Absence de transparence et déséquilibre des DHG des lycées publics et privés
Question de :
M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Édouard Bénard interroge Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les modalités de répartition des moyens horaires alloués aux établissements scolaires publics et privés sous contrat avec l'État. Le 3 septembre 2024, Franceinfo a publié une enquête, menée en collaboration avec l'équipe de Complément d'enquête, relative aux disparités d'allocation de moyens entre les lycées publics et privés. Depuis 2015, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) a rendu plusieurs avis favorables quant aux demandes d'accès portant sur tous les documents relatifs aux dotations et moyens alloués aux collèges et lycées publics et privés. Elle indique que tous ces documents sont communicables à toute personne qui en ferait la demande. Malgré le positionnement sans équivoque de la CADA, le ministère de l'éducation nationale, sollicité par les journalistes de Franceinfo, a indiqué ne pas disposer de ces données de manière centralisée. Également sollicitées par les journalistes de Franceinfo, les académies ont toutes opposé un silence à cette demande en dépit des avis positifs de la CADA. Seule l'académie de La Réunion a fini par communiquer les éléments demandés après un nouvel avis positif de la CADA. Malgré l'absence de collaboration des services du ministère de l'éducation nationale, les journalistes de Franceinfo ont néanmoins réussi à obtenir le nombre d'heures par élève, appelé « H/E », de l'ensemble des établissements scolaires de l'enseignement secondaire. Afin de réaliser des comparaisons pertinentes, les journalistes n'ont conservé que les H/E des lycées de plus de 100 élèves. En effet, les établissements de moins de 100 élèves, très majoritairement privés, affichent un H/E très élevé qui fausse les comparaisons. Au niveau national, le H/E du second degré, public et privé confondus, s'élevait à 1,32 heure par élève à la rentrée 2023. D'après les calculs réalisés par les journalistes, le H/E moyen des lycées généraux et technologiques est plus élevé dans le privé sous contrat que dans le public. À la rentrée 2023, c'était le cas dans 19 des 24 académies de France continentale. À titre d'exemple, le lycée public parisien Victor Duruy dispose d'un H/E de 1,04 heure par élèves quand le lycée privée Stanislas, situé à moins de deux kilomètres, bénéficie d'un H/E de 1,16 alors même que les deux établissements sont de taille proche et présentent une composition sociale identique avec des élèves issus de familles aisées. Ramené à un effectif comparable, cela signifie que l'établissement public disposerait d'une centaine d'heures de cours hebdomadaires en moins. De fait, quand des établissements publics doivent financer des groupes de spécialité en classe de première et de terminale, cela se fait au détriment des élèves de seconde. Selon l'enquête précitée, le mécanisme de répartition de l'enveloppe de dotations consacrée à l'enseignement privé diffère de celui de l'enseignement public. Celui-ci permet à l'enseignement privé de concentrer les moyens sur les lycées privés qui constituent « leur produit d'appel » au détriment de l'enseignement primaire. À l'inverse, les moyens dédiés à l'enseignement public sont séparés en deux enveloppes, l'une pour le premier degré, la deuxième pour le secondaire. La place accordée au Secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC), qui gère 96 % des établissements privés sous contrat, dans le processus d'allocation des dotations aux différentes académies, pose question. En effet, celui-ci propose directement au ministère une répartition de la dotation par académie, puis une fois celle-ci validée par le ministère, par établissement en liaison avec les services des rectorats. Un tel niveau d'intervention du réseau de l'enseignement catholique dans le processus de répartition n'est pas sans poser de question. Ainsi, la Cour des comptes a indiqué en juin 2023, que « certains rectorats sont contraints d'accepter des ouvertures de classes proposées par le réseau catholique ou d'autres réseaux, qui leur paraissaient parfois difficilement compréhensibles ». Depuis 2015, le ministère a entamé une réflexion pour mieux intégrer les caractéristiques sociales des élèves dans la répartition des moyens, jusque-là ignorées dans l'attribution des dotations des lycées, une évolution qui ne semble pas être pleinement prise en compte dans le réseau de l'enseignement privé. Interrogé sur ce point, le Secrétariat général de l'enseignement catholique justifie et revendique les écarts de traitement entre les lycées publics et privés au nom de la pluralité de l'offre éducative. Les refus réitérés du ministère de l'éducation nationale de communiquer les chiffres nationaux de répartition des DHG entre les établissements publics et privés, ainsi que l'absence de collaboration des rectorats sur ce même sujet, maintiennent une opacité sur cette question sensible, ce qui ne permet pas de mener un débat serein. Aussi, M. le député demande à Mme la ministre de rendre accessible au public l'ensemble des données relatives à la répartition des dotations allouées aux académies pour les établissements scolaires publics et privés sous contrat, comme demandé par la CADA. Par ailleurs, il lui apparaît indispensable de réinterroger le rôle exorbitant accordé aux différents réseaux de l'enseignement privé, dont le SGEC, qui sont aujourd'hui impliqués à tous les niveaux décisionnels pour les questions relatives à l'allocation des moyens horaires attribués aux établissements scolaires privés. Enfin, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles dispositions elle entend prendre pour combler le différentiel de moyens horaires consacrés aux lycées publics comparativement aux établissements sous contrat.
Auteur : M. Édouard Bénard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement secondaire
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Date :
Question publiée le 8 avril 2025