Arrêt du projet de modification du Créac'h et mise en place d'une concertation
Question de :
Mme Mélanie Thomin
Finistère (6e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Mélanie Thomin interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la suspension du projet de modification de la portée lumineuse du phare du Créac'h. Le phare du Créac'h, situé sur l'île d'Ouessant, doit faire prochainement l'objet de travaux de réduction de sa portée lumineuse. Ces travaux sont pilotés par la direction interrégionale de la mer Nord Atlantique - Manche Ouest (DIRM NAMO), qui prévoit de remplacer la « cuve à mercure », nécessaire au fonctionnement des lentilles de Fresnel. Ce système complexe et inégalé, rayonnant jusqu'à 55 kilomètres de distance, permet au phare du Créac'h d'être classé parmi les phares les plus puissants au monde. Il est aussi répertorié monument historique depuis 2011. Or, aujourd'hui, il n'existe pas encore de technologie de substitution capable de dépasser les 35 kilomètres. Réduire sa portée serait un véritable déclassement. De même, il n'existe, pour le moment, aucun autre moyen technique pour reproduire sa période de rayonnement unique. Si les systèmes de localisation modernes devaient subir une avarie, ce phare constitue une garantie d'indépendance. Sa portée et sa signature lumineuses sont tout autant nécessaires pour la sécurité en mer, militaire et civile. La convention de Minamata (qui prévoit la réduction de l'usage du mercure) précise d'ailleurs que sont exclus de cet accord les produits essentiels à des fins militaires et de protection civile. Cependant, la question de l'exposition des agents lors des manipulations techniques des lentilles doit rester une préoccupation. Aussi, les risques de débordements de la cuve pour un phare à terre sont minimes, pour ne pas dire inexistants. Ils sont assurément bien moindres que ceux d'une pollution marine provoquée par un naufrage. En restreignant la portée lumineuse du phare du Créac'h, la sécurité du rail d'Ouessant risque bel et bien d'être réduite. Une technologie sans mercure aux performances équivalentes pourrait être une solution de substitution crédible, mais elle nécessiterait de prendre le temps d'un réexamen du dossier. Mme la députée demande donc dans quelle mesure Mme la ministre entend revenir sur la décision prise par les services de l'État. Elle souhaite également connaître ses intentions concernant la mise en œuvre d'une concertation élargie aux élus du territoire, permettant d'élaborer des solutions alternatives au projet de modification du phare du Créac'h.
Réponse publiée le 24 juin 2025
Le phare du Créac'h, situé sur l'île d'Ouessant, fait l'objet d'une attention particulière de la part de l'État à plusieurs titres. Il constitue un repère emblématique du patrimoine maritime français. Il abrite une double optique d'un poids d'environ 17 tonnes, la plus imposante de France, dont le fonctionnement repose sur un dispositif particulier : une cuve à mercure de 85 litres assurant sa rotation. Il s'agit de l'une des plus importantes cuves à mercure encore en service sur le territoire national, ce qui soulève des enjeux spécifiques de santé publique, de sécurité des agents et de conformité environnementale. A ce titre, Créac'h est l'unique installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) parmi les phares français. Le mercure est une source majeure de risque pour l'environnement et pour la santé humaine. Très volatile, en particulier dès que la température ambiante est supérieure à 20°C, il expose les agents intervenant dans les phares concernés à des vapeurs invisibles, indolores et très toxiques. Par ailleurs, le moindre incident sur la cuve peut entrainer une pollution durable du site et susceptible de se diffuser très rapidement dans l'air puis vers l'océan. Dans ce contexte, la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA) a engagé un programme de retrait des cuves à mercure dans les phares. De nombreux pays – notamment en Europe du Nord – sont engagés dans la même démarche. Conscients des enjeux patrimoniaux soulevés par cette évolution, nous avons engagé une démarche visant à concilier la nécessaire adaptation du phare avec la volonté locale d'en préserver l'identité lumineuse. Le ministère a donc demandé au préfet du Finistère et à la direction interrégionale de la mer Nord Atlantique – Manche Ouest (DIRM NAMO) de mettre en œuvre un plan d'actions articulé autour de deux axes : 1) Le retrait du mercure, priorité absolue pour des raisons de santé publique et de conformité réglementaire, entraînera l'arrêt, mais pas le démontage, de la lentille de Fresnel. L'installation d'un feu industriel impliquera une modification, qui se veut non-définitive, de la signature lumineuse du phare ; 2) Concomitamment, la mise en place d'un groupe de travail réunissant les différentes parties prenantes (État, élus, société civile) afin d'élaborer le cahier des charges d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI) afin de faire émerger une solution technique conciliant sécurité nautique, fiabilité technique, santé publique et préservation patrimoniale. Cette démarche s'inscrit dans une logique de concertation, de transparence et de réversibilité, afin de garantir une prise en compte équilibrée des impératifs techniques et des attentes patrimoniales et territoriales. Le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour accompagner cette transition, dans le respect des engagements environnementaux de la France et de l'attachement légitime des habitants et des marins à ce phare d'exception.
Auteur : Mme Mélanie Thomin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Mer et littoral
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 24 juin 2025