Dispositif téléphonique pour les hommes victimes de violences conjugales
Question de :
M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Bertrand Sorre attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la nécessité d'élargir le dispositif téléphonique d'écoute et d'orientation « 3919 - Violences femmes infos » aux hommes victimes de violences conjugales et d'exclusion parentale. Depuis 2014, ce dispositif, géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), offre un accueil téléphonique gratuit et anonyme aux femmes victimes de violences conjugales. Il a démontré son efficacité en recevant 112 593 appels en 2023, avec un taux de réponse de 86,5 %. Accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 depuis 2021, il joue un rôle crucial dans la prise en charge des victimes et leur orientation vers les structures adaptées. Toutefois, bien que les femmes représentent une majorité des victimes de violences conjugales (86 % selon les chiffres du ministère de l'intérieur pour 2022), les hommes constituent 14 % des victimes. En 2019, l'INSEE estimait que 28 % des victimes de violences conjugales étaient des hommes. Ces violences, souvent de nature psychologique, conduisent fréquemment à des drames humains tels que des suicides. Malgré ces chiffres, la prise en charge des hommes victimes reste largement insuffisante en France. En parallèle, des dispositifs similaires à destination des animaux, tels que le 3677 pour signaler des maltraitances, montrent qu'un engagement rapide et volontaire peut être déployé lorsqu'une cause est reconnue. Paradoxalement, les hommes victimes de violences conjugales continuent de faire face à des lacunes importantes dans les structures d'écoute et d'assistance. Face à cette situation, il apparaît urgent d'étendre le dispositif 3919 pour inclure les hommes victimes de violences conjugales, tout en veillant à former les écoutants pour répondre à leurs besoins spécifiques et en élargissant les horaires pour garantir une prise en charge optimale. Ce pas permettrait une reconnaissance plus équitable des violences subies et une réponse adaptée à l'ensemble des victimes. Ainsi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour étendre le dispositif 3919 aux hommes victimes de violences, assurer la formation des écoutants et renforcer l'équité dans la prise en charge des victimes de violences conjugales en France.
Réponse publiée le 27 mai 2025
Le numéro national 3919 – Violences Femmes Info, géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF), est un service d'écoute, d'information et d'orientation dédié aux femmes victimes de violences. Il constitue un outil central de la politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes en France. Ce dispositif a été conçu dès l'origine pour répondre à un besoin spécifique : celui des femmes victimes de violences systémiques, s'inscrivant dans un cadre social et historique marqué par les inégalités entre les femmes et les hommes. Il s'agit donc d'un espace sécurisé, animé par des écoutantes formées à la complexité des violences faites aux femmes. Cette spécialisation est essentielle pour permettre à ce public de s'exprimer dans un cadre de confiance, sans crainte de jugement ni de minimisation. Les enquêtes et statistiques disponibles confirment que ces violences sont massivement genrées : en 2023, selon les données du ministère de l'Intérieur, les services de sécurité ont enregistré 271 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire (+ 10% par rapport à 2022). 85% des victimes enregistrées par les services de sécurité sont des femmes et 86% des mis en cause sont des hommes. Ces chiffres ne reflètent pas uniquement une prévalence statistique, mais une réalité sociale dans laquelle les femmes sont majoritairement exposées au contrôle coercitif, aux violences physiques, psychologiques, administratives, économiques, et sexuelles s'exerçant dans un contexte d'inégalités. Ainsi, le 3919 s'inscrit dans une logique de prise en charge spécialisée, complémentaire à d'autres dispositifs d'écoute. Il ne s'agit pas d'un numéro généraliste ouvert à l'ensemble des victimes de violences conjugales, mais d'un outil dédié à un public spécifique, fondée sur une expertise construite sur plusieurs décennies. Cette logique de spécialisation n'est pas propre à la France : selon une analyse menée par la FNSF sur 107 pays, 56 % disposent d'un numéro d'écoute exclusivement dédié aux femmes, contre 16 % proposant une ligne mixte et 28 % un service généraliste. Il convient de rappeler que les hommes victimes de violences conjugales ne sont pas laissés sans solution. Plusieurs dispositifs existent et sont accessibles à toutes les victimes. Le 3039, piloté par le ministère de la Justice, numéro gratuit et anonyme qui permet d'obtenir des informations ou une aide pour accomplir une démarche juridique et de prendre rendez-vous avec un professionnel du droit. SOS Homophobie (01 48 06 42 41), pour les personnes LGBTQ+ victimes de violences dans le cadre de relations conjugales ou familiales. Enfin, le 116 006, numéro national d'aide aux victimes, géré par France Victimes. Il propose une écoute gratuite, confidentielle, et l'orientation vers les structures compétentes. Les hommes victimes de violences au sein du couple bénéficient ainsi comme toutes les victimes d'infractions pénales d'un soutien auprès de plus de 130 associations d'aide aux victimes réparties sur le territoire national. En outre, les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), dont certaines sont agréées aide aux victimes, sont aussi susceptibles d'accompagner ce public. Enfin, lorsque des hommes appellent le 3919, ils ne sont pas laissés sans réponse. Un pré-accueil est mis en place, permettant une orientation vers les services compétents selon leur situation. Cette procédure garantit que toute victime bénéficie d'une réponse adaptée. En conclusion, l'ouverture du 3919 à un public mixte reviendrait à neutraliser son objet fondamental et à diluer la réponse spécialisée apportée aux femmes victimes. Une telle évolution risquerait également d'affaiblir le message de sensibilisation à destination du grand public, en occultant la nature systémique des violences faites aux femmes et les dynamiques de genre à l'œuvre dans les violences conjugales. Ce positionnement n'exclut en aucun cas le renforcement de la prise en charge des hommes victimes. Il souligne au contraire la nécessité de développer des parcours spécifiques et cohérents pour chaque public, en s'appuyant sur des expertises distinctes. L'enjeu n'est pas d'uniformiser les dispositifs, mais de garantir une réponse adaptée, équitable et spécialisée, à chaque situation de violence.
Auteur : M. Bertrand Sorre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Aide aux victimes
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025