Question écrite n° 5522 :
Recrudescence du narcotrafic dans le Nord-Franche-Comté

17e Législature

Question de : M. Matthieu Bloch
Doubs (3e circonscription) - UDR

M. Matthieu Bloch attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, au sujet de la recrudescence préoccupante du narcotrafic dans le pays de Montbéliard et, plus largement, dans le Nord-Franche-Comté. Ce fléau, qui gangrène le territoire depuis plusieurs années, prend une ampleur alarmante, comme en témoignent les données récentes : en l'espace d'un an, le nombre de procédures judiciaires ouvertes pour trafic a crû de 60 %, tandis que les contraventions pour consommation ont progressé de 127 %. Certains quartiers, à l'instar de la Petite Hollande à Montbéliard, des Buis à Valentigney, des Champs Montant à Audincourt ou encore de la place Cuvier à Bethoncourt, sont devenus des foyers de ce commerce illicite, instaurant un climat de peur et de silence parmi leurs habitants. L'omerta y règne, contraignant nombre de riverains à taire leur inquiétude, de crainte de représailles. Plusieurs témoignages indiquent que ces trafics s'organisent autour de réseaux structurés, qui recrutent de jeunes habitants afin d'assurer l'écoulement des substances prohibées. En outre, le phénomène ne se cantonne plus aux centres urbains : il s'étend désormais aux communes de moindre envergure, où les trafiquants semblent rechercher davantage de discrétion. Ainsi, à Bethoncourt, trois dealers ont été interpellés en mars dernier. Certains élus locaux, à l'image du maire de cette commune, alertent sur les facteurs socio-économiques qui favorisent l'essor de ces réseaux, notamment la précarité et la fragilité de certains foyers monoparentaux, qui rendent les jeunes particulièrement vulnérables aux tentations d'un gain facile. Face à cette situation préoccupante, M. le député souhaite connaître les mesures, en complément de la future loi relative à la lutte contre le narcotrafic, ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin d'intensifier la lutte contre ces réseaux criminels et assurer une protection renforcée aux habitants des quartiers touchés. Il demande si un renforcement des effectifs policiers est envisagé sur ces territoires et si des dispositifs spécifiques seront déployés pour briser l'omerta et accompagner les populations les plus exposées à ce fléau.

