Observations de l'ONU sur les ESAT
Question de :
M. Aurélien Saintoul
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes sur les établissements ou services d'aide par le travail (ESAT). Selon le Collectif lutte et handicaps pour l'égalité et l'émancipation (CLHEE), dans le pays, 1 400 ESAT regroupent plus de 130 000 ouvrières et ouvriers. Ces ouvriers ont le statut de travailleurs handicapés et les ESAT sont censés les aider à s'insérer durablement et correctement dans le monde professionnel. Ces travailleurs ne relèvent pas du code du travail, mais du code de l'action sociale et des familles, parce qu'ils sont considérés comme des usagers des établissements avec lesquels ils ont signé un contrat. Par conséquent, ils n'ont pas de contrat de travail, sont dans l'impossibilité de saisir les prud'hommes, de recourir à l'inspection du travail et ne bénéficient ni du droit de grève, ni de droits syndicaux, ni de mutuelles d'entreprise, ni de conventions collectives. Pourtant, la rémunération moyenne des personnes travaillant en ESAT est de seulement 715 euros net mensuels pour 35 heures de travail par semaine, ce qui ne permet pas de cotiser pour une bonne retraite. Or la France a ratifié la convention internationale des droits de personnes handicapées. Son article 27 précise que les personnes handicapées ont le droit de « travailler sur la base de l'égalité avec les autres [ce qui inclut] un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et un environnement de travail ouverts, inclusifs et accessibles à tous ». En 2022, le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU (CRPD) a rendu une critique détaillée du modèle des ESAT et appelait le Gouvernement à en finir au plus vite. Le CRPD ajoutait que « les environnements de travail ségrégués sont incompatibles avec [le] droit » inscrit à l'article 27. Il souhaite donc savoir quelles suites le Gouvernement entend donner aux observations de l'ONU concernant les droits des personnes travaillant dans les ESAT.
Réponse publiée le 11 mars 2025
Autorisés et tarifés par les agences régionales de santé et soutenus par l'Etat via des aides au poste pour compenser le coût des rémunérations et des cotisations afférentes pour les travailleurs, les Etablissements et services d'aide par le travail (ESAT) sont tout à la fois des structures d'accompagnement médico-sociales et de mise au travail, dont la vocation première est de contribuer à l'inclusion et à l'autonomie des personnes accueillies, suite à une décision d'orientation vers le milieu protégé. Ces personnes ont une capacité de travail réelle, mais réduite, et nécessitent un ou plusieurs soutiens médicaux, éducatifs, sociaux et psychologiques. A l'échelle du pays, c'est aujourd'hui environ 1 500 ESAT qui accompagnent près de 120 000 travailleurs, qui dans leur immense majorité, seraient profondément et durablement éloignés de l'emploi en l'absence de telles structures de travail protégé, ce qui se traduirait, « au dire même des personnes en situation de handicap rencontrées, par une insupportable claustration dans le domicile familial ou dans un foyer », comme le relève fort justement le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) de 2019. Les deux inspections générales soulignent que « les verbatim des travailleurs handicapés rencontrés qui sont retranscrits dans le rapport sont éloquents à ce titre et permettent de comprendre l'importance du rôle que joue l'ESAT pour eux et la contribution qu'il apporte pour faciliter leur inclusion dans la société ». Par ailleurs, la mission IGAS-IGF s'est prononcée pour le maintien du statut des travailleurs d'ESAT, s'alignant ainsi sur la position du Défenseur des droits (décision n° 2019-160) aux termes de laquelle, notamment, la requalification du contrat en contrat de travail n'est souhaitable ni pour les ESAT ni pour leurs travailleurs, car cela transformerait la relation particulière entre la personne handicapée accueillie et l'encadrant, qui est aujourd'hui basée sur un soutien et un accompagnement médico-social qui contribuent à l'exercice des activités à caractère professionnel confiées au travailleur. En revanche, l'objectif des pouvoirs publics depuis de nombreuses années, rappelé avec force lors de la dernière conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, est d'éviter toute assignation en milieu protégé en offrant de nouvelles opportunités de parcours professionnels aux travailleurs handicapés qui y sont accueillis. Cet objectif de soutien à la diversification de leur parcours, qui est essentiel pour les travailleurs qui en expriment le souhait, s'accompagne d'une convergence progressive de leurs droits individuels et collectifs en ESAT vers ceux reconnus