Difficultés d'accès au livre des personnes aveugles
Question de :
M. Thibault Bazin
Meurthe-et-Moselle (4e circonscription) - Droite Républicaine
M. Thibault Bazin attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap, sur les difficultés d'accès au livre des personnes aveugles. S'il convient de saluer l'action du Centre de transcription et d'édition en braille (CTEB) qui a permis de proposer les livres brailles au même prix que les prix classiques, cette dernière doit être davantage soutenue. En effet, cet ajustement tarifaire n'est aujourd'hui financé que sur les fonds propres de l'association. Une telle situation n'apparaît pas financièrement viable sur le long terme. Dès lors, il lui demande de bien vouloir lui exposer les solutions qu'elle envisage pour soutenir financièrement l'édition de livres brailles. Il s'agit d'une question d'égalité dans l'accès à la culture.
Réponse publiée le 25 février 2025
Le Gouvernement œuvre pour favoriser l'augmentation de l'offre de lecture accessible et adaptée, à un moment où une profonde transformation va faciliter l'accès à la lecture des personnes en situation de handicap. Jusqu'à présent, leur accès aux livres devait principalement passer par l'adaptation de documents réalisée par des organismes transcripteurs, en application de l'exception au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées. C'est dans ce cadre que travaillent le Centre de transcription et d'édition en braille (CTEB) et d'autres organismes pour produire des livres adaptés, notamment en braille papier. Dorénavant, à côté de ce processus d'adaptation de documents, qui va demeurer, se développe une nouvelle offre de lecture, avec le livre numérique nativement accessible, conçu pour être diffusé auprès du grand public ainsi qu'auprès des personnes présentant des difficultés d'accès aux livres, dans une logique de conception universelle. Grâce aux progrès techniques (structuration du fichier numérique ; synthèse vocale ; possibilité de modifier la taille des caractères ou l'interlignage ; reconnaissance automatique des formes pour la description d'images), le livre numérique offrira un large éventail de fonctionnalités d'accessibilité, afin de répondre à un grand nombre de besoins et d'usages pour les personnes handicapées. Le développement de la lecture des personnes handicapées dépasse donc l'avenir du seul livre en braille, et doit penser de façon globale le livre nativement accessible et le livre adapté. L'État a donc adopté une stratégie nationale articulée autour de trois objectifs, complémentaires. Le premier vise à favoriser le développement du livre numérique nativement accessible, processus qui devrait, dans les prochaines années, entraîner une diminution du besoin de documents adaptés. À compter du 28 juin 2025, les éditeurs auront l'obligation légale de publier leurs nouveautés numériques dans un format nativement accessible ; ils devront rendre accessibles, avant le 28 juin 2030, tous leurs livres numériques publiés avant le 28 juin 2025 et toujours disponibles dans le commerce. Ainsi, dès l'année prochaine, un grand nombre de romans seront édités dans un format numérique nativement accessible. Les personnes handicapées pourront donc les acheter auprès des détaillants de livres numériques, sans retard et au prix public, ou les emprunter en bibliothèque. L'action du Gouvernement vise à accompagner l'ensemble des professionnels dans la mise en accessibilité effective des chaînes de vente et de prêt de livres numériques, notamment les développements informatiques nécessaires pour l'accessibilité des contenus et des outils afférents. La réussite de ce chantier implique les éditeurs, mais aussi les fabricants de logiciels et d'appareils de lecture, les libraires, les bibliothécaires et les éditeurs de plateformes de vente ou de prêt de livres numériques. Néanmoins, s'il est susceptible de réduire le besoin d'adaptation de livres non accessibles, le livre numérique ne supplantera pas totalement l'adaptation de livres. Les deux modes de lecture coexisteront. Pour plusieurs raisons : des personnes pourront souhaiter avoir accès à des livres anciens, qui ne sont plus commercialisés et donc introuvables dans un format nativement numérique. Par ailleurs, l'obligation de produire en nativement accessible à partir de juin 2025 ne s'imposera pas aux microentreprises ni aux livres dont la mise en accessibilité représenterait une modification fondamentale ou une charge disproportionnée (livres à maquette complexe, mêlant textes, images, graphiques) : l'adaptation demeurera dès lors la seule solution pour rendre ces livres accessibles. Afin de relever cet enjeu, les organismes adaptateurs devront moderniser les modes de production et faire monter en compétences leurs équipes. Le Gouvernement a confié à l'Institut national des jeunes aveugles le soin de penser, d'ici 2025, cette modernisation de la filière d'adaptation. Elle devra proposer un modèle économique compatible avec le secteur commercial du livre nativement accessible, viable pour ces organismes, soutenable pour les finances publiques et qui s'appuie sur l'outil national que l'État développe. Cette réflexion collective associe les organismes adaptateurs, dont le CTEB, qui peut présenter dans ce cadre ses attentes et ses propositions. En effet, c'est le troisième objectif, le Gouvernement construit un outil national qui a vocation à jouer un rôle central dans l'accès au livre pour les personnes empêchées de lire en raison d'un handicap. Il s'agit du portail national de l'édition accessible et adaptée, qui ouvrira au public à l'automne 2027 et dont la réalisation est confiée à la Bibliothèque nationale de France. Cette plateforme numérique offrira trois services aux usagers. Un catalogue, accessible à tous, recensera tous les livres, qu'ils soient nativement accessibles, donc disponibles dans le commerce ou en bibliothèque, ou qu'ils aient été adaptés ; ce catalogue permettra donc de repérer les livres en braille papier produits par le CTEB et d'autres organismes. Par ailleurs, une bibliothèque numérique, accessible aux seules personnes handicapées et à leurs accompagnants, rassemblera tous les fichiers numériques des adaptations réalisées par les organismes adaptateurs. Enfin, lorsque l'ouvrage recherché ne sera pas disponible dans un format accessible, soit nativement soit après adaptation, l'usager pourra déposer sur le portail une demande d'adaptation, dont le traitement sera confié à un organisme adaptateur, selon des conditions à préciser. La réussite de cet outil imposera un important effort de médiation, pour que la barrière numérique ne s'ajoute pas à celle du handicap. Cette médiation sera assurée en ligne, mais aussi en proximité, par les associations de personnes handicapées, par les organismes adaptateurs, par les bibliothèques territoriales et universitaires, par les centres de documentation des établissements d'enseignement.
Auteur : M. Thibault Bazin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Presse et livres
Ministère interrogé : Personnes en situation de handicap
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 25 février 2025