Question écrite n° 5594 :
Situation alarmante des personnes souffrant d'algie vasculaire de la face (AVF)

17e Législature

Question de : Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Karen Erodi attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap, sur la situation insoutenable vécue par les personnes atteintes d'algie vasculaire de la face (AVF), notamment dans ses formes chroniques, sévères et réfractaires aux traitements et sur l'inaction politique persistante pour encadrer légalement cette pathologie et la reconnaître comme cause de handicap à part entière. L'AVF est une maladie neurologique extrêmement invalidante, provoquant une douleur incommensurable. Elle est surnommée, y compris par les médecins et autres spécialistes, la « céphalée du suicide », tant la souffrance ressentie dépasse tout seuil tolérable. Le 24 février 2020, une synthèse d'études médicales et de témoignages de patients relayée par plusieurs médias scientifiques, dont Science et Avenir, et France Inter l'a classée comme la douleur la plus intense jamais mesurée chez l'être humain, sur la base de l'échelle de douleur McGill (McGill Pain Index). Elle concerne pourtant environ 120 000 personnes en France, un chiffre bien plus élevé qu'on ne le pense, mais ces malades vivent dans une invisibilité complète. La douleur d'une crise d'AVF est insoutenable, brutale, profonde, souvent nocturne, avec une fréquence qui peut atteindre jusqu'à quinze épisodes par jour. Ces douleurs sont réfractaires aux traitements classiques. Certains médicaments existent (comme les anti- peptide relié au gène calcitonine - CGRP - Emgality en tête) mais ne sont pas remboursés, malgré leur efficacité reconnue à l'étranger. Les soins disponibles (oxygénothérapie, injections, hospitalisations, parfois chirurgie) sont coûteux et peu accessibles, surtout lorsque la maladie n'est pas reconnue officiellement. Or aujourd'hui, ni les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ni la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) ne reconnaissent l'AVF comme maladie incapacitante ouvrant droit de manière systématique à une prise en charge au titre d'une affection de longue durée (ALD), ou à l'allocation adulte handicapé (AAH). Ce manque cruel de reconnaissance, qui varie de département en département, plonge des milliers de malades dans l'errance médicale, l'isolement, la précarité, la souffrance psychique et parfois même la mort. Récemment, un patient s'est suicidé, faute de prise en charge adaptée. Et il ne s'agit malheureusement pas d'un cas isolé, tant les suicides sont nombreux. Mme la députée souhaite ici porter à l'attention du Gouvernement le cas d'une patiente atteinte d'AVF chronique sévère doublée de migraine chronique résistante. Cette mère célibataire de deux enfants est en rupture de droits, sans aucun revenu depuis janvier, car dans l'incapacité totale de reprendre une activité professionnelle. Elle endure jusqu'à six crises par jour, principalement la nuit, ce qui la prive de tout sommeil réparateur. Elle ne peut marcher plus de quinze minutes sans déclencher une attaque. Elle a tenté de mettre fin à ses jours. Aujourd'hui, elle vit dans une profonde précarité, tant financière que sociale, abandonnée par les dispositifs censés protéger les plus vulnérables. Sa demande d'AAH est en cours, mais au vu des réponses systématiquement négatives adressées à d'autres malades dans la même situation, le rejet semble inévitable. Sa demande d'ALD a été refusée. Elle lutte toujours, mais s'épuise. Ce cas n'est pas isolé : partout en France, des patients souffrent en silence, parfois sans diagnostic, souvent sans traitement adéquat et quasiment toujours sans reconnaissance du caractère handicapant de leur pathologie. Il est inacceptable que dans un pays comme la France, des personnes vivent dans la douleur constante, sans aucune protection, parce que leur maladie est invisible et incomprise. Les services de neurologie, déjà saturés, refusent parfois l'hospitalisation de ces malades faute de reconnaissance officielle de la gravité de leur situation. Les MDPH, par manque d'information ou de directives claires, traitent les dossiers avec une grande hétérogénéité, laissant les patients à la merci d'une certaine dose d'arbitraire. Cette injustice est profondément inacceptable. À cela s'ajoute un manque total d'investissements dans la recherche publique sur l'AVF, un manque de formation criant des médecins sur cette pathologie rare, une absence de politique nationale de reconnaissance du handicap invisible et le refus de la prise en charge de traitements efficaces et validés dans presque tous les pays européens. Les dossiers refusés sont la norme et les malades doivent sans cesse « prouver » leur souffrance invisible. Il y a là un véritable vide juridique et médical qui laisse ces personnes sans recours et donc sans avenir. Mme la députée s'interroge avec gravité : qu'attend le Gouvernement pour légiférer et inscrire l'AVF dans le code de la sécurité sociale et dans le code de l'action sociale et des familles comme une cause juridique de reconnaissance du handicap ? Pourquoi cette pathologie, reconnue médicalement comme l'une des plus invalidantes, n'est-elle toujours pas intégrée à la liste des ALD (ALD 30) de manière systématique ? Pourquoi n'est-elle pas identifiée comme ouvrant droit, de façon automatique et nationale, à des aides sociales telles que l'AAH ou la pension d'invalidité ? Pourquoi les traitements innovants comme l'Emgality (anti-CGRP), pourtant utilisés dans 23 pays européens, sont-ils toujours non remboursés en France ? Pourquoi n'y a-t-il aucune politique nationale de soutien psychologique, d'accompagnement social ou de sensibilisation autour de cette maladie ? Les patients atteints d'AVF sont aujourd'hui les grands oubliés du système de santé et du droit social. Hyper-handicapés, mais jamais reconnus comme tels, ils vivent une double peine : la douleur extrême et le déni institutionnel. Ce silence administratif et cette indifférence politique coûtent des vies. Il faut agir. Elle lui demande ce qu'elle compte faire à ce sujet.

Données clés

Auteur : Mme Karen Erodi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Maladies

Ministère interrogé : Autonomie et handicap

Ministère répondant : Autonomie et handicap

Date :
Question publiée le 1er avril 2025

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