aux salariés. Ainsi, parallèlement à la décision en 2013 des pouvoirs publics de geler la création de places supplémentaires en ESAT, suivant un moratoire qui continue de s'appliquer hors Outre-mer, la mission d'accompagnement des travailleurs d'ESAT vers des parcours professionnels moins linéaires s'est considérablement renforcée ces dernières années avec, notamment, le développement des formations destinées à favoriser leur montée en compétences et leur employabilité, mais aussi des mises à disposition auprès d'utilisateurs privés ou publics, permettant à ces travailleurs d'exercer une activité professionnelle aux côtés des salariés de l'utilisateur. Par ailleurs, mis en œuvre depuis l'année 2022, le plan de transformation des ESAT impulsé par le Gouvernement et coconstruit avec l'ensemble du secteur en 2021, y compris des travailleurs accompagnés en ESAT, comporte plusieurs mesures visant à diversifier et sécuriser les parcours professionnels des travailleurs en ESAT. Pris en application de l'article 136 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de la vie publique locale, le décret du 13 décembre 2022 relatif au parcours professionnel et aux droits des travailleurs handicapés admis en ESAT, prévoit que la décision par laquelle la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) oriente vers un ESAT permet, pendant toute sa durée de validité, au travailleur concerné d'exercer depuis le 1er janvier 2023, simultanément et à temps partiel, une activité au sein de l'ESAT et une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. En outre, depuis le décret du 13 décembre 2022, le travailleur handicapé qui « sort » définitivement de son ESAT pour rejoindre le milieu ordinaire de travail bénéficie obligatoirement, sans nouvelle décision de la CDAPH, d'un parcours renforcé en emploi qui permet à la fois de faciliter des évolutions professionnelles et de statut, tout en sécurisant les changements de trajectoires professionnelles en s'appuyant sur une convention d'appui qui doit obligatoirement être conclue entre l'ESAT et l'employeur et sur un droit à réintégration ou au « retour » en milieu protégé qui vaut pendant toute la durée de validité de la décision de la CDAPH l'orientant en ESAT ou de la convention d'appui, si le terme de la convention est postérieur. S'agissant des droits des travailleurs accompagnés en ESAT, les travaux préparatoires au plan ESAT avaient souligné l'importance de les renforcer et de les faire converger vers ceux reconnus aux salariés. C'est chose faite, d'une part avec le même décret du 13 décembre 2022 (droit aux congés exceptionnels, majoration de la rémunération du travail le dimanche, élection d'un délégué des travailleurs, etc.), d'autre part avec la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Cette dernière prévoit en effet : - l'inscription des « droits collectifs fondamentaux » dans le code de l'action sociale et des familles : le droit syndical et le droit de grève, le droit d'alerte et de retrait ainsi que le droit d'expression directe et collective ; - le renforcement de l'association aux travaux du comité social et économique de l'ESAT de représentants de l'instance mixte usagers-salariés spécifique aux ESAT ; - la prise en charge des frais de transports domicile-travail ; - l'extension du bénéfice des titres-restaurant et des chèques-vacances ; - le bénéfice d'une complémentaire santé pour ces travailleurs. Ainsi, tout un ensemble de textes permet aux travailleurs handicapés accompagnés en ESAT de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés et d'être ainsi « assimilés salariés » tout en restant usagers d'une structure médico-sociale et titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail et qui ne les place pas sous la subordination juridique de l'ESAT et leur permet d'être protégés contre le licenciement. La loi pour le plein emploi prévoit, par ailleurs, l'accompagnement par le service public de l'emploi de l'ensemble des personnes en situation de handicap. Une convention-cadre nationale pluriannuelle de partenariat entre le SPE (futur Réseau pour l'emploi) et les organisations représentatives des ESAT signée le 19 novembre 2024, qui doit être déclinée dans l'ensemble des territoires, va permettre de renforcer leurs actions conjointes et la mission d'accompagnement des ESAT de trajectoires professionnelles diversifiées pour leurs travailleurs dont le projet est d'aller vers le milieu ordinaire de travail.
Auteur : M. Aurélien Saintoul
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Solidarités, autonomie et égalité entre femmes et hommes
Ministère répondant : Autonomie et handicap
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 11 mars 2025