Question écrite n° 5169 :
Discrimination de personnes diabétiques souhaitant intégrer la police nationale

17e Législature

Question de : M. Denis Fégné
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Denis Fégné attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation persistante de discrimination dans l'accès à certains métiers pour les personnes atteintes de maladies chroniques et en particulier celle des personnes diabétiques souhaitant intégrer la police nationale. La loi du 6 décembre 2021 relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé a imposé que l'appréciation médicale des conditions de santé requises pour exercer une fonction soit effectuée de manière individuelle, en tenant compte des possibilités de traitement et de compensation du handicap. Le SIGYCOP, qui régissait jusqu'alors le recrutement dans la police nationale, a ainsi été abrogé et remplacé par une série de textes publiés en novembre 2022. Si ces changements avaient suscité une vague d'espoir chez les personnes qui, jusque-là, se savaient dans l'impossibilité d'intégrer ces fonctions, celle-ci a rapidement été balayée par la réalité du terrain : les médecins chargés d'évaluer l'aptitude des candidats continuent de prononcer des inaptitudes d'office à l'encontre des candidats vivant avec un diabète, sans qu'aucun examen au cas par cas ne soit réalisé, en dépit des réformes entreprises. Cette situation constitue une discrimination manifeste et un frein injustifié à l'accès à la fonction publique. Cette problématique a déjà été soulevée auprès du ministère à de nombreuses reprises par les associations de patients, dont la fédération française des diabétiques. Or, malgré ces sollicitations, non seulement la situation n'a pas évolué positivement, mais elle s'est même détériorée. Ceci est d'autant plus injustifié que le diabète est l'une des pathologies ayant bénéficié des avancées thérapeutiques les plus nombreuses et rapides de ces dix dernières années : ce qui pouvait autrefois légitimement faire craindre des complications susceptibles d'altérer brutalement les capacités fonctionnelles d'un individu est aujourd'hui largement maîtrisé grâce aux nouvelles technologies, permettant aux personnes diabétiques de mener une vie professionnelle pleinement active et sécurisée. Aussi, il lui demande de bien vouloir préciser les mesures qu'il entend prendre afin de garantir la bonne application des réformes adoptées et de mettre un terme à ces décisions d'inaptitude systématiques. Il souhaite également qu'un cadre clair soit établi afin de garantir que les évaluations médicales reposent sur la base des compétences réelles des candidats et non sur des préjugés obsolètes.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

