Mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre la drépanocytose
Question de :
M. Aly Diouara
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Aly Diouara attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la nécessité de la mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre la drépanocytose, qui constitue un important sujet de santé publique. Cette maladie du sang, bien que peu médiatisée, est la première maladie génétique en France et dans le monde. Selon les données nationales disponibles, près de 30 000 personnes sont touchées. Avec plus de 500 nouveaux cas enregistrés en France chaque année, soit une augmentation de 44 % de la prévalence de cette maladie au cours de la dernière décennie, la drépanocytose est la seule affection génétique en progression dans le pays. L'Île-de-France et les départements d'outre-mer sont particulièrement touchés et concentrent la majorité des cas. La drépanocytose se manifeste par des symptômes lourds qui handicapent et pèsent dès le plus jeune âge sur l'espérance de vie et le quotidien des porteurs de cette pathologie. L'amélioration de la prise en charge des malades passe notamment par une détection précoce systématique et généralisée qui, aussi bien par souci d'efficacité dans la détection des cas que de lutte contre les discriminations, se doit de mettre fin au ciblage ethnique. En dépit de la gravité de cette maladie et de chiffres qui doivent alerter, la prise en charge de la drépanocytose demeure défaillante en France. La drépanocytose ne fait toujours pas l'objet d'un enseignement systématique dans le cursus des professionnels de santé. Cette situation entraîne de fortes disparités dans la prise en charge de cette maladie selon l'hôpital ou la région de prise en charge du patient et contraint la plupart du temps les malades à se rendre aux urgences, sollicitant des professionnels de santé souvent non-formés et démunis face à cette pathologie. Pour toutes ces raisons, la drépanocytose constitue un exemple parmi d'autres des inégalités devant la santé auxquelles sont confrontées de nombreux citoyens. Pour répondre à ces manques et au-delà des enjeux sociaux et territoriaux que la prise en charge de cette maladie pose, il apparaît comme primordial d'instaurer une stratégie nationale ambitieuse de lutte contre la drépanocytose telle que réclamée par les associations de patients et les professionnels depuis de longues années. Cette stratégie doit viser en particulier à la généralisation du dépistage prénatal, au renforcement de la prévention, ainsi qu'à l'amélioration de la recherche et de la formation des professionnels de santé autour de cette maladie pour garantir une meilleure prise en charge et ainsi mieux accompagner les personnes porteuses. En tant que député de la Seine-Saint-Denis, territoire particulièrement concerné par cette maladie, il s'associe aux nombreuses initiatives des associations de patients et des acteurs de la santé, portées à la connaissance des prédécesseurs de Mme la ministre (dont un « Livre blanc pour une stratégie nationale dédiée à la drépanocytose » rédigé en 2023), qui se battent pour sortir cette maladie de l'ombre. Il convient également de rappeler le chef de l'État à ses promesses de campagne de 2022, qui évoquaient notamment la mise en place d'un plan de détection et de prévention relatif à la drépanocytose afin que ce dernier se matérialise concrètement et ne reste lettre morte. Fort de ce constat, M. le député se tient à la disposition de Mme la ministre pour travailler ensemble à l'amélioration de la prise en charge de cette maladie dans le pays. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 26 novembre 2024
La drépanocytose, notamment le Syndrome drépanocytaire majeur (SDM), reste la première maladie génétique en France avec une prévalence dominante et en augmentation en Ile-de-France et en Outre-mer. Des mesures sont de prises pour prendre en charge les patients et améliorer la prévention sont d'ores-et-déjà en place. La prise en charge doit être multidisciplinaire et concerne les patients, leur famille et les aidants. Elle doit accompagner les personnes malades afin de réduire l'impact de la maladie sur les parcours de vie en tenant compte des enjeux de formation, d'élaboration de bonnes pratiques de diagnostic et de soins et d'éducation thérapeutique du patient pour la drépanocytose. Actuellement, la prise en charge du SDM vise à réduire la survenue et la sévérité des symptômes et des complications via un suivi médical régulier (vaccinations spécifiques, traitements médicamenteux), des règles hygiéno-diététiques, des transfusions sanguines, voire des échanges transfusionnels si besoin. Il est nécessaire de transfuser les patients atteints de drépanocytose avec des concentrés de globules rouges de donneurs de phénotypes les plus proches possibles afin de prévenir au maximum les allo- immunisations post-transfusionnelles dans des populations transfusées de façon fréquente. Ainsi, l'Etablissement Français du Sang a mis en place un plan d'actions, sous l'égide du coordonnateur national de la filière des sangs rares et des phénotypes d'intérêts, visant à définir des stocks cibles ainsi que leurs lieux de stockage optimaux dans l'hexagone et dans les territoires ultramarins. Par ailleurs, les traitements médicamenteux visent essentiellement à traiter les crises aiguës par des morphiniques