Question écrite n° 5144 :
Accord de coopération en matière de minéraux critiques avec le Canada

17e Législature

Question de : Mme Clémence Guetté
Val-de-Marne (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Clémence Guetté alerte Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'accord de coopération en matière de minéraux critiques qu'elle a signé avec le Canada lorsqu'elle était ministre de la transition énergétique en 2023. Mme la ministre a elle-même déclaré à cette occasion être « attachée [comme son homologue canadien] à l'extraction et à la transformation des métaux critiques dans les meilleurs standards de la « mine responsable » au niveau mondial ». Cette expression de « mine responsable » interroge et plus particulièrement dans le cas canadien. En effet, ce partenariat semble cacher une forme d'externalisation de la pollution nationale. Par exemple, en juillet 2024, le gouvernement Trudeau a approuvé la destruction de plus de 37 cours d'eau, qui comprennent des lacs, pour permettre à Minerais de fer du Québec d'y stocker des millions de tonnes de déchets miniers. En effet, l'entreprise estime à 1,3 milliard de tonnes ses besoins d'entreposage de résidus pour exploiter son gisement à l'horizon 2040. Ces derniers, toxiques, conduisent à une disparition de ressources halieutiques pourtant nécessaires à certaines populations locales et menacent la biodiversité par une modification structurelle des écosystèmes. La philosophe et journaliste Célia Izoard tire le même constat en Ontario, dans le nord du pays, dans la région du Cercle de feu. Les permis d'exploration à des fins d'extraction minière se multiplient sur les terres des premières nations et sur l'une des plus grandes tourbières du monde, qui sont de véritables puits de carbone. Pour les chercheurs de l'université canadienne de Sudbury, le drainage de la tourbière nécessaire à la construction d'une route pour mener à bien les différents projets des industriels miniers devrait relâcher « l'équivalent des émissions annuelles de 39 milliards de voitures ». Ce ne sont que deux exemples parmi tant d'autres. L'extraction minière à marche forcée au Canada apparaît donc provoquer un préjudice écologique non négligeable qui questionne l'idée même de « mine durable » et perpétuer une oppression néocoloniale inadmissible. L'accord bilatéral signé entre la France et le Canada en 2023 n'est pas épisodique. La même année, le Gouvernement a en effet signé une « déclaration d'intention » franco-québécoise sur « les métaux critiques indispensables à la transition énergétique et numérique ». En 2024, la France concluait un accord sur l'uranium pour l'approvisionnement de la filière nucléaire française avec la province de Saskatchewan. Elle l'interroge donc sur l'emploi hypocrite par le Gouvernement du terme « mines responsables » compte tenu de la délocalisation et de l'externalisation de la pollution occasionnée par sa consommation nationale exponentielle de métaux stratégiques dans d'autres pays, notamment sur les terres des peuples autochtones.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

La France et l'Union européenne sont aujourd'hui dépendantes de pays non-européens pour leurs approvisionnements en ressources minérales dont les standards environnementaux et sociaux sont en deçà des siens. La mine responsable est donc en premier lieu celle située sur le sol européen. Une extraction domestique garantit en effet des standards sociaux et environnementaux élevés, sécurise les approvisionnements et encourage la sobriété des usages en rendant visible les impacts environnementaux de l'extraction minière. La France et l'Union européenne travaillent en ce sens à la relocalisation d'une partie de l'industrie minière afin de garantir des conditions d'opérations respectueuses de l'environnement et des droits humains. Au niveau européen, la Commission européenne, à travers un Acte européen sur les matières premières critiques labélise des projets stratégiques, pour développer d'une part, les capacités européennes d'extraction, de transformation et de recyclage sur le sol européen, et d'autre part sécuriser des approvisionnements avec des projets extra-européens qui respectent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance exigeants. Au niveau français, l'Etat a lancé en 2023 un inventaire minier et accompagne l'émergence et le financement des projets. L'Etat a ainsi porté la création d'un « Fonds métaux » qui finance des projets d'extraction, de transformation et de recyclage en France et à l'international à condition de respecter de hauts standards environnementaux, sociaux et de gouvernance. La France ne pourra cependant pas se passer totalement d'approvisionnements en provenance de pays tiers pour répondre aux besoins en ressources minérales de la transition énergétique. La France et le Canada ont ainsi signé en 2023 un partenariat de coopération sur les ressources minérales, visant à construire des chaines d'approvisionnement résilientes et respectant des pratiques environnementales et sociales rigoureuses. L'industrie minière canadienne s'est engagée depuis plusieurs années à l'amélioration de ses pratiques en créant l'initiative « Vers le développement minier durable », qui s'appuie sur une norme volontaire certifiée par un tiers indépendant. Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec a par ailleurs renforcé la législation encadrant les travaux d'exploration minière, entrée en vigueur en 2024, afin de mieux prendre en compte les préoccupations des municipalités locales et des communautés autochtones avoisinantes, dans une logique de transparence. La France défend par ailleurs dans les enceintes européennes et internationales (AIE, OCDE, ONU, G7 etc) des standards ambitieux afin d'améliorer les pratiques mondiales du secteur minier : En matière environnementale : il s'agit d'éviter, réduire, compenser (en dernier lieu) les impacts environnementaux de la mine par le recours aux meilleures pratiques et techniques disponibles ; En matière sociale : il s'agit à minima d'assurer le respect des droits de l'Homme et des travailleurs conformément aux principes de l'Organisation Internationale du Travail, qui garantissent notamment la liberté d'association et le droit à un salaire décent. L'activité minière doit permettre un juste partage de la valeur ajoutée et des retombées économiques pour les populations locales ; En matière de gouvernance : il s'agit de promouvoir la transparence des pratiques environnementale, sociale des opérateurs miniers. Les principes de la démocratie environnementale (accès à l'information, participation du public, accès à la justice environnementale) doivent par être promus. Enfin, des obligations de devoir de diligence existent d'ores et déjà dans le secteur des ressources minérales afin de minimiser les risques liés à l'importation de ressources minières extraites dans des pays tiers, non européens : le règlement sur les minerais de conflit (dit règlement « 3TG ») a ainsi introduit en 2017 une obligation de devoir de diligence sur les chaines d'approvisionnement pour les importateurs européens d'or, d'étain, de tantale et de tungstène provenant de zones de conflit ou à haut risque, afin de limiter les risques de violation des droits de l'homme et de financement de groupes armés ; Le règlement batteries adopté en 2023, introduit de nouvelles obligations de devoir de diligence qui concernent cette-fois ci les metteurs sur le marché de batteries, avec une prise en compte des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance liés aux conditions de production, de transformation et de commercialisation des métaux de batteries (cobalt, lithium, nickel, graphite).

Données clés

Auteur : Mme Clémence Guetté

Type de question : Question écrite

Rubrique : Mines et carrières

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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