résolu. En outre, en Guyane française, l'Agence régionale de santé estime que 20 % des enfants sont atteints de saturnisme. Le saturnisme était, il y a un siècle, une des premières maladies à avoir été déclarée maladie professionnelle et malgré l'interdiction de l'usage du plomb dans le mobilier et les peintures des habitats, ce sont les vestiges d'une époque passée qui continuent de causer le malheur parmi les populations touchées. En plus de pouvoir entraîner des troubles neurologiques, rénaux et cardiovasculaires, cette maladie impacte fortement la fertilité des hommes et des femmes, ainsi que les grossesses, notamment à cause du relargage du plomb osseux durant la grossesse qui affecte le fœtus. Le plomb a longtemps été une méthode abortive et suite a une forte imprégnation, une grossesse est donc risquée puisque le plomb passera directement la barrière placentaire. Bien que les recherches montrent que le plomb est toxique dès son apparition dans l'organisme, le seuil d'intervention en France n'est fixé qu'à partir de 50 g/L. Or il n'y a pas de seuil en dessous duquel le plomb n'aurait pas d'effets nocifs. De plus, il n'existe aucun traitement au saturnisme. En effet, le plomb une fois stocké dans les os n'a pas de manière d'en être extrait. Il faut également savoir que l'intoxication au plomb est le plus souvent silencieuse, avec une manifestation de signes cliniques peu spécifiques. La grosse problématique reste la non-détection de l'intoxication chez les femmes ayant un projet de grossesse. Ainsi, il est définitif que la prévention soit rendue beaucoup plus efficiente quant au saturnisme, en passant par de la sensibilisation auprès des citoyennes et citoyens. Pour en finir avec cette maladie d'un autre temps, il faudrait que les professionnels de santé soient plus au fait de la maladie, en plus de rendre possible l'élargissement du diagnostic CREP à toute construction antérieure à 1993. De ce fait, elle lui demande comment le Gouvernement compte garantir l'effectivité du contrôle des diagnostics et des travaux à réaliser, principalement dans le cas de non-respect des lois par les propriétaires et bailleurs d'un bien n'ayant pas respecté l'obligation de mise en sécurité ou n'ayant pas fourni le CREP à leur locataire, ou par les propriétaires ayant vendu un bien sans diagnostic obligatoire ayant conduit à l'intoxication du loueur ou de l'acheteur. L'homologation et la mise sur le marché de kits de détection accessibles au grand public pourrait permettre de combler le manque de considération pouvant subsister quant aux lois en vigueur notamment pour les propriétaires de logement. Enfin, étendre la prise en charge par la sécurité sociale du dépistage du plomb au plus grand nombre et pas uniquement aux femmes enceintes et aux enfants permettrait d'avoir des chiffres plus justes concernant l'ampleur de la situation. La prise en charge spécifique des victimes adultes du saturnisme, ainsi que la reconnaissance claire du handicap induit par cette intoxication, permettrait d'offrir aux victimes de cette maladie l'aide et la reconnaissance longtemps attendue. Ainsi, elle lui demande quelles actions elle compte entreprendre pour faire évoluer cette situation qui ne saurait durer.
Réponse publiée le 27 mai 2025
Le plomb est un métal d'usage très ancien, qui peut être présent dans l'environnement quotidien : anciennes peintures, canalisations d'eau en plomb et soudures en alliages contenant du plomb, sols et poussières, aliments, air, jouets, etc. L'ingestion ou l'inhalation de plomb est toxique. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a souligné que les mesures de prévention prises par les pouvoirs publics (interdiction de l'usage du plomb dans les essences, changement des canalisations au plomb, traitement des eaux de distribution publique, amélioration de l'habitat, contrôle des émissions industrielles) ont diminué l'exposition de la population à ce métal. En effet, les études d'imprégnation disponibles font apparaître une baisse constante de la plombémie en population générale, ce qui confirme l'efficacité de la politique conduite. De fait, l'évolution temporelle des plombémies mesurées en France indique une diminution importante des concentrations en plomb depuis le début des années 2000. Entre l'Etude nationale nutrition santé (ENNS) en 2006-2007 et l'étude Esteban en 2014-2016, la moyenne géométrique en population générale auprès des adultes âgés de 18 à 74 ans est passée de 27,5 µg/L à 18,5 µg/L. La plombémie augmente de manière linéaire avec l'âge. Cette augmentation était de 15,4 % dans l'étude Esteban versus 25,8% dans l'étude ENNS ce qui suggère que la population générale adulte française est moins exposée au plomb en 2014-2016 qu'au cours de l'ENNS en 2006-2007. Le logement est un déterminant de l'exposition au plomb. Les conclusions des travaux scientifiques ont conduit à cibler les logements les plus anciens pour le repérage. C'est pourquoi, la réglementation a imposé des mesures de prévention pour ces logements. Les déterminants des plombémies ne se limitent pas au logement. Outre l'âge précité, le tabagisme reste une source d'exposition significative, de même que des habitudes alimentaires à des degrés divers (consommation d'alcool, d'eau du robinet, de coquillages et crustacés, de pain et de produits de la panification). Ces résultats confortent l'approche globale de la prévention de l'intoxication saturnine qui est passée par des mesures réglementaires telles que l'interdiction de l'essence au plomb et les mesures concernant le logement en particulier. Les politiques de lutte contre le tabagisme et les plans nutrition santé concourent aussi à cet objectif. S'agissant des examens biologiques, selon la Haute autorité de santé (HAS), actuellement, le dosage du plomb dans le sang total est le seul examen permettant d'évaluer une imprégnation saturnine récente. Pour le HCSP c'est également l'examen biologique à réaliser aussi bien lors du repérage du risque environnemental que pour le diagnostic étiologique dans certaines situations cliniques. Ces éléments pourraient évoluer en fonction de l'avancée des connaissances scientifiques. Outre les recommandations du HCSP concernant l'enfant et la femme enceinte, la Haute autorité de santé (HAS) recommande, dans le cadre des consultations préconceptionnelles, la recherche de facteurs de risque d'exposition au plomb. Le traitement consiste notamment à interrompre l'exposition au plomb et parfois à traiter par un chélateur. Les indications sont précisées par la HAS et le HCSP notamment.
Auteur : Mme Sylvie Ferrer
Type de question : Question écrite
Rubrique : Maladies
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 19 mai 2025
Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025