Question écrite n° 5455 :
Marchés des engrais

17e Législature

Question de : M. Hubert Brigand
Côte-d'Or (4e circonscription) - Droite Républicaine

M. Hubert Brigand attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les incohérences et les dangers de sanctions non adaptées sur le marché des engrais. En effet, ce marché, connaît une forte volatilité résultant du faible nombre d'acteurs économiques, des crises géopolitiques et des tensions sur les marchés de l'énergie. L'agriculture est un secteur stratégique pour la sécurité et la résilience en Europe. Il en a toujours été ainsi et la Commission européenne l'a récemment réaffirmé. Elle reste un secteur vital pour l'avenir de l'Union européenne car elle garantit la sécurité alimentaire, le développement rural, la stabilité économique et pèse significativement dans les exportations européennes. Les engrais minéraux, en apportant aux cultures les éléments nutritifs indispensables à leur croissance, sont essentiels pour sécuriser la production agricole à la fois en quantité et en qualité et représentent le premier poste de charges variables supportées par les agriculteurs. Depuis 2022 et le déclenchement de la guerre en Ukraine, la position officielle de l'UE a été de traiter à part le marché des engrais contre toute forme de sanctions et d'interdictions. Toutefois, la campagne d'influence menée par certains producteurs d'engrais européens a déclenché des discussions sur les restrictions des importations d'engrais russes dans l'UE et la Commission européenne a proposé le 28 janvier 2025 une forte augmentation des droits de douane sur les engrais azotés (engrais contenant de l'azote) en provenance de Russie et Biélorussie. La politique actuelle conduit à maintenir le soutien à l'Ukraine en sanctionnant plus durement la Russie et les représentants de la filière agricole partagent pleinement cette politique mais ils estiment qu'il est capital que la réflexion sur les sanctions se confronte à la réalité. La Russie est un acteur historique dans les importations d'engrais azotés de l'UE et la suppression de ses volumes, sans compensation, aura malheureusement une incidence sur l'accessibilité économique des engrais pour les agriculteurs européens et une conséquence insoutenable pour leur coût de production. Depuis plusieurs années, les capacités de production d'engrais azotés de l'Europe n'ont fait que décroitre et cette production est aujourd'hui concentrée autour d'une dizaine d'acteurs. Face à cela, les acteurs de la distribution ont compensé le manque de volume dans l'UE par des importations. Cette dépendance met en évidence les fragilités de l'agriculture nationale en matière de fertilisation et la nécessité de mettre enfin en œuvre un véritable plan de reconquête de notre souveraineté en engrais au niveau européen. L'Europe ne dispose pas aujourd'hui des ressources énergétiques et minières qui seraient nécessaires pour assurer sa souveraineté en engrais. Les importations de gaz ou d'ammoniac dépendent de pays tiers et sont soumises à la géopolitique. Dans ce contexte et à la suite du choc du prix du gaz de 2022, l'UE a diversifié ses sources d'approvisionnement dans une logique pragmatique de diminution de sa dépendance. Cette logique doit, selon le secteur agricole, s'appliquer à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement des engrais azotés. Face à ces réalités et à la volonté d'appliquer des restrictions à l'importation en provenance de la Russie, une évidence semble se dégager : l'Europe devrait dans un premier temps faciliter l'accès aux engrais azotés en provenance d'autres zones de production (Amérique du Nord, Moyen-Orient, Afrique). C'est pourquoi les représentants des agriculteurs demandent dès le 1er juillet 2025, d'une part, la suppression des mesures anti dumping imposées sur les importations de mélanges d'urée et de nitrate d'ammonium (UAN) originaires de Trinité-et- Tobago et des États-Unis d'Amérique d'Amérique (règlement (UE) 2019/1688). Ces taxes sont comprises entre 22 et 29 euros/t. D'autre part, de n'appliquer des restrictions sur les engrais azotés en provenance de Russie qu'à la condition de suspendre pour une longue période les droits conventionnels de 6.5 % sur les importations d'urée, d'UAN, de DAP, de MAP, de NPK (codes NC 3102 10, 3102 80, 3105 30, 3105 40, 31 et 3105 20) en provenance des pays tiers hors Russie et Biélorussie. La disposition prévue par la Commission européenne selon laquelle elle pourra prendre cette mesure de suspension en fonction de l'évolution des prix n'aura pas d'effets, comme l'a démontré la mesure de décembre 2022. Dans un marché international d'évolution rapide des prix, la mesure arrivera trop tard pour éviter l'impact d'une crise du marché des engrais sur les agriculteurs européens, notamment français. Par ailleurs, la simple publication de la communication de la Commission européenne sur l'imposition de droit de douane dès le 1er juillet 2025 a déjà créé des tensions sur les marchés avec une hausse des prix de la solution azotée de plus de 10 %, accompagnée d'incertitudes sur la disponibilité d'engrais, non seulement très pénalisante pour les agriculteurs, mais aussi économiquement risquée pour les coopératives et les négociants agricoles, comme pour les autres acteurs de la distribution d'engrais. Or l'absence d'étude d'impact de cette proposition néglige ses effets contreproductifs, en matière de sécurité alimentaire et de fertilité des sols. La nécessité d'une telle étude est pourtant régulièrement rappelée par la Commission ou les colégislateurs. C'est pourquoi il lui demande si elle envisage une annonce de modification de la proposition de la Commission européenne ou des colégislateurs pour reporter la mise en œuvre de droit de douane au 1er juillet 2026 afin de pouvoir réaliser cette étude et adapter le règlement, donner de la prévisibilité aux acteurs et favoriser une stabilité du marché.

Données clés

Auteur : M. Hubert Brigand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Date :
Question publiée le 1er avril 2025

partager