La ZFE du Grand Lyon sera-t-elle un nouveau péage urbain pour ses habitants ?
Question de :
M. Idir Boumertit
Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Idir Boumertit interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports, sur la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) en cours de déploiement sur la plupart des métropoles françaises, dont la métropole du Grand Lyon notamment. Tout d'abord, concernant l'exclusion des véhicules de Crit'Air 3 devant prendre effet à partir du 1er janvier 2025, nombre d'habitants se verront exclus de l'aire couverte par la ZFE. Dans ce cas, il s'agit d'au moins 150 000 véhicules, soit 330 000 personnes exclues de l'accès à la métropole, selon les chiffres de 2021. Ce sont donc tous les citoyens les plus précaires et les plus modestes qui seront exclus de facto de la ville. Comment M. le ministre compte-t-il stopper cette injustice sociale ? Est-il prévu de mieux cibler les aides à la transition pour les classes populaires ? Autre sujet : les SUV (Sport Utility Vehicle). Si les SUV étaient un pays, ils seraient le 5e émetteur de CO2 de la planète. Malgré cela, les SUV récents sont considérés comme Crit'Air 1 et pourront continuer à circuler sans problème. Dans un objectif de réduction de la pollution de l'air et au vu des enjeux de pollution et de l'impératif de santé publique, M. le ministre prévoit-il enfin d'adresser pleinement la question des SUV en revoyant le Crit'Air en proportion et en leur appliquant un malus ? Par ailleurs, étant force de proposition, M. le député interroge M. le ministre pour savoir s'il compte prendre des mesures pour rendre plus attrayants et accessibles les transports en commun. Par exemple, en abaissant la TVA à 5,5 % pour les billets de transports en commun, comme le propose si bien son collègue Sylvain Carrière, ou encore en instaurant un plan de densification des parkings relais gratuits en périphérie, à proximité des arrêts de transport en commun structurants ? Enfin, M. le député attire l'attention de M. le ministre sur la difficulté que l'exclusion des véhicules de Crit'Air 3 va générer pour le tissu de commerçants et d'associations en ville. Ces derniers risquent de se retrouver dans l'obligation d'investir dans des flottes de véhicules hors de prix pour continuer à assurer leurs activités. Il n'est pas envisageable de laisser tomber ces acteurs centraux dans la vie de la métropole et de ses habitants. Aussi est-il prévu de mettre en place des dérogations comme cela a pu se faire sur la métropole du Grand Paris pour les livraisons ? Enfin, il lui demande quel accompagnement il envisage dans ce cadre-là.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
ZONE À FAIBLES ÉMISSIONS DU GRAND LYON
M. le président. La parole est à M. Idir Boumertit, pour exposer sa question, n° 52, relative à la zone à faibles émissions du Grand Lyon.
M. Idir Boumertit . Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports. Le calendrier s’accélère, les zones à faibles émissions deviennent de plus en plus restrictives et nombre de nos concitoyens se voient contraints et empêchés dans leur vie quotidienne. Dans moins d'un mois, en janvier 2025, tous les véhicules Crit’Air 3 seront interdits à la circulation dans la ZFE lyonnaise. Cela représente 150 000 véhicules, soit environ 330 000 personnes dont l’accès à la métropole – où elles travaillent – est fortement contraint, selon les chiffres de 2021.
Bien que nous partagions les objectifs de réduction de la pollution de l’air, ceux-ci ne sauraient être atteints sur le dos des classes populaires. Or le plan actuel est injuste pour les plus précaires. Il consacre l’instauration d’un véritable péage urbain, une contrainte pour les habitants qui n’ont pas facilement accès aux transports en commun parce que leurs territoires ne sont pas desservis, parce que les tarifs sont trop élevés ou parce qu'ils ne peuvent se payer un véhicule récent adapté.
Premièrement, j'aimerais savoir comment vous comptez stopper cette bombe sociale à retardement. Faut-il sortir les bonnets rouges ou les gilets jaunes ? Les Français sont à bout de nerfs.
