Réduire la pression de la filière bois-énergie sur les ressources forestières
Question de :
Mme Sophia Chikirou
Paris (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Sophia Chikirou appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la nécessité urgente de réduire la pression exercée par la filière bois-énergie sur les forêts françaises, en révisant en profondeur les politiques de soutien au chauffage au bois. Alors que la transition énergétique impose une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre, le recours massif au bois comme source d'énergie soulève de vives inquiétudes tant du point de vue sanitaire qu'écologique et climatique. Présenté à tort comme une alternative écologique aux énergies fossiles, le bois énergie (qu'il soit issu de coupes d'arbres entiers, de plaquettes forestières ou de déchets de scierie) est en réalité un mode de production énergétique carboné fortement émetteur de gaz à effet de serre et de polluants. Selon Santé publique France, la pollution de l'air est responsable de 40 000 décès prématurés par an en France, dont 6 000 en Île-de-France. Dans cette région déjà soumise à une forte densité de population et à des niveaux critiques de pollution, le chauffage au bois est désormais la première source d'émissions de particules fines (PM2.5), responsables de pathologies cardiovasculaires, respiratoires, cancéreuses et périnatales. Selon Airparif, il représente à lui seul 95 % des émissions issues du chauffage domestique. Outre ses effets sur la santé publique, le bois énergie compromet les objectifs climatiques de la France. Contrairement à une idée reçue, il ne s'agit pas d'une énergie « neutre en carbone ». Pour une même quantité d'énergie produite, la combustion du bois émet environ deux fois plus de CO2 que celle du gaz naturel. Le carbone ainsi relâché dans l'atmosphère ne sera réabsorbé qu'au bout de plusieurs décennies, le temps que les arbres repoussent, un délai incompatible avec l'urgence climatique. Ce constat est partagé par de nombreux chercheurs, institutions scientifiques et ONG, en France comme à l'international. En 2021, cinq cent scientifiques alertaient déjà l'Union européenne sur le fait que le recours à la biomasse forestière allait à l'encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, le développement du bois énergie exerce une pression croissante sur les ressources forestières. En Île-de-France, l'essentiel du bois récolté est désormais destiné à la combustion, au détriment des usages à longue durée de vie tels que la construction ou la fabrication de matériaux stockant durablement le carbone. Cette évolution est aggravée par le déclin des industries locales de transformation (scieries, menuiseries etc.), remplacées par des chaufferies collectives ou industrielles à bois, de plus en plus nombreuses (134 en fonctionnement en 2022). La récolte locale en bois énergie ne couvre que 16 % de la consommation régionale, le reste étant importé de régions voisines ou de l'étranger, parfois via des chaînes logistiques fortement émettrices. Ce modèle de développement met en danger l'équilibre écologique des forêts : coupes rases, exploitation anticipée, passage fréquent d'engins lourds, appauvrissement des sols, réduction de la biodiversité. Il compromet également la capacité de la forêt française à jouer son rôle de puits de carbone, alors même que celle-ci a déjà perdu 50 % de sa capacité de stockage au cours des quinze dernières années, en raison du réchauffement climatique, de la sécheresse, des incendies et d'une hausse des prélèvements. Face à ces constats, de nombreuses voix associatives et d'experts s'élèvent pour demander une révision complète des politiques publiques en matière de bois énergie. Plusieurs recommandations convergent : instauration de limites de prélèvement pour permettre la régénération du patrimoine forestier ; suppression des subventions à l'installation de chaudières à bois, en particulier en zone urbaine ; conditionnement de toute nouvelle installation à l'avis d'experts forestiers régionaux ; redirection des aides vers la filière bois d'œuvre et la réindustrialisation locale pour des usages durables ; soutien à des pratiques forestières plus respectueuses des écosystèmes. Elle souhaite donc savoir quelles mesures elle entend prendre pour réduire la pression exercée par la filière bois-énergie sur les forêts françaises et réorienter les fonds publics alloués au secteur de la combustion du bois vers la transformation locale du bois pour des usages à longue durée de vie, compatibles avec la préservation des écosystèmes forestiers et les objectifs climatiques de la France.
Auteur : Mme Sophia Chikirou
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Date :
Question publiée le 8 avril 2025