Question de : Mme Michèle Tabarot
Alpes-Maritimes (9e circonscription) - Droite Républicaine

Mme Michèle Tabarot alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'augmentation inquiétante du nombre de mineurs impliqués dans des processus de radicalisation en France. La proportion de mineurs impliqués dans des projets terroristes a fortement progressé, atteignant 21 % des cas en 2024. Aussi, en 2024, 2 558 personnes étaient suivies pour de tels faits chaque mois, soit une hausse de près de 6 % par rapport à 2023. Plus préoccupant encore, 65 % des individus concernés par ces poursuites sont des mineurs. Par ailleurs, en 2024, 18 mineurs ont été déférés devant le parquet national antiterroriste dans le cadre de 13 procédures distinctes, soit une augmentation de 20 % en un an. Face à cette évolution préoccupante, elle lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures pourraient être envisagées.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Depuis 2023, plus des deux tiers des mis en cause dans des projets d'attentats ont moins de 21 ans, une menace portée non seulement par de très jeunes majeurs, mais aussi par des acteurs mineurs. De même, à la suite de l'attentat d'Arras, il a été relevé une hausse des inscriptions de mineurs au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).  Aussi, au cours des cinq dernières années, la part des mineurs parmi les individus faisant l'objet d'un suivi actif au FSPRT a triplé, passant de 1,7 % en 2020 à 5,6 % aujourd'hui. Ce constat, largement partagé par nos partenaires européens et internationaux, concerne principalement la mouvance jihadiste, mais aussi les autres mouvances radicales, pour lesquelles l'endoctrinement rapide et l'accès à des contenus extrémistes en ligne facilitent également la radicalisation précoce. L'implication de mineurs dans des affaires de terrorisme n'est toutefois pas inédite. En 2014 et 2017, des mineurs étaient présents parmi les velléitaires au départ sur zone. De même, des mineurs parfois très jeunes ont été régulièrement impliqués dans les actions ou des projets d'action violente sur le territoire national.  Ce qui est nouveau en revanche, c'est la proportion que représentent aujourd'hui les mineurs dans les projets terroristes déjoués et les actions commises sur le territoire national, ainsi que l'extrême jeunesse de certains profils, impliqués dans des faits très graves. Parmi les services de l'État, la DGSI est responsable des investigations relatives à la préparation d'éventuelles actions violentes ou celles sur des projets de départ vers une zone de jihad. Ces investigations ont lieu aussi bien à l'encontre des objectifs majeurs que mineurs. Dans ce cadre, les objectifs mineurs sont détectés et pris en compte de la même manière que les autres objectifs de la DGSI.  Lorsqu'un mineur est identifié comme porteur d'un projet d'action violente ou velléitaire au départ vers une zone de jihad, de manière identique à tout autre objectif majeur du service, la DGSI signale les faits au parquet national antiterroriste (PNAT), qui décide de confier ou non une enquête préliminaire à un service de police (DGSI, SAT, SDAT) pour association de malfaiteurs terroriste. La DGSI peut également identifier un objectif mineur impliqué dans la diffusion et/ou la création de propagande jihadiste. Dès lors, cette infraction de nature infra-terroriste peut être signalée par le service, s'il le juge opportun, à l'autorité judiciaire compétente au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. La justice décidera de saisir, ou non, un service de police judiciaire pour enquêter sur ces faits dans la perspective d'une entrave judiciaire. Par ailleurs, dans le cadre du renforcement de la lutte contre la diffusion de contenus terroristes en ligne, le règlement européen dit « TCO » pour « terrorist content online » permet aux autorités de chacun des États membres d'enjoindre aux hébergeurs le retrait dans l'heure des contenus terroristes. Dans ce cadre, la plateforme PHAROS donne la possibilité aux internautes et aux partenaires professionnels de signaler les contenus illicites en ligne. Afin de permettre la prise en charge du processus de radicalisation de façon précoce, notamment au profit des familles de jeunes radicalisés, le ministère de l'intérieur héberge une plateforme de signalement et d'assistance aux familles, aux professionnels et aux institutions.  Ce centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) est accessible par un numéro vert et sur internet, par des formulaires en ligne. Ce centre dispose, en outre, de psychologues pour mieux conseiller les appelants et procéder à un premier accompagnement. Les signalements font l'objet, le cas échéant, d'une évaluation par les services compétents.  Par ailleurs pour lutter contre le phénomène spécifique de la radicalisation des mineurs, et opérer le suivi de ces individus, les dispositifs de prévention et de lutte contre la radicalisation en France ont été renforcés au cours des dernières années.  