Sachant que les contrôles sont quasi inexistants et que les radars automatiques n'arriveront qu'en 2027, envisagez-vous un report de calendrier pour permettre aux usagers de s'organiser, allez-vous rendre les transports en commun plus accessibles et construire des parkings relais ?
J'aimerais également évoquer le cas des SUV. Si ces engins constituaient un pays, celui-ci serait le cinquième émetteur de CO2 de la planète ! Pourtant les SUV récents, classés Crit'Air 1, pourront continuer à circuler sans problème. Or il n'y a pas de raison d'accorder de passe-droit à ces monstres de métal et à leurs propriétaires. Allez-vous donc enfin les empêcher de circuler et leur appliquer un malus ?
Enfin, l'exclusion des véhicules classés Crit'Air 3 menace directement l'activité commerciale en ville. Les commerçants qui se battent au quotidien pour vivre n'auront pas les moyens d'accéder à un véhicule classé Crit'Air 2 et risquent de devoir baisser le rideau. Prévoyez-vous pour les activités commerciales des dérogations au niveau national, similaires à celles mises en place pour la métropole du Grand Paris ?
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . Je vous remercie pour ces questions qui portent sur un futur proche que le gouvernement ne maîtrise pas puisqu'il dépend de vous. Je vais cependant vous répondre avec sincérité – d'autant plus qu'en évoquant les bonnets rouges, vous m'avez fait penser à ma Bretagne.
Le territoire du Grand Lyon est visé par des contentieux au niveau national et européen pour des dépassements réguliers des seuils réglementaires de qualité de l'air – des recours ont été déposés. Cette pollution a un impact, invisible mais bien réel, sur la santé des habitants du territoire.
Nous avons besoin d'une écologie positive, mais – comme vous l'avez dit – qui ne soit pas punitive et ne crée pas de difficultés supplémentaires à ceux qui sont particulièrement touchés et habitent à l'extérieur de ces métropoles, par exemple les artisans.
Dans un contexte de durcissement des normes ces prochaines années et afin d'éteindre les contentieux en cours, le renforcement des actions est impératif. Face à la pollution de l'air en ville, nous disposons d'un outil qu'il faut respecter et qui peut s'avérer efficace : la ZFE. Pour faciliter une telle démarche, l'État accompagne la transition des mobilités avec des financements importants pour les collectivités, les aides au verdissement des véhicules et les certificats d'économie d'énergie.
Concrètement, en 2023, la ZFE lyonnaise a par exemple bénéficié de quelque 15 millions de subventions pour déployer de nouveaux parkings relais comme vous le proposez, des dispositifs de conseil en mobilité, mais aussi des services et infrastructures pour le covoiturage et le vélo.
La métropole du Grand Lyon a également prévu plusieurs dérogations locales pour l'approvisionnement des marchés – vous avez évoqué cette question très importante – et la livraison des denrées périssables, des besoins pour lesquels il n'existe pas actuellement de véhicule adapté.
Enfin, s'agissant des SUV, les ZFE et la vignette Crit'Air n'ont pas vocation à traiter les émissions de gaz à effet de serre, même si des cobénéfices pour le climat existent forcément. Toutefois, pour lutter contre l'alourdissement des véhicules, d'autres dispositifs ont été lancés par l'État, notamment le malus poids, significativement renforcé en 2024. La loi de finances pour 2024 dispose qu'il sera renforcé en 2025 – le débat parlementaire sur cette question se poursuivra peut-être.
J'entends vos observations, mais nous ne pouvons pas dire que rien n'est fait en la matière. J'ajoute enfin que certaines dispositions et mesures dépendent des collectivités locales.
M. le président . La parole est à M. Idir Boumertit.
M. Idir Boumertit . Je vous remercie pour votre réponse même si elle me satisfait très peu. Je vous invite à instaurer très rapidement un moratoire afin de dresser un état des lieux de la situation. Je l'ai dit, il s'agit là d'une véritable bombe sociale pour les habitants de la métropole lyonnaise, en particulier les habitants de ma circonscription, qu'il s'agisse des Vénissians, des Saint-Foniards ou des San-Priods, qui seront confrontés au problème dès le 1er janvier 2025.
Auteur : M. Idir Boumertit
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports routiers
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024