Respect du droit à l'instruction pour tous les enfants
Question de :
M. Jérôme Legavre
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Jérôme Legavre interroge Mme la ministre de l'éducation nationale sur des situations inadmissibles qui se répètent d'année en année, voire s'amplifient et excluent des milliers d'enfants de l'école, du collège, du lycée ou de l'enseignement supérieur. Plus de 27 000 enfants n'avaient reçu aucune affectation le jour de la rentrée scolaire 2024. Une situation d'une violence inouïe contre eux. Le 12 septembre 2024, 13 831 élèves restaient en attente, malgré leurs demandes, d'une place dans le second degré. Parmi ces jeunes, plus de 9 000 visaient une place en lycée professionnel, 2 700 une place en lycée général et technologique et 2 124 en collège où des enfants de 12 ans étaient laissés sans solution, leurs familles désemparées. Outre qu'il s'agit d'une entorse grave au code de l'éducation, c'est une situation indigne et révoltante. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit des coupes claires dans le budget de l'éducation nationale, la suppression de milliers de postes d'enseignants. Le Gouvernement estime-t-il cela à même de répondre au « manque de classe, manque de place » opposé à ces enfants ? Evidemment non. Et des enfants restent sans solution des mois durant, au mépris de leur droit à l'instruction, de leurs projets, de la construction de leur avenir. Sollicité par des familles désespérées, M. le député a saisi la rectrice de l'académie de Créteil pour les dossiers d'un collégien de 15 ans, refusé en 1ère générale dans le lycée de son quartier, mais également de cinq jeunes bacheliers refusés dans toutes les formations d'enseignement supérieur qu'ils demandaient et privés de leur droit à poursuivre les études auxquelles ils aspirent. Les enfants en situation de handicap sont également victimes d'un traitement scandaleux : alors même que selon les chiffres officiels des dizaines de milliers d'entre eux ne peuvent bénéficier des aides notifiées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) lors d'une scolarisation en milieu ordinaire, Mme la ministre ne peut ignorer que des dizaines de milliers d'autres sont sans aucune solution permettant leur prise en charge scolaire, médicale et sociale. Des familles entières sont dévastées par cette situation, qui oblige très souvent l'un des parents à renoncer à son emploi pour prendre soin de son enfant, jongler avec les rendez-vous d'un agenda morcelé et sur des distances invivables. Ainsi, M. le député eu à défendre le dossier d'une jeune fille de 15 ans, privée de scolarité depuis 2020 (!) parce qu'aucune proposition conforme aux besoins découlant de son handicap ne lui a été proposée ; un autre enfant, âgé de 6 ans, a jusqu'ici trouvé porte close dans les 8 instituts médico-éducatifs (IME) auxquels sa famille s'est adressée, suite à orientation par la MDPH. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, selon les données de l'Agence régionale de santé, 7 143 enfants étaient en novembre 2023 « en recherche d'une solution médico-sociale, dont 2 780 d'une place en établissement », pour 1 900 places disponibles. Là encore, on interdit à ces enfants les soins dont ils ont besoin et l'instruction à laquelle ils ont droit. En dehors des discours convenus sur « la liberté de choisir son avenir » et « les vingt ans de la loi sur l'inclusion scolaire », dont même les plus obtus voient aujourd'hui les conséquences nocives, il lui demande quelles dispositions elle compte prendre pour que cessent ces situations dramatiques et cette remise en cause du droit à l'instruction pour tous les enfants.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
ACCÈS À L'INSTRUCTION
M. le président . La parole est à M. Jérôme Legavre, pour exposer sa question, no 51, relative à l'accès à l'instruction.
M. Jérôme Legavre . Des situations inadmissibles se répètent et s'amplifient. Elles excluent des milliers d'enfants de l'école, du collège, du lycée ou de l'enseignement supérieur.
À la rentrée, 13 831 élèves restaient encore en attente d'une place dans une classe du second degré, ce qui constitue une entorse grave au code de l'éducation et une situation indigne et révoltante. Pourtant, 4 000 suppressions de postes d'enseignants sont encore prévues à la rentrée prochaine ! On commencera donc par formuler ce souhait : que le gouvernement tombe et qu'il emporte avec lui son budget et ses mesures contre l'école !
Comme à chaque rentrée, j'ai saisi la rectrice de l'académie de Créteil de plusieurs dossiers. Pour les élèves du secondaire, des solutions peuvent être trouvées, mais pas dans tous les cas ; bien souvent, elles imposent aux jeunes concernés une scolarisation très loin de leur domicile. Quant aux bacheliers privés par la machine infernale qu'est Parcoursup de leur droit à suivre des études supérieures, force est de constater qu'ils n'ont pratiquement jamais gain de cause, alors même que leurs demandes sont parfaitement légitimes.
