Fiscalité des communes et intercommunalités en milieu rural et de montagne
Question de :
M. Joël Aviragnet
Haute-Garonne (8e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Joël Aviragnet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et la fiscalité des communes et intercommunalités en milieu rural et de montagne. En 2010, lors de la suppression de la taxe professionnelle, l'État a mis en place une nouvelle fiscalité pour les entreprises et a prévu un mécanisme de compensation avec la réaffectation aux EPCI de la part départementale de la taxe d'habitation et des parts départementales et régionales de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Par exemple, pour les territoires comme celui de Cagire Garonne Salat, situé en Haute-Garonne dans la partie rurale et de montagne du département, la réorientation de cette « fiscalité ménage » générait plus de recettes que la taxe professionnelle supprimée. Un principe d'écrêtement a été institué, alimentant le FNGIR, ce fonds permettant de verser une compensation aux territoires qui perdaient plus de taxe professionnelle qu'ils ne percevaient de « fiscalité ménage ». Si l'ensemble avait vocation à rendre la réforme « neutre » pour les EPCI, il a montré depuis un défaut majeur : l'impôt auprès des habitants et des propriétaires est prélevé sur un territoire rural et reversé sur d'autres communautés de communes, communautés d'agglomération et métropoles, plus riches et dotées de nettement plus d'activités et de dynamique économique. Ainsi, en continuant l'exemple de cette communauté de communes de la Haute-Garonne, en 2024, la communauté de communes Cagire Garonne Salat a voté un produit fiscal attendu de 2 378 774 euros avec les taxes foncières et la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, mais a reversé 1 620 218 euros au titre du FNGIR soit plus de 68 % de la fiscalité payée par les propriétaires et les habitants du territoire. Plus largement, 13 communautés de communes de Haute-Garonne contribuent au FNGIR, pour un total de près de 16 millions d'euros chaque année, représentant environ 40 % de leur produit fiscal ménage (taxes foncières et taxe d'habitation sur les résidences secondaires) et 3 en sont bénéficiaires pour au total pour près de 26 millions d'euros, dont la métropole toulousaine pour 24,6 millions d'euros. Le contribuable local paie des impôts qui repartent très largement dans les métropoles et les grandes agglomérations, quinze ans après cette réforme et aucun mécanisme d'atténuation ni de dégressivité. De plus, en 2021, la suppression de la taxe d'habitation a été mise en œuvre, ne laissant comme dynamique que la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Les communautés de communes ont reçu en compensation une part de FCTVA et les communes se sont vues attribuer la part départementale du foncier bâti. Ainsi le conseil départemental de Haute-Garonne, comme tous les départements, ne dispose plus de levier fiscal et ses recettes sont devenues, réforme après réforme, des compensations sur le budget de l'État. La Haute-Garonne, département qui connaît la plus forte hausse démographique, ne voit pas ses compensations suivre la même croissance et se retrouve confrontée à des difficultés financières entre recettes figées et hausse des dépenses liées à la population du fait de ses compétences. La communauté de communes, comme les communes, était largement aidée financièrement par le département, mais les finances départementales, de plus en plus contraintes, vont l'empêcher dorénavant d'être aux côtés des territoires et des projets locaux, pour se recentrer sur les compétences obligatoires et les dépenses inhérentes (collèges, APA, PCH, RSA, routes départementales, etc.). Ainsi, les habitants et les propriétaires fonciers des communautés de communes rurales et de montagne sont doublement impactés avec des impôts payés qui repartent vers d'autres territoires et un département appauvri qui a de plus en plus de mal à venir en appui aux initiatives locales, freinant donc la capacité d'investissement des communes et des intercommunalités. Aussi il demande au Gouvernement de faire évoluer le mode de calcul de ce dispositif figé depuis 15 ans qui pénalise fortement les petites communes et communautés de communes situées dans les territoires ruraux et de montagne. Il souhaite connaître sa position à ce sujet.
Réponse publiée le 20 mai 2025
L'article 78 de la loi de finances pour 2010 a prévu un mécanisme pérenne destiné à assurer la stricte neutralité financière de la réforme de la taxe professionnelle pour chaque collectivité. Ainsi, la compensation de cette taxe a été assurée par l'affectation d'une nouvelle fiscalité professionnelle aux collectivités concernées, avec en complément des dispositifs budgétaires. Ces derniers se composent d'une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) financée par l'État et d'un fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) qui sont aujourd'hui figés. Le FNGIR est un mécanisme d'équilibrage des recettes fiscales qui permet à chaque collectivité de disposer d'un niveau de ressources identique avant et après la suppression de l'impôt précité. Les collectivités qui auraient été surcompensées par le nouveau panier de ressources institué après la suppression de la taxe professionnelle sont prélevées au profit des collectivités qui auraient été sous-compensées. Ainsi, le dispositif du FNGIR fonctionne à enveloppe fermée et des réajustements individuels conduiraient à revoir l'ensemble des contributions et reversements au titre de ce fonds, remettant ainsi en cause la stabilité et la prévisibilité des compensations aux collectivités, ce qui n'est pas souhaitable. Cependant, certaines collectivités territoriales, et particulièrement certaines communes contributrices au FNGIR, ont été confrontées depuis 2010 au départ de leur territoire d'entreprises qui justifiaient leur prélèvement. Ces communes peuvent bénéficier, si elles sont éligibles, à plusieurs mécanismes compensatoires de pertes de fiscalité économique pris en charge par l'État tels que ceux liés à la perte de cotisation foncière des entreprises (CFE) ou d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), définis au 3 de l'article 78 de la loi de finances pour 2010 et précisés dans le décret n° 2012-1534 du 28 décembre 2012. Ces mécanismes permettent d'apporter un soutien financier dégressif à chaque commune éligible pour l'accompagner face à une perte conséquente de fiscalité économique. Par ailleurs, l'article 79 de la loi de finances pour 2021 institue un prélèvement sur les recettes de l'État visant à soutenir les communes et les EPCI à fiscalité propre pour qui, d'une part, le prélèvement au titre du FNGIR représente plus de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et qui ont, d'autre part, subi une perte de bases de cotisation foncière des entreprises de plus de 70 % depuis 2012. Les modalités d'application de la mesure sont précisées par le décret n° 2021-1242 du 28 septembre 2021. Pour les collectivités éligibles, l'État verse un soutien budgétaire à hauteur d'un tiers de leur prélèvement au titre du FNGIR. Près de 300 communes bénéficient chaque année de ce dispositif depuis 2021, particulièrement des communes rurales. Enfin, le Gouvernement est conscient de la situation financière tendue que connaissent les départements depuis 2023, après plusieurs années où le niveau élevé des droits de mutation à titre onéreux dont ils bénéficient leur a notamment permis de faire face à l'accroissement de leurs dépenses. Dès la loi de finances pour 2024, plusieurs mesures en faveur des départements en difficulté ont été prises, et le Gouvernement reste attentif à leur situation dans la préparation de la loi de finances pour 2026.
Auteur : M. Joël Aviragnet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts locaux
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Comptes publics
Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025