À l'instar des autres maladies chroniques, les exemples du diabète insulino-dépendant (diabète de type 1 - DT1) posent la question de l'aptitude médicale à servir au sein de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Compte tenu des contraintes du traitement, et des complications qui peuvent survenir au quotidien (hypoglycémie, avec risque de perte de connaissance, hyperglycémie), le problème réside notamment dans les conséquences neuro-glycopéniques des variations de la glycémie, c'est-à-dire dans l'altération du fonctionnement du cerveau sous l'effet de la privation de glucose (troubles de la concentration, de l'élocution, et visuels, voire perte de connaissance). Les troubles qui en résultent peuvent survenir avant même les symptômes bien connus du malade et qui habituellement signent à ses yeux la crise hypoglycémique. La survenue d'une hypoglycémie peut donc perturber les capacités de vigilance et de réaction avant même que la personne n'en perçoive la réalité physique. Or, les contraintes physiologiques et mentales de l'exercice du métier de policier ou de gendarme doivent être rappelées. Elles tiennent essentiellement : - à la disponibilité exigée, avec de possibles variations imprévues de l'emploi du temps et du temps de travail ; - à des conditions de travail qui sont difficiles en situation opérationnelle (surveillance de longue durée dans des conditions parfois pénibles, maintien de l'ordre en formation constituée, etc.) ; - au stress en situation professionnelle : stress physique générant des besoins énergétiques imprévisibles, situations d'usage de la force physique ou des armes, stress psychique, anxiété, peur ; - au port d'équipements de protection pouvant limiter l'usage des dispositifs de surveillance glycémique ou d'injection si la personne n'est pas dotée d'une pompe implantable couplée à une mesure automatisée de la glycémie. La conjonction de ces contraintes physiques, psychologiques ou matérielles peut avoir des effets délétères pour une personne affectée par un diabète insulino-dépendant, cette pathologie nécessitant une gestion médicale permanente, difficilement compatible avec l'imprévisibilité du terrain et l'exigence de réactivité immédiate. La réaction de stress en particulier, et son effet bien connu sur la sécrétion de cortisol, est susceptible de provoquer une variation inattendue de la glycémie et donc un besoin de correction rapide. Les signes physiques du stress (palpitations, nausées, crampes, etc.) peuvent en particulier être interprétés à tort comme les prémices d'une hypoglycémie et perturber le traitement. Or, en situation opérationnelle, le policier diabétique insulino-dépendant devrait gérer simultanément deux activités distinctes : sa participation à l'action de police, sa sécurité et celle des autres fonctionnaires présents, d'une part ; ses besoins glycémiques (apport sucré ou au contraire d'insuline). Le confort apporté par les dispositifs les plus récents (pompe implantable et mesure de la glycémie non invasive) n'évacue pas à cet égard le risque de dysfonctionnement ou de configuration inappropriée de l'algorithme de gestion du dispositif. Dans le même contexte, il est précisé que le code de la défense qui dispose du statut militaire des personnels de la gendarmerie nationale, définit les grandes lignes de l'aptitude à servir. Les militaires doivent pouvoir exercer leurs fonctions à tout moment, en tout lieu et sans restriction. Cette aptitude est évaluée par les médecins des armées, sur la base de critères médicaux et scientifiques, mais aussi grâce à leur connaissance approfondie des contraintes liées au métier de gendarme. Les médecins des armées s'appuient sur plusieurs textes réglementaires, à commencer par l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, modifié par l'arrêté du 16 novembre 2017. Ensuite, l'arrêté du 8 juin 2021 fixe les conditions physiques et médicales requises pour les personnels militaires de la gendarmerie nationale et les candidats à l'admission en gendarmerie. Enfin, l'arrêté du 21 avril 2022 précise les modalités de détermination et de contrôle de l'aptitude médicale à servir pour l'ensemble du personnel militaire. Dans la police nationale, la dimension individuelle de l'aptitude médicale ne peut être détachée de sa dimension collective qui répond au besoin de constituer une population de professionnels en capacité d'assumer - dans la durée d'une carrière longue - l'ensemble des activités attendues du policier, et de disposer d'un vivier de personnels capables d'occuper, en cours de carrière, les emplois exigeants sur le plan médical dont elle a besoin. L'exercice des activités inhérentes au métier de policier et de gendarme est donc de nature à solliciter fortement l'organisme en suscitant des besoins glycémiques dont la satisfaction pourrait se heurter à des impératifs opérationnels, d'une part, et à favoriser la survenue d'une hypoglycémie qui, dans sa phase infra-clinique, pourrait perturber les capacités de vigilance et de réaction du policier face à une situation dangereuse pour lui-même ou pour autrui, d'autre part.  L'existence de solutions techniques facilitant la perfusion continue d'insuline et la mesure continue de la glycémie, s'ils améliorent nettement le confort de vie du patient, ne le libèrent pas pour autant d'une vigilance constante et qui demeurerait problématique dans un environnement professionnel aussi particulier que celui de la police ou de la gendarmerie nationales. Certaines contraintes sont accentuées au sein de la gendarmerie nationale, du fait de l'obligation d'opérer dans des environnements parfois hostiles, isolés, ou dépourvus d'infrastructure médicale (ex. postes isolés en outre-mer, projection en opération extérieure…). Les contraintes logistiques peuvent compromettre l'approvisionnement en produits de santé nécessaires au traitement du diabète, et les conditions d'hygiène en campagne compliquer les soins de base. Dans les deux cas, l'état de santé de l'intéressé pourrait se dégrader rapidement en l'absence d'un encadrement médical sécurisé ou d'une capacité d'évacuation sanitaire rapide. L'ensemble de ces éléments fait non seulement courir un risque à l'intéressé, mais aussi à ses camarades, et in fine à la réussite de la mission. Cela est d'autant plus incompatible avec l'exigence de la capacité à servir en tout temps et en tous lieux imposée au personnel militaire, telle que définie dans le code de la défense. La préservation de l'état de santé de l'agent, l'obligation pour l'employeur de ne pas le soumettre à des conditions incompatibles avec son état de santé, comme le souci de préserver la capacité opérationnelle de la police nationale impliquent d'écarter les personnes diabétiques insulino-dépendants lors de la visite d'aptitude médicale initiale à l'entrée dans la police. Cette situation est sans lien avec une quelconque approche discriminatoire : elle est fondée sur les impératifs liés à la spécificité du métier et aux précautions dont doivent bénéficier les diabétiques insulino-dépendants. La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail comporte d'ailleurs un considérant qui rappelle les dérogations possibles au regard des contraintes professionnelles de certains métiers, dont ceux des services de police. Concernant les modalités de détermination de l'aptitude médicale du réserviste opérationnel, qui exerce les mêmes activités que le policier actif (à l'exception du maintien de l'ordre), peut être doté des mêmes armes et moyens de force intermédiaire, il est légitime de lui imposer le respect des mêmes conditions de santé particulières que celles attendues d'un policier actif. Pour autant, il convient de souligner que tous les métiers de la police nationale ne sont pas incompatibles avec le diabète insulino-dépendant : il en va ainsi des postes en police technique et scientifique et des postes administratifs. En gendarmerie nationale, les fonctions opérationnelles de terrain, soumises à des impératifs d'endurance, de mobilité, de réactivité et de sécurité collective, ne peuvent être assurées de manière fiable par une personne atteinte de diabète de type 1, la pathologie exposant à des risques d'incapacité subite en pleine mission. C'est pourquoi, lors de la visite d'expertise initiale, le médecin militaire ne peut que constater l'inaptitude à servir dans ces fonctions qui s'applique pour les personnels d'active comme de réserve.

Données clés

Auteur : M. Denis Fégné

Type de question : Question écrite

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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