Question écrite n° 5181 :
Conséquences financières et environnementales du projet « Une plume renouvelée »

17e Législature

Question de : M. Julien Odoul
Yonne (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Julien Odoul interroge Mme la ministre de la culture sur la pertinence et les implications du projet de changement d'enseignes des marchands de presse. Le 5 mars 2025, lors du congrès de Culture Presse, le ministère de la Culture a dévoilé l'initiative « Une plume renouvelée pour les marchands de presse », visant à modifier l'identité visuelle des points de vente de presse. Alors que le secteur traverse une crise profonde, cette mesure soulève de nombreuses interrogations quant à son utilité réelle et ses conséquences financières et environnementales. Tout d'abord, d'un point de vue écologique, remplacer des enseignes encore en bon état suppose la production, le transport et l'installation de milliers de nouveaux panneaux, générant un impact environnemental certain. À l'heure où le Gouvernement affirme faire de la transition écologique une priorité, comment justifier une initiative qui engendre un tel gaspillage de ressources ? Une étude d'impact a-t-elle été menée pour mesurer l'empreinte carbone de cette opération et prouver qu'elle s'inscrit réellement dans une démarche durable ? Sur le plan financier, cette réforme apparaît tout aussi discutable. La filière de la presse connaît un effondrement structurel : les ventes de journaux ne cessent de chuter et les fermetures de points de diffusion s'accélèrent. En 1997, la France comptait 34 000 buralistes ; ils ne sont plus que 23 500 en 2022 et ce déclin se poursuit. Dans un tel contexte, pourquoi l'État privilégie-t-il un changement d'enseignes au lieu de concentrer ses efforts sur la survie économique des marchands de presse ? Quel est le coût réel de cette opération, qui en assumera la charge et comment son financement est-il réparti entre l'État et les diffuseurs déjà en difficulté ? Face à la polémique croissante, le ministère de la culture a réagi sur X le 8 mars 2025 en assurant que cette nouvelle enseigne avait été « demandée par les marchands de presse », qu'elle était « modernisée, écologique » et qu'elle « ne générait aucun surcoût », tout en rappelant que le secteur avait contribué à l'effort budgétaire à hauteur de 15 millions d'euros. Cette déclaration ne répond pourtant pas aux principales interrogations : comment une réforme impliquant la production et l'installation de milliers d'enseignes pourrait-elle ne générer aucun coût supplémentaire ? Qui a réellement demandé cette réforme et en quoi répond-elle aux priorités des professionnels du secteur ? Enfin, ce projet est présenté comme un levier de modernisation du réseau de distribution. Or aucun élément ne permet d'affirmer qu'un simple changement d'enseigne suffira à enrayer la crise de la presse écrite. Existe-t-il une étude d'impact prouvant que cette initiative renforcera la fréquentation des points de vente et aura une incidence significative sur la pérennité des marchands de presse ? Il lui demande donc d'exposer les justifications budgétaires et environnementales de cette réforme, de clarifier les bénéfices attendus pour un secteur en grande difficulté et d'expliquer en quoi cette initiative constitue une priorité.