Dispositif central de la lutte contre la radicalisation islamiste, le groupe d'évaluation départemental (GED) permet le décloisonnement de l'information entre les différents services de l'État sous la direction du préfet et du procureur de la République.  Aussi, afin de favoriser une détection précoce de la radicalisation, les dispositions réglementaires prévoient de convier systématiquement le directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) en GED, lorsque les situations de mineurs ou jeunes majeurs scolarisés radicalisés sont inscrites à l'ordre du jour de l'instance.  Ce renforcement de la coopération avec l'éducation nationale est essentiel dans la détection et le suivi de ces jeunes, radicalisés ou en voie de radicalisation. C'est dans cette instance d'évaluation qu'il peut être décidé de l'orientation vers une prise en charge sécuritaire ou à caractère social ou psychologique, par la cellule locale de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), voire d'un double suivi, qui est à favoriser s'agissant de ce public.  En volume, la moyenne mensuelle du nombre de mineurs accompagnés en CPRAF est de 1 703 individus (1 497 individus en 2023 ; 1 078 individus en 2022). L'éducation nationale représente près du 1/3 des acteurs concernés par les prises en charge, avec une progression constante et confirmée en 2024. L'ASE et la PJJ représentent respectivement 14 % et 9 % (sans distinction possible à ce stade entre le pénal et le civil). Ces trois acteurs représentent 54 % des acteurs concernés par les accompagnements dans le cadre de la CPRAF. Compte tenu de ces éléments, il apparaît que l'augmentation du suivi des mineurs se confirme également en prévention de la radicalisation. Seulement, il convient d'être prudent sur l'interprétation de cette évolution. En effet, il est clairement observé une augmentation notable des signalements à chaque vague d'attentats commis sur le territoire national, et donc des orientations vers la CPRAF. Par ailleurs, ces signalements sont très importants de la part de l'éducation nationale, que ce soit depuis les commémorations des attentats commis en 2015/2016 et encore plus depuis 2020 après l'assassinat de Samuel PATY puis en 2023 après celui de Dominique BERNARD. De plus, l'impact des réseaux sociaux (largement utilisés par un public de plus en plus jeune) doit être pris en compte parmi les vecteurs de radicalisation des jeunes. C'est pourquoi, depuis fin 2024, le pôle prévention de la radicalisation du SG-CIPDR a retenu ces deux thématiques comme fil conducteur de ses sessions nationales de formation en prévention de la radicalisation. Une formation de niveau 2, avec les mêmes thématiques prioritaires, est prévue pour le premier semestre 2025. Il s'agit donc de pouvoir sensibiliser et former les acteurs du signalement et de la prise en charge à la spécificité de cette nouvelle forme de radicalisation qui touche les jeunes parfois de manière très rapide et demande donc des ajustements tant au niveau de la détection que du signalement et bien sûr de la prise en compte sécuritaire et/ou sociale. Le travail de recherche est essentiel pour pouvoir recueillir des données et des connaissances précises sur ce phénomène récent et il pourrait être intéressant de mettre en œuvre une recherche-action interministérielle avec les partenaires incontournables que sont l'éducation nationale, la protection judiciaire de la jeunesse et l'aide sociale à l'enfance. De manière opérationnelle, il est prévu de sensibiliser et former les acteurs de la médiation numérique à la prévention de la radicalisation (nouvelle mesure de la feuille de route interministérielle 2025/2027 de la prévention de la radicalisation, en lien avec le ministère de la culture) afin que ces derniers puissent accompagner les CPRAF dans les cas de situations relevant de la radicalisation en ligne. Une réflexion est en cours avec la préfecture de Gironde et le centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) de Bordeaux, Cap Sciences et, plus largement, en région Nouvelle-Aquitaine. Par ailleurs, la DGSI sensibilise soit directement soit par son réseau national de conférenciers spécialisés (CS-RAD) les acteurs de la protection de l'enfance, le personnel de l'éducation nationale ainsi que des publics jeunes, étudiants, élèves de filières des métiers de la sécurité ou volontaires du service national universel.  Ce réseau, qui œuvre depuis deux ans en lien étroit avec les référents radicalisation positionnés auprès des préfets, a déjà mené plus de 100 actions à l'attention des équipes pédagogiques et du personnel encadrant de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Ce sont ainsi plus de 4 100 professionnels de l'enseignement qui ont été sensibilisés.

Données clés

Auteur : Mme Michèle Tabarot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025

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