Réponse publiée le 24 juin 2025

La lutte contre le narcotrafic est une priorité du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Les trafics de stupéfiants s'ancrent désormais sur l'ensemble du territoire national, dans les grandes villes comme dans les campagnes. Ce phénomène, qui traduit un développement et des modifications dans les circuits de distribution, a engendré une extension des trafics depuis les secteurs urbains vers les zones péri-urbaines et rurales. Dans les départements de l'ex Franche-Comté comme sur tout le territoire national, la lutte contre le trafic de stupéfiants et contre la criminalité organisée constitue une priorité pour la gendarmerie et pour la police nationales, dont l'action passe notamment par une présence de voie publique (PVP) accrue. Son efficacité repose d'abord sur son effet dissuasif permanent : la visibilité des patrouilles dans l'espace public complique l'installation et le développement des trafics. La présence de réseaux criminels implantés localement est observée en Franche-Comté, avec une prééminence des trafics de produits stupéfiants. En effet, cette région possède de fortes interactions avec d'autres zones de délinquance (Lyon, Grenoble, Nancy, Paris) mais également avec les pays limitrophes via les grands axes routiers (A36, A39) qui structurent la zone. La Franche-Comté est ainsi un point de passage des produits stupéfiants via son réseau d'autoroutes vers les pays frontaliers (Suisse, Allemagne) ou de l'Europe de l'Est (Pologne, Autriche, Slovaquie). L'évolution de la situation des trafics dans le bassin Franc-Comtois fait l'objet d'une attention particulière des forces de l'ordre. La lutte contre les stupéfiants et l'économie souterraine est la première priorité du plan d'action départemental de restauration de la sécurité du quotidien du département du Doubs. Plus de 550 amendes forfaitaires délictuelles stupéfiants ont par exemple été dressées par les forces de l'ordre au cours des 4 premiers mois de 2025. Plus de 60 opérations de lutte visant au démantèlement de points de deal ont été menées au cours de ces mêmes 4 premiers mois dans le Doubs - principalement à Besançon et Audincourt -, permettant près de 50 gardes à vue et d'importantes saisies (33 000 € d'avoirs criminels, 7,9 kg de résine de cannabis, etc.). La mobilisation se poursuit pour lutter contre les points de deal, et notamment pour combattre les tendances à l'« ubérisation » du trafic en accentuant la dimension cyber de l'action des forces de l'ordre. En zone police, marquée par les trafics de stupéfiants - notamment dans la circonscription de police de Montbéliard-Héricourt - et par la délinquance de voie publique qui l'accompagne, la lutte contre les stupéfiants fait l'objet d'un engagement total des services de la direction interdépartementale de la police nationale (DIPN). Les faits constatés par la police nationale en matière de lutte contre les trafics et la consommation dans le Doubs sont en hausse de 16 % en 2024 par comparaison avec 2023. Au cours de cette même période, le nombre d'amendes forfaitaires délictuelles dressées par la police nationale est passé de 636 à 958, soit + 52 % ; témoignant de la pression mise sur les consommateurs. À titre d'exemple, 11 opérations de démantèlement des points de deal ont été menées en 2024 dans le quartier de La Petite Hollande de Montbéliard. Dans la circonscription de police de Besançon, une action déterminée est menée en application du plan d'action départemental de restauration de la sécurité du quotidien : travail de démantèlement en profondeur les filières, mobilisation de l'ensemble des leviers dont disposent les préfets et les forces de l'ordre, occupation durable du territoire. De février 2025 à fin mai 2025 par exemple, les opérations menées par la police nationale à Besançon ont permis 415 interpellations, 214 gardes à vue et de nombreuses saisies (17 kg de cannabis, 4,3 kg d'héroïne, 9 armes à feu, 46 000 € d'avoirs criminels en espèces, etc.). Elles ont également abouti au contrôle de plusieurs commerces. Au cours de cette même période, 5 opérations spécifiques ont déjà été menées dans les transports en commun à Besançon. L'action de la gendarmerie en matière de lutte contre les stupéfiants dans le département du Doubs a permis d'obtenir des résultats probants avec 125 mis en cause durant la seule année 2024 (Index 55 et 56 état 4001) dont 94 trafiquants contre 61 en 2023 (+54.1%). Plus largement, 5 117 verbalisations (+12 % par rapport à 2023) pour usage illicite de stupéfiants ont été dressées en région Bourgogne-Franche-Comté, dont 3 433 amendes forfaitaires délictuelles (+18%) en 2024. Pour exemple, dans le secteur du pays de Montbéliard mentionné, dès janvier 2025, les militaires de la brigade de recherches de Montbéliard ont réussi à démanteler un trafic de stupéfiants Place Cuvier à Bethoncourt (ZGN) en mars 2025, après de nombreuses surveillances. Deux phases d'interpellations ont conduit à la condamnation et à l'incarcération de trois trafiquants et de dix-sept consommateurs, ainsi qu'à la saisie de 312 grammes d'héroïne, 117 grammes de cocaïne, 272 grammes de cannabis et 9 191 euros en numéraire. Dans la même logique, l'action du groupement de gendarmerie du Doubs (GGD 25) sur l'arrondissement de Montbéliard s'est traduite par 51 opérations anti-délinquance axées sur le trafic de stupéfiants en 2024 dont 28 avec appui d'équipes cynophiles, dont une vaste opération place nette les 9 et 10 avril 2024. Dans la zone de compétence de la gendarmerie nationale dans le Doubs, en 2024, la quantité des saisies de produits illicites est en augmentation, avec 21 opérations de police judiciaires visant particulièrement la vente de produits stupéfiants sur la voie publique qui ont abouti au démantèlement de 10 points de deal ainsi que la saisie de : 6,8 kg de cocaïne, 2,2 kg d'ecstasy, 280 grammes d'héroïne, 817 kg de résine de cannabis et 813 pieds de cannabis. Durant la période 833 000 euros ont été saisis (+152 % par rapport à 2023) pour les seules infractions à la législation sur les stupéfiants sur les 4 millions d'euros d'avoirs criminels captés (+20 % par rapport à 2023) par les gendarmes du Doubs. En outre, le GGD 25 a saisi depuis le début de l'année 2025 pour plus de 173 000 euros d'avoirs criminels dans le seul domaine du trafic de stupéfiants sur près de 5 millions pour l'ensemble des infractions constatées. La gendarmerie départementale du Doubs entretient un engagement continu sur le haut du spectre de la criminalité. Comme en mars 2023, agissant sur la base d'un renseignement, les enquêteurs de la section de recherches de Besançon ouvrent une enquête préliminaire sur les agissements d'un groupe d'individus impliqués dans un trafic de stupéfiants centré sur le quartier de Montrapon mais s'étendant à l'ensemble de l'agglomération bisontine (ZPN) et sa périphérie proche (ZGN). En juillet et décembre 2024, plusieurs opérations sont déclenchées. Au total, 9 personnes sont placées en garde à vue. Les perquisitions permettent la saisie de deux armes de poing volées et approvisionnées ainsi qu'un gilet pare-balles modèle Police-Gendarmerie. Au titre des avoirs criminels, 6 véhicules, 3 motos, 4 scooters (valeur 139 500 euros), 93 170 euros en numéraire, 38 000 euros sur les comptes bancaires, 1 appartement (120 000 euros) ainsi que divers produits de luxe (valeur 24 200 euros) sont captés, soit un total de 414 870 euros. Cette attention de la section de recherches concerne également le nord du département. Enfin, la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic constitue une avancée majeure dans la lutte contre la criminalité organisée avec une approche transverse. Ses dispositions permettent de renforcer l'arsenal législatif et opérationnel contre le narcotrafic, en ciblant à la fois les trafiquants, leurs réseaux et leurs avoirs criminels. Cette loi a été définitivement adoptée le 29 avril 2025. 

Données clés

Auteur : M. Matthieu Bloch

Type de question : Question écrite

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 1er avril 2025
Réponse publiée le 24 juin 2025

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