Je voudrais également évoquer la situation des enfants en situation de handicap, victimes d'un traitement absolument scandaleux. Alors même que selon les chiffres officiels, des dizaines de milliers d'entre eux ne peuvent bénéficier des aides attribuées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en vue d'une scolarisation en milieu ordinaire, vous ne pouvez ignorer que des dizaines de milliers d'autres élèves sont dépourvus de toute solution de prise en charge scolaire, médicale et sociale. Des familles entières sont dévastées par ces situations, qui obligent très souvent l'un des parents à renoncer à son emploi pour prendre soin de son enfant, en jonglant avec les rendez-vous d'un agenda morcelé et en parcourant des distances considérables.
J'ai eu à défendre le dossier d'une jeune fille de 15 ans, privée de scolarité depuis 2020 parce qu'aucune solution adaptée aux besoins découlant de son handicap ne lui a été proposée. Un autre enfant, âgé de 6 ans, a jusqu'à présent trouvé porte close dans les huit instituts médico-éducatifs auxquels sa famille s'est adressée, après avoir été orientée par la MDPH.
D'après l'agence régionale de santé, en novembre 2023, 7 143 enfants du département de Seine-Saint-Denis, où je suis élu, étaient en recherche d'une solution médico-sociale et 2 780 d'entre eux attendaient une place en établissement, alors que le département n'en compte que 1 900. On prive ces enfants des soins dont ils ont besoin, mais également de l'instruction à laquelle ils ont droit.
Monsieur le ministre, ne vous contentez pas de tenir un discours convenu sur la liberté de choisir son avenir ou de célébrer les 20 ans de la loi sur l'inclusion scolaire, dont les conséquences nocives sont maintenant reconnues par le plus grand nombre. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que ces situations dramatiques et cette remise en cause du droit à l'instruction pour tous les enfants cessent ? (M. Bastien Lachaud applaudit.)
M. Bastien Lachaud . Bonne question !
M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel.
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . Ne laisser aucun enfant au bord du chemin et permettre à chaque élève de poursuivre sa scolarité selon l'orientation qu'il a choisie, c'est par essence la mission du ministère de l'éducation nationale. Vous évoquez la situation des élèves non affectés à la rentrée 2024, mais permettez-moi de rappeler certains faits : soyons précis !
Dix jours après la rentrée, 13 831 élèves de tous les niveaux attendaient effectivement de recevoir une affectation. Ils ont tous, j'y insiste, été reçus en entretien individuel et une solution leur a été proposée. Ainsi, ils n'étaient plus que 4 780 le 15 octobre, soit moins de 0,1 % de la population scolarisée dans le second degré. Qui sont-ils ? Majoritairement des élèves ayant abandonné leur recherche d'apprentissage – ils étaient 2 379 dans ce cas – ou des élèves allophones, nouvellement arrivés – on en dénombrait 1 935.
Évidemment, je ne me résous pas à les laisser à leur situation, mais je souhaite remettre les choses en perspectives, en rappelant que nous avons accompli des progrès notables ces dernières années, grâce d'une part à la dématérialisation des procédures d'orientation, d'autre part à un calendrier d'affectation remanié en 2024.
S'agissant des élèves en situation de handicap, beaucoup a été fait depuis la loi de 2005. D'ailleurs, je ne partage pas le discours dur que vous tenez contre ce texte, qui a permis d'immenses progrès. Désormais, 500 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés – une révolution que peu auraient imaginée il y a vingt ans –, mais le chemin reste encore long, je l'ai déjà dit ici même. Pour cette raison, nous souhaitons consacrer à l'école inclusive un budget record de 4,6 milliards d'euros pour 2025, qui marque l'engagement de toute la nation aux côtés des enfants en situation de handicap et de leurs familles. Ces moyens supplémentaires permettront de répondre à l'augmentation des besoins en engageant 3 175 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), soit 2 000 équivalents temps plein, et en ouvrant 500 emplois d'enseignants, afin de développer les unités localisées pour l'inclusion scolaire ou de favoriser l'inclusion d'enfants souffrant de troubles du neurodéveloppement. Ces moyens concrets permettront une meilleure prise en charge de nos enfants.
M. le président . La parole est à M. Jérôme Legavre.
M. Jérôme Legavre . Monsieur le ministre, vous ne répondez pas aux questions que je vous ai posées. Les solutions qui ont été trouvées pour les élèves en attente d'une affectation sont bien souvent peu satisfaisantes, ce que j'ai déjà indiqué dans ma première intervention. J'ai par exemple dû intervenir pour aider un jeune de ma circonscription, certes affecté à un lycée, mais à l'autre bout du département ! Quand on connaît les conditions de transport en Seine-Saint-Denis, on sait que de tels trajets affectent l'apprentissage et la vie de ce jeune : je ne souhaite à personne de se retrouver dans une telle situation !
Concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap, je ne remets pas en cause le principe de l'inclusion scolaire, mais bien la manière dont il a été traduit en actes depuis 2005.
Les structures spécialisées ont été démantelées et ont fermé les unes après les autres. Il n'y a plus de classes spécialisées ni de personnel spécialisé. Comment comptez-vous trouver des AESH, alors qu'ils sont sous-payés et en situation précaire ? N'assurer une prise en charge des enfants que quelques heures par semaine, c'est de la maltraitance, monsieur le ministre.
Auteur : M. Jérôme Legavre
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024