Effets néfastes du Lariam
Question de :
M. Aurélien Saintoul
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Aurélien Saintoul interroge Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur le maintien de l'autorisation de mise sur le marché du médicament Lariam. Ce médicament fabriqué par le laboratoire Roche et commercialisé en France depuis 30 ans, est le principal traitement préventif du paludisme proposé en France pour les personnes se déplaçant dans des pays à risque. Ayant pour principe actif la méfloquine, de nombreuses témoignages documentent que la prise de ce médicament peut provoquer de graves effets secondaires sur les patients, entraînant notamment des troubles du rythme cardiaque, de la confusion mentale, des pertes de mémoire, des hallucinations, de la psychose et des idées noires pouvant conduire au suicide. Ces effets néfastes se sont fait connaître auprès du grand public lorsque le chanteur Stromae s'est dit victime de troubles neuropsychiatriques sévères suite à la prise de ce médicament. Une action de groupe pour faire interdire le Lariam avait alors été envisagée en 2017 par l'association nationale de défense des intérêts des victimes d'accidents des médicaments (AAAVAM), qui avait alors rassemblé plus d'une centaine de témoignages dénonçant de lourds effets secondaires, mais a été abandonné faute de moyens financiers. Six années plus tard, le Lariam reste autorisé sur le marché malgré une balance bénéfice-risque largement remise en cause. Si l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) surveille de très près ce médicament et si une meilleure information sur les effets secondaires est aujourd'hui délivrée aux patients comme aux professionnels de santé, il est permis de se questionner sur le bien-fondé du maintien d'un tel médicament sur le marché, sachant qu'une trentaine de pays l'ont déjà interdit et que l'armée française proscrit la délivrance de méfloquine à ses soldats partant sur les théâtres d'opérations extérieures. Aussi, il lui demande si elle compte solliciter un nouvel avis sur l'innocuité du Lariam auprès de l'ANSM et à quelles conditions elle estime justifié son maintien sur le marché.
Réponse publiée le 15 avril 2025
Préalablement à sa commercialisation en France, toute spécialité pharmaceutique doit faire l'objet d'une Autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée soit par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), soit par la Commission européenne en application de la procédure centralisée prévue par le règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004. Quelle que soit la procédure suivie, la demande d'AMM est évaluée selon des exigences d'efficacité, de qualité et de sécurité harmonisées issues de la législation européenne, ayant comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique. En particulier, l'AMM n'est délivrée que si la balance bénéfice/risque du médicament concerné est positive, c'est-à-dire s'il est démontré que la balance entre les effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité est favorable. Cette appréciation de la balance bénéfice/risque est effectuée au vu des éléments du dossier déposé par l'industriel auprès des autorités sanitaires, compte tenu des connaissances scientifiques disponibles tant sur le produit concerné que sur sa substance active ou encore sur la pathologie pour laquelle son indication est revendiquée. Par ailleurs, après avoir obtenu une AMM, le médicament fait l'objet d'une surveillance, dans le cadre du système national de pharmacovigilance dont l'ANSM assure la mise en œuvre, afin de déceler la survenue éventuelle d'effets indésirables, permettant à l'autorité sanitaire compétente et au titulaire de l'autorisation de prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre son utilisation la plus sûre possible. Le processus de surveillance des médicaments est ainsi destiné à surveiller et à prévenir les risques d'effets indésirables, potentiels ou avérés, lorsque les médicaments sont commercialisés, en situation réelle d'utilisation. Dans ce contexte, la spécialité LARIAM 250 mg, comprimé sécable (méfloquine) fait l'objet d'une AMM depuis 1985 en France. Elle est indiquée, d'une part, dans la chimioprophylaxie du paludisme en zone d'incidence élevée de paludisme chimiorésistant et, d'autre part, dans le traitement des accès simples de paludisme, contracté en particulier en zone de résistance aux amino-4-quinoléïnes (chloroquine). Dans l'indication en prophylaxie, elle n'est remboursée qu'en Guyane française. En ce sens, la Haute autorité de santé (HAS) a émis un avis en février 2017 précisant que « le service médical rendu par LARIAM reste important dans le traitement prophylactique du paludisme des sujets assurés sociaux de Guyane non-résidents des zones impaludées et effectuant un séjour unique ou occasionnel inférieur à 3 mois en zone d'endémie palustre guyanaise ». La chimioprophylaxie par méfloquine tient en outre compte des recommandations sanitaires pour les voyageurs diffusées par Santé publique France et actualisées annuellement, détaillant les critères de choix d'un traitement préventif en fonction notamment de la durée du séjour et de la zone visitée. Le profil de tolérance de la méfloquine, lors de son utilisation en traitement prophylactique ou curatif, se caractérise notamment par la prédominance d'effets indésirables neuropsychiatriques décrits depuis de nombreuses années dans le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) destiné aux professionnels de santé et dans la notice d'information destinée aux patients, annexés à l'AMM. Il présente l'avantage d'une prise hebdomadaire, susceptible de favoriser la compliance par rapport à d'autres chimioprophylaxies et peut être utilisé chez les femmes enceintes. Afin de réduire le risque de survenue de ces effets indésirables, la méfloquine ne doit pas être utilisée en traitement prophylactique chez des patients présentant ou ayant présenté tout trouble neuropsychiatrique ou un antécédent de convulsions. En raison de ses effets indésirables qui peuvent être graves, la spécialité LARIAM fait l'objet d'une surveillance particulière par l'ANSM et d'après les recommandations sanitaires aux voyageurs émises par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) en 2023, ce médicament ne doit être envisagé qu'en dernière intention dans la chimioprophylaxie du paludisme, si le bénéfice pour le patient est jugé supérieur au risque par le médecin prescripteur. Lors de la prescription, les patients doivent être informés des effets indésirables possibles liés à la prise du médicament et de la nécessité d'arrêter immédiatement le traitement et de consulter un médecin afin que la spécialité LARIAM soit remplacée par un traitement de chimioprophylaxie alternatif en cas de survenue d'effets indésirables de types neuropsychiatriques ou de modification de l'état mental au cours du traitement. En outre, il existe des mesures de réduction des risques liés à l'utilisation de la méfloquine, comportant une brochure d'information à destination des professionnels de santé et une carte de surveillance pour le patient, incluse dans chaque boite du médicament. Ces documents, disponibles sur le site internet de l'ANSM, informent leurs destinataires des risques d'effets indésirables neuropsychiatriques potentiellement associés au traitement prophylactique du paludisme avec la méfloquine. Enfin, encore récemment, en septembre 2023, lors de la procédure d'évaluation au niveau européen du rapport périodique actualisé de sécurité de la méfloquine, le Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee ou PRAC) de l'Agence européenne des médicaments (EMA) a considéré que la balance bénéfice/risque de cette substance demeure positive. Aussi, si la chimioprophylaxie par méfloquine est à ce jour largement moins utilisée en France que l'association atovaquone/proguanil et que la doxycycline, conformément, d'une part, aux recommandations d'utilisation rappelées régulièrement par l'ANSM et, d'autre part, aux recommandations précitées du HCSP, elle garde néanmoins une place dans l'arsenal thérapeutique en cas d'impossibilité d'utiliser les autres spécialités. Enfin, elle n'a fait l'objet, dans les Etats membres de l'Union européenne ou dans les pays tiers où elle est autorisée, d'aucun retrait de son AMM pour des raisons de sécurité.
Auteur : M. Aurélien Saintoul
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 15 avril 2025