Réponse publiée le 10 juin 2025

Le ministère de la culture est pleinement engagé dans le soutien à l'accès de l'ensemble de la population, partout sur le territoire, à une information pluraliste. Les marchands de presse assurent un maillage territorial indispensable, notamment en milieu rural, où ils contribuent non seulement à l'accès à l'information de tous mais aussi à la lecture, à la culture et au dynamisme des centres-bourgs. Dans un contexte marqué par une attrition continue du volume de ventes et afin de pallier la baisse structurelle du nombre de points de vente de presse - d'environ 3 % par an -, une aide à la modernisation des diffuseurs de presse a été créée en 2004 afin d'accompagner les marchands dans l'informatisation de leurs outils et la rénovation de leurs magasins. En 2024, 774 marchands de presse ont bénéficié de cette aide pour un montant total de 3,3 millions d'euros. Une étude menée auprès de plus de 200 bénéficiaires de l'aide entre 2018 et 2022 a souligné l'importance de ce soutien pour les marchands de presse : 92 % des répondants ont indiqué que l'aide à la modernisation des espaces de vente avait permis d'améliorer l'attractivité de leur magasin et deux tiers d'entre eux n'auraient pas rénové leur magasin sans aide publique. Aussi, l'aide a été davantage ciblée vers les modernisations d'espace de vente à compter de 2023, afin de renforcer leur attractivité et modèle économique. Ce soutien est particulièrement important pour les 40 % des points de vente situés en zone rurale et pour lesquels une aide renforcée de 10 points de pourcentage et sans plafond d'aide a également été accordée dans le cadre du Plan culture et ruralité. Dans ce contexte de modernisation du réseau, le projet de nouvelle enseigne des marchands de presse s'inscrit dans le cadre du plan de soutien à la filière presse annoncé le 27 août 2020 par le Président de la République à la suite de la crise sanitaire et en réponse à une demande exprimée par les marchands de presse. 42 projets ont été reçus par le ministère de la culture à la suite de l'appel à candidatures lancé en décembre 2022 sous la forme d'un marché public à procédure adaptée. Parmi ceux-ci, 5 ont été retenus par le comité de pilotage composé du ministère de la culture et d'acteurs du secteur, notamment Culture Presse, principale organisation représentant les marchands de presse, le réseau d'enseignes Maison de la Presse et la société de distribution France Messagerie, propriétaire de la marque de l'ancienne enseigne. La proposition in fine retenue répond aux critères de qualité, de démarche éco-responsable et de prix établis dans le cadre de ce marché public. Elle propose par ailleurs une solution de combinaison entre l'enseigne « plume » et les autres enseignes de ces commerce (tabac, jeux, etc.) pour répondre aux demandes de ces commerces multi-activité et de l'obligation croissante par de nombreuses villes et communes de ne disposer que d'une seule enseigne par magasin. Le financement de cette nouvelle enseigne s'élève à 106 220 euros hors taxe (HT), comprenant l'assistance à maîtrise d'ouvrage du cahier des charges de l'enseigne (12 200 euros HT), l'indemnité de 5 000 euros versée aux 4 candidats non sélectionnés et celle de 74 000 euros versée à l'équipe lauréate. Ce financement a été intégralement assuré par le budget déjà alloué à l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse, sans augmentation de ces crédits. L'installation de cette enseigne, qui coûtera entre 500 et 1000 euros selon les fabricants, est soutenue à hauteur de 80 % dans les zones urbaines et de 90 % en zone rurale à travers l'aide à la modernisation des diffuseurs. Le rythme du déploiement sera naturellement très progressif. Il convient aussi de noter que, à la différence des enseignes des débitants de tabac ou des pharmacies, cette enseigne n'est pas obligatoire. Conformément aux règles interprofessionnelles, la présence d'une enseigne extérieure (ancienne enseigne, nouvelle « plume », plume de l'enseigne Maison de la presse, etc.) est l'une des conditions d'accès à la qualification de point de vente spécialiste induisant une meilleure rémunération des marchands. Au-delà de l'attractivité des points de vente de presse et de leur maillage territorial, il est essentiel de leur assurer de meilleures conditions d'exercice et de rémunération. La mission de concertation relative à la distribution de la presse imprimée confiée à Monsieur Sébastien Soriano vise notamment en ce sens à réduire le nombre de livraisons quotidiennes des points de vente en mutualisant les flux de la presse nationale et de la presse régionale et locale. C'est également le sens des travaux de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse sur la rémunération des diffuseurs, conformément à l'article 18 de la loi dite « Bichet » et pour laquelle des négociations sont en cours au sein de la filière. Ces enjeux, fondamentaux pour la viabilité du réseau, sont au cœur des priorités du ministère, en dialogue constant avec les acteurs de la filière.

Données clés

Auteur : M. Julien Odoul

Type de question : Question écrite

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025

partager