Question au Gouvernement n° 549 :
Relations avec les États-Unis

17e Législature

Question de : M. Bruno Fuchs
Haut-Rhin (6e circonscription) - Les Démocrates

Question posée en séance, et publiée le 2 avril 2025


RELATIONS AVEC LES ÉTATS-UNIS

Mme la présidente . La parole est à M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs . Les États-Unis sont certainement en train de basculer dans une nouvelle forme de gouvernance. En écrivant que « ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n'est pas l'extrême liberté qui y règne, c'est le peu de garantie qu'on y trouve contre la tyrannie », Alexis de Tocqueville avait déjà identifié une faiblesse dans les contre-pouvoirs de cette démocratie.

Avec mes collègues Franck Riester et Nathalie Oziol, nous avons mené une mission à Washington au nom de la commission des affaires étrangères. Avec une grande franchise, nos interlocuteurs, proches de l'administration Trump, nous ont confié qu'ils nous considéraient au mieux comme des concurrents, plus souvent comme des adversaires. Tout est fait, à présent, pour nous déstabiliser et nous affaiblir : par des droits de douane, dont une nouvelle salve devrait être annoncée demain ; par la volonté d'expansion vers le Groenland, le Canada ou le canal de Panama ; par le soutien très manifeste apporté à la Russie de Poutine dans les négociations de cessez-le-feu avec l'Ukraine.

Plus que l'usage systématique du rapport de force, c'est la dérive vers une gouvernance autoritaire qui doit nous interpeller et nous faire réagir. Washington, selon ce que nous avons pu constater, se trouve en état de sidération. Des méthodes brutales ont provoqué un climat de peur : la peur de perdre son emploi, un contrat ou une subvention. S'y ajoute la dévitalisation de l'État de droit, avec des attaques frontales menées contre les juges, alors que 135 procédures judiciaires sont engagées contre l'administration Trump.

Enfin, nos valeurs et notre identité sont à présent menacées, notamment dans le courrier reçu par plusieurs entreprises françaises leur demandant de renoncer à leurs politiques de diversité et d'inclusion.

M. Olivier Faure . C'est inacceptable !

M. Bruno Fuchs . Il s'agit d'une ingérence et d'une atteinte inacceptable à notre souveraineté, ainsi que d'une attaque directe contre notre modèle républicain. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.) Ce modèle défend les libertés publiques et l'égalité des chances, et lutte contre le racisme et le sexisme. Monsieur le ministre, quelle réponse la France entend-elle apporter à ces attaques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . Je vous remercie de vous être déplacé aux États-Unis, en compagnie de Franck Riester et de Nathalie Oziol, pour porter la voix de la France. J'étais pour ma part en Chine, avec des parlementaires, où nous avons franchi une étape importante vers le règlement du différend qui nous oppose au gouvernement chinois à propos des cognacs et des armagnacs – un dossier sur lequel, avec la ministre de l'agriculture et le ministre de l'économie, nous sommes pleinement mobilisés, sous l'autorité du premier ministre.

S'agissant des aspects commerciaux, je souhaite vivement, comme vous, que les États-Unis puissent réexaminer leur décision d'appliquer demain des droits de douane contre l'ensemble de leurs partenaires. D'abord, parce que ces droits de douane constituent un impôt sur les classes moyennes : s'ils venaient à être appliqués, la classe moyenne américaine verrait son plein d'essence et son panier de courses se renchérir ; elle s'appauvrirait.

Ensuite, parce que l'économie américaine a un besoin vital de l'économie européenne.

M. Christophe Blanchet . Eh oui !

M. Jean-Noël Barrot, ministre . Les Gafam réalisent 25 % de leurs revenus en Europe, soit plusieurs centaines de milliards d'euros chaque année. Les pays de la zone euro financent l'économie américaine ainsi que son déficit public à hauteur de 3 000 milliards d'euros, net des investissements américains en Europe. C'est l'équivalent…

M. Philippe Lottiaux . De la dette française !

M. Jean-Noël Barrot, ministre . …du PIB français.

Enfin, si les États-Unis appliquaient de tels droits de douane, la Commission européenne n'aurait d'autre choix que de répliquer, en mobilisant tous les outils de dissuasion à sa disposition, en particulier le puissant instrument anticoercition qui lui permet de taxer non seulement les importations et les exportations, mais aussi de restreindre l'accès aux marchés publics européens ainsi qu'aux services numériques et financiers. Ces mesures très puissantes, personne n'y a intérêt. C'est pourquoi, dans nos échanges avec l'administration américaine, nous privilégierons toujours la coopération à la confrontation. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Bruno Fuchs

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 avril 2025

partager