Couvre-feu de l'aéroport d'Orly
Question de :
M. Louis Boyard
Val-de-Marne (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Louis Boyard interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports, sur le réexamen du scénario retenu dans le cadre du couvre-feu de l'aéroport d'Orly pour renforcer la protection des riverains. Les scenarios A et B sont sans bénéfice sur la santé des riverains. Ils se basent sur une hypothèse de 50 % de renouvellement des flottes à l'horizon 2027. Une hypothèse peu sérieuse en raison de l'état actuel de la flotte, qui ne comporte que 4 % d'avions de dernières générations. S'agissant du scénario B, on ne peut parler de couvre-feu puisque les atterrissages sont maintenus, le bruit et la pollution avec. Par conséquent et même s'il demeure encore insuffisant, le scénario C constitue la seule proposition permettant de réduire le bruit de façon immédiate, durable et certaine sur la période nocturne. Dans ce scénario, l'impact économique sur les compagnies aériennes paraît tout à fait supportable dans la mesure où les vols concernés ne seraient pas supprimés mais déplacés dans la journée, comme indiqué par la société CGX. Enfin, il convient de rappeler que l'ensemble des mesures se basent sur un trafic annuel de 232 000 mouvements, en hausse par rapport à la situation actuelle et à la réglementation fixant le seuil à 200 000. Le scénario C offre en réalité une moindre augmentation du trafic. Cette démarche collective s'inscrit dans une volonté commune de répondre aux engagements de l'État de diminuer d'au moins 6 dB du Ln (Level Night) moyen sur la période 22h-6h. De plus, elle assure la conformité du plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) de l'aéroport d'Orly à celui de la Métropole du Grand Paris, voté à l'unanimité par les 131 communes membres. Enfin et surtout, il s'agit d'offrir une demi-heure de sommeil supplémentaire aux 740 000 habitants riverains d'Orly fortement gênés par le bruit aérien (l'OMS préconisant 1 heure pour atteindre les 8 heures consécutives). Conscient de sa détermination à renforcer la protection des riverains, il lui demande s'il va défendre le scénario C.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024
AÉROPORT D'ORLY
M. le président . La parole est à M. Louis Boyard, pour exposer sa question, no 53, relative à l'aéroport d'Orly.
M. Louis Boyard . Ma question s'adresse au ministre délégué chargé des transports. Vous le savez, la situation de l'aéroport d'Orly est unique en France : aéroport international de plus de 1 500 hectares, il est incrusté au beau milieu d'un tissu urbain dense, avec 3 500 habitants au kilomètre carré.
Évidemment, cette localisation produit des effets terribles sur les habitants des villes environnantes, en particulier dans ma circonscription, que ce soit à Villeneuve-le-Roi, Villeneuve-Saint-Georges, Limeil-Brévannes, Valenton ou Boissy-Saint-Léger. Maladies cardiovasculaires, troubles psychiques et psychologiques ou encore diminution de l'espérance de vie : l'étude nationale Debats (discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé) a braqué les projecteurs sur les conséquences de l'exposition au bruit des avions.
Mais je peux aussi vous citer des chiffres et vous parler d'argent, puisque je sais que c'est le langage que comprend le mieux le gouvernement. Selon l'Organisation mondiale de la santé, le coût sanitaire et social du bruit engendré par l'aéroport d'Orly représente 1,94 milliard – une somme énorme.
Il y a urgence à agir et ça tombe bien, puisque vous vous êtes engagés au mois d'octobre à réduire les nuisances sonores de l'aéroport d'Orly. Je vous félicite pour cette annonce qui tranche avec la réalité alternative dans laquelle l'État voulait nous enfermer. Jusqu'ici, en effet, la lutte contre la pollution sonore reposait sur le renouvellement des flottes d'avions. Si je parle de réalité alternative, c'est parce qu'actuellement on ne compte que 4 % d'avions de dernière génération. D'ailleurs, même si, par miracle, la flotte était complètement renouvelée, cela n'aurait aucune conséquence sur le quotidien des habitants, la diminution du bruit des avions étant trop faible pour être ressentie par les riverains – j'habite à Villeneuve-Saint-Georges, et je peux vous assurer que cela ne change rien.
