Reconnaissance du handicap cognitif des personnes atteintes d'Alzheimer
Question de :
Mme Sylvie Ferrer
Hautes-Pyrénées (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Sylvie Ferrer attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur le manque de reconnaissance plein et entier du handicap cognitif des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée (MAMA), quel que soit leur âge. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées introduit la notion de handicap quel que soit son origine, dont l'altération des fonctions cognitives : « Constitue un handicap, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un poly handicap ou d'un trouble de santé invalidant ». Ainsi, la loi met en exergue l'existence de troubles des fonctions cognitives à côté des fonctions mentales et psychiques. De ce fait est reconnue légalement l'existence des conséquences de ces troubles des fonctions cognitives en matière de handicap. Aujourd'hui, en France, lorsque le diagnostic d'une MAMA est posé avant l'âge de 60 ans, les personnes malades sont reconnues adultes handicapés, sans que leurs besoins spécifiques ne soient pour autant totalement appréhendés, du fait d'un handicap considéré comme « invisible ». Lorsque le diagnostic intervient après 60 ans, la personne malade est reconnue personne âgée dépendante et se retrouve lourdement impactée par l'approche catégorielle persistante du système de santé et d'accompagnement. Les personnes atteintes de la MAMA, en fonction de leur âge, ne sont donc pas reconnues comme étant en situation de handicap et cela a de lourdes conséquences sur leur quotidien et leur possibilité d'accéder aux droits dont elles devraient pouvoir bénéficier. Un système à double vitesse, caractérisé par une barrière de l'âge encore à l'œuvre au sein du système de compensation de la perte d'autonomie, qui n'a plus de sens aujourd'hui. Car appréhender la MAMA comme des handicaps cognitifs évolutifs et les personnes malades comme des personnes en situation de handicap cognitif pourrait permettre une plus grande adaptation des réponses qui leur sont apportées quotidiennement. Dans un contexte de chronicité des maladies neurodégénératives du fait de leur incurabilité, le paradigme du handicap permet d'insister sur les compensations et les aménagements de l'environnement (compréhension, acceptation, inclusion) dont les personnes en difficulté cognitive devraient pouvoir bénéficier, afin de maintenir leur qualité de vie et de pouvoir avoir accès aux mêmes droits que les personnes qui ne rencontrent pas ces difficultés. Enfin, la majorité des personnes malades ont plus de 60 ans (on estime que sur plus de 1,2 million de personnes malades aujourd'hui en France, environ 55 000 ont moins de 65 ans) et tombent directement dans le champ de la dépendance et leur handicap quotidien n'est absolument pas reconnu. La barrière élevée entre personnes handicapées et personnes âgées dépendantes est donc à l'origine de traitements discriminatoires et inégaux dans les dispositifs de compensation pour ces deux populations. Il existe en effet des différences en matière de conditions d'attribution des prestations, de couverture et de financement des plans personnalisés, la prestation de compensation du handicap (PCH), attribuée aux personnes handicapées, étant souvent plus avantageuse que l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA), attribuée aux personnes âgées dépendantes. Il existe en outre un système de tarification différent pour les établissements d'hébergement des deux populations. Les personnes atteintes de MAMA ont accès à ces aides : APA pour les plus de 60 ans (elles sont reconnues comme personnes âgées dépendantes) et PCH pour les moins de 60 ans (elles sont reconnues adultes handicapés). L'enjeu est que, grâce à la reconnaissance plein et entière du handicap cognitif des personnes atteintes de MAMA, quel que soit leur âge, toutes les personnes diagnostiquées puissent être reconnues comme adultes handicapés avec une compensation, un accompagnement et une garantie d'accessibilité en fonction de leurs besoins et des droits qui sont les leurs. La différence entre ces deux prestations, en matière de dépenses, est-elle à l'origine du frein actuel à la reconnaissance du handicap cognitif de toutes les personnes malades ? Une évolution dans ce domaine apparaît pourtant nécessaire et urgente, pour que les personnes atteintes de ces pathologies neuro-évolutives aient enfin accès aux droits qui sont les leurs, quel que soit leur âge et à une reconnaissance pleine et entière des situations de handicap vécues au quotidien. Elle lui demande donc quelles sont les solutions qu'il compte mettre en place pour faire évoluer cette situation.
Réponse publiée le 11 mars 2025
L'amélioration de l'accès à la Prestation de compensation du handicap (PCH) des personnes vivant avec une altération des fonctions mentales, psychiques ou cognitives ou des troubles du neuro-développement est une priorité forte, identifiée lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 11 février 2020. Celle-ci s'est concrétisée avec l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2023, du décret n° 2022-570 du 19 avril 2022 relatif à la prestation de compensation mentionnée à l'article D. 245-9 du code de l'action sociale et des familles, qui a élargi les critères d'éligibilité à la PCH pour apprécier de manière plus fine les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap psychique, mental, cognitif ou lié à un trouble neuro-développemental et créé un nouveau domaine d'aide humaine, le « soutien à l'autonomie », permettant, au-delà du seul soutien dans les actes essentiels de l'existence, de mobiliser jusqu'à 3 heures d'aide supplémentaire par jour pour renforcer l'accompagnement des personnes dans l'exercice de leur autonomie. Pour bénéficier de la PCH, les personnes doivent satisfaire à la condition liée au handicap avant l'âge de 60 ans, à trois exceptions près : - premièrement, si la personne respectait les conditions d'éligibilité à la prestation avant 60 ans sans avoir pour autant demandé la prestation. Depuis la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020, cette possibilité, jusqu'alors réservée aux demandes formulées avant l'âge de 75 ans, est ouverte sans condition d'âge ; - deuxièmement, si le demandeur exerce une activité professionnelle, quels que soient son âge et la date de survenue du handicap ; - troisièmement, les allocataires de l'allocation compensatrice pour tierce personne ont la possibilité d'opter pour la PCH à tout âge. En dehors de ces exceptions, le législateur n'a pas souhaité remettre en cause le principe fixé par les articles L. 245-1 et D. 245-3 du code de l'action sociale et des familles suivant lesquels la première demande de PCH doit être formulée avant l'âge de 60 ans. En effet, la remise en cause de ce principe impliquerait un rapprochement systématique entre les prestations destinées aux personnes en situation de handicap et celles destinées aux personnes âgées, notamment l'allocation personnalisée d'autonomie. Or ces prestations participent de logiques très différentes, même si les deux sont personnalisées, qu'il s'agisse de l'évaluation des besoins, des modalités de détermination des plans d'aide ou de la participation financière des bénéficiaires. L'impact financier d'un tel rapprochement serait enfin majeur, spécialement pour les conseils départementaux.
Auteur : Mme Sylvie Ferrer
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Autonomie et handicap
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 11 mars 2025