ou des antalgiques et par l'oxygénothérapie en cas d'hospitalisation. Mais le seul traitement curatif reste la greffe de moelle osseuse à partir d'un donneur compatible. Ce traitement est réservé aux cas les plus sévères, notamment chez l'enfant. Actuellement, la recherche a permis la commercialisation de plusieurs médicaments favorisant la fixation de l'oxygène sur l'hémoglobine ou permettant de réduire les phénomènes d'agrégation cellulaire lors des crises vaso-occlusives. Plusieurs appels à projet liés au 3ème plan national maladies rares (PNMR3) ont permis de soutenir la recherche dans le traitement avec 16 projets dans le champ de la drépanocytose pour environ 3,7 millions d euros. Plusieurs médicaments innovants basés sur la thérapie génique et des techniques nouvelles basées sur des érythraphérèses répétées à intervalles réguliers (remplacement progressif du sang du patient par des globules rouges sains) sont en cours d'essais cliniques ou au stade de la preuve de concept clinique. De nouvelles thérapies géniques sont d'ores-et-déjà en autorisation d'accès compassionnel et délivrées au cas par cas. Ces deux nouvelles approches sont les plus prometteuses dans la lutte contre la drépanocytose. La mise en place des projets d'accueil individualisé systématiques pour chaque enfant atteint de drépanocytose avec la liste des mesures à mettre en œuvre en cas d'urgence (crèche, école, centre de vacances, etc.) a permis une meilleure prise en charge des enfants et ainsi d'éviter notamment le décrochage scolaire. La prise en charge des patients atteints de SDM reste complexe. La Filière de santé des maladies rares (FSMR) comprenant les Maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l'érythropoïèse (MCGRE), regroupe des centres de référence et de compétence spécifiques des SDM, avec 21 centres de référence en métropole et en Outre-mer et 39 centres de compétence répartis sur tout le territoire français. Cela garantit un maillage fin d'experts sur l'ensemble des territoires en couvrant 72 départements les plus touchés par la drépanocytose. La filière santé maladies rares déploie aussi des formations sur la drépanocytose, accessibles en formation initiale ou continue afin d'améliorer la prise en charge des patients par les professionnels de santé. Elles sont proposées par les experts de la FSMR MCGRE en métropole et en Outre-mer avec 4 diplômes universitaires et 1 diplôme inter-universitaire et 1 certificat d'université. Elle propose également une quinzaine de programmes d'éducation thérapeutique du patient spécifiquement dédiés à la drépanocytose, notamment à destination des femmes enceintes drépanocytaires. Ces mesures sont complétées par des protocoles nationaux de diagnostic et de soins élaborés par la FSMR MCGRE et publiés sur le site de la Haute autorité de santé (HAS). Ces protocoles sont disponibles et peuvent être mis en place dans chaque service d'urgence afin de développer les compétences hospitalières sur tout le territoire, et renforcer la formation des professionnels de santé. Enfin, il faut rappeler le rôle structurant du PNMR3 qui a aussi permis de développer la collecte des données de soins des établissements de santé abritant les centres de référence et de faciliter l'accès à l'éducation thérapeutique du patient par les programmes déjà évoqués à destination des patients atteints de drépanocytose. En matière de dépistage, dans le cadre d'une fécondation in vitro, il est possible de réaliser un dépistage préimplantatoire chez les populations les plus concernées par la maladie. Il est également possible de réaliser un dépistage prénatal dès la 12ème semaine de grossesse à partir d'un prélèvement placentaire, ou dans le liquide amniotique obtenu par amniocentèse vers la 16ème semaine. Une approche de diagnostic prénatal non invasif à partir d une simple prise de sang est en cours de développement. Par ailleurs, jusqu'en octobre 2024, un dépistage néonatal était réalisé sur la base de l'origine géographique des parents en métropole et généralisé dans les territoires d'Outre-mer. La drépanocytose était la seule des 6 maladies dépistées en néonatal à faire l'objet d'un ciblage populationnel. Au total, 40 % des nouveaux-nés étaient dépistés chaque année. L'avis de la HAS relatif à une généralisation possible du dépistage néonatal en métropole rendu fin 2022 conclut à la pertinence d'une généralisation du dépistage néonatal, afin de prendre en charge les enfants très précocement. Le dépistage néonatal de la drépanocytose, même s'il n'est pas obligatoire, est généralisé pour tous les enfants nés à compter du 1er novembre 2024 (arrêté du 31 juillet 2024). Le parcours du patient touché par la drépanocytose pourrait bénéficier d'un futur PNMR4 car celui-ci devrait voir un renforcement de l'articulation entre les territoires, au niveau national et européen. Dans la suite du nouveau plan, il s'agira de renforcer l'axe diagnostic avec une prolongation des actions et l'articulation avec les actions du plan France médecine génomique, et aussi de permettre un accès à de nouveaux traitements et à l'innovation, en particulier grâce au partage des données de santé et à la collecte de données de vie réelle.
Auteur : M. Aly Diouara
Type de question : Question écrite
Rubrique : Maladies
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 1er octobre 2024
Réponse publiée le 26 novembre 2024