N'allez pas chercher midi à quatorze heures : la meilleure façon de réduire la pollution sonore, c'est de prolonger la durée du couvre-feu. Je dis « prolonger », mais encore faudrait-il que celui-ci soit respecté… Bien souvent, en effet, la direction générale de l'aviation civile délivre des dérogations et, lorsqu'elles n'en bénéficient pas, les compagnies elles-mêmes dérogent au couvre-feu – sans s'exposer pour autant à de gros risques puisque, dans 20 % des cas, aucune sanction n'est prononcée.
Combien de temps allez-vous encore condamner les habitants des territoires servants de la République ? Ce sont eux qui font tourner le pays, leurs droits doivent être respectés.
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . Mon collègue chargé des transports, qui ne pouvait être présent ce matin, m'a chargée de vous répondre. Vous avez souhaité appeler notre attention sur la situation de l'aéroport d'Orly. De manière générale, je n'ai pas l'habitude de chercher midi à quatorze heures, je vous l'assure. Cependant, vous demandez au gouvernement de prendre des décisions alors que vous savez que, dans le contexte actuel, il est difficile de traiter des questions urgentes – tout dépendra du vote de demain.
Vous l'avez rappelé, le trafic de l’aéroport de Paris-Orly est d’ores et déjà soumis à un ensemble de fortes contraintes, à visée environnementale, qui font l’objet d’une surveillance extrêmement stricte par les autorités locales de l’aviation civile – vous faites non de la tête, mais c'est pourtant vrai.
Depuis 1968, un couvre-feu est en vigueur entre vingt-trois heures trente et six heures. L’aéroport fait en outre l’objet d’un plafonnement à 250 000 créneaux par an.
En dépit de ces mesures fortes, les nuisances demeurent importantes – vous avez raison. Un collectif d'élus locaux s'en est d'ailleurs ému à juste titre. En juin 2023, le ministre de l'époque – c'était il n'y a pas si longtemps, mais tout va très vite – avait appelé la préfète du Val-de-Marne à étudier les conséquences de l’introduction de nouvelles restrictions au moyen d’une étude d’impact. Je fais remarquer au passage qu'il n'existe pas de solution miraculeuse, immédiate et définitive.
Au terme de ces travaux, plusieurs scénarios ambitieux ont été étudiés et communiqués – vous l'avez noté. C’est sur le fondement de ces conclusions que les ministres ont soumis à la consultation du public, entre avril et juillet, un scénario de mesures de restriction, dit scénario A. Il présente le meilleur rapport coût-efficacité – critère décisif prévu par la réglementation européenne – au regard des impacts acoustiques, mais aussi socio-économiques. Il prévoit des réductions significatives du bruit sans risque d’effet contre-productif sur l’évolution des flottes.
L'objectif de diminution, qui avait été fixé à partir d'un indicateur qui semble à revoir, ne pourrait être atteint sans qu'on remette en cause de façon profonde l’activité de l’aéroport d'Orly. Il faut reconnaître au passage que celui-ci a subi les conséquences de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. De fait, aucun des trois scénarios retenus ne permettrait d’atteindre la diminution souhaitée et d'autres mesures devraient donc être engagées.
En imposant à l’ensemble des compagnies aériennes d’opérer exclusivement avec des aéronefs de dernière génération durant la nuit à Paris-Orly d’ici à 2029, le scénario A permet, semble-t-il, de pérenniser et de renforcer les engagements des compagnies aériennes en matière de renouvellement des flottes – on ne saurait négliger l'ampleur de l'investissement que doivent réaliser les compagnies.
Le gouvernement a entendu les fortes attentes autour de la question des nuisances sonores aériennes, et le ministre des transports a demandé à la direction générale de l'aviation civile de proposer des mesures additionnelles plus protectrices pour les populations environnantes afin de réduire le bruit de façon immédiate, durable et certaine sur la période nocturne.
M. le président . La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard . Votre réponse comporte un élément important : le rapport coût-efficacité. En l'occurrence, les mesures que vous avez évoquées ne coûtent rien et n'ont donc aucune efficacité. Les chiffres que vous avez donnés s'agissant des créneaux sont faux et, contrairement à ce que vous affirmez, bien souvent aucune sanction n'est prise.
Les scénarios que vous avez mentionnés ne changent pas le quotidien des habitants et je le regrette. Heureusement, demain, le gouvernement tombera et sera remplacé par un gouvernement du Nouveau Front populaire qui s'attellera à cette tâche.
Auteur : M. Louis Boyard
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports aériens
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024