Augmentation des délais d'attente aux urgences : un enjeu de santé publique
Question de :
M. Aurélien Dutremble
Saône-et-Loire (3e circonscription) - Rassemblement National
M. Aurélien Dutremble interroge M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur l'augmentation des temps d'attente dans les services d'urgences. Les durées de passage aux urgences ont nettement augmenté en dix ans en France. Elles se sont rallongées de 45 minutes en moyenne, selon un baromètre de la direction statistique des ministères sociaux (Drees) publié en mars 2025. Dans l'ensemble, la durée de passage aux urgences varie fortement selon les parcours des patients, mais la hausse est générale, souligne la Drees. La moitié des patients passés par un service d'urgences en 2023 y ont séjourné plus de 3 heures, contre 2 h 15 en 2013, selon ce baromètre. Les enfants et les personnes âgées sont les populations les plus importantes qui se rendent aux urgences. Mais ce sont les personnes de plus de 75 ans qui sont particulièrement concernées par ces temps de passage longs. Plus d'un tiers d'entre elles (36 %) y sont restées plus de 8 heures en 2023, contre 15 % pour la population générale et 3 % pour les enfants. Pour la Saône-et-Loire, l'Agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté est régulièrement contrainte de réguler l'accès aux urgences pour les six établissements du département, dont le centre hospitalier d'Autun. Ce phénomène est symptomatique des difficultés du système de santé, entre désertification médicale, difficulté d'accès aux soins de ville et réduction du nombre de lits d'hospitalisation. Face à ces chiffres alarmants, le Gouvernement doit agir de manière urgente et coordonnée pour éviter que la situation ne se dégrade davantage. Si aucune réponse rapide et efficace n'est mise en place, l'accès aux soins d'urgence, déjà tendu, pourrait devenir un véritable obstacle pour les Français les plus vulnérables, avec des conséquences potentiellement dramatiques en matière de santé publique, de surmortalité et d'inégalités d'accès aux soins. Le système de santé français, pourtant l'un des piliers de la société, pourrait ainsi se retrouver à bout de souffle, exposant la population à des risques de prise en charge de moins en moins efficaces et de plus en plus inégaux. Dans ce contexte, il l'interroge sur plusieurs points : quels sont les dispositifs envisagés par le Gouvernement pour répondre à l'augmentation des délais d'attente dans les services d'urgences ; quelles mesures spécifiques seront mises en place pour améliorer l'accès aux soins pour les populations vulnérables, en particulier les personnes âgées, qui sont les plus touchées par ces délais ; quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il pour réguler l'accès aux urgences et éviter que des mesures temporaires de régulation ne deviennent la norme ? Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse publiée le 2 septembre 2025
Le désengorgement des urgences est une priorité du ministère, qui s'engage à mettre en œuvre des solutions efficaces et durables pour améliorer la prise en charge des patients et réduire les temps d'attente. Pour répondre à ces défis, le ministère de la santé et de l'accès aux soins a engagé plusieurs actions. Tout d'abord, la réforme des autorisations de médecine d'urgence du 29 décembre 2023 a doté les territoires de nouveaux leviers pour construire la médecine d'urgence de demain, faire face de manière pérenne aux tensions aux urgences et à mieux tenir compte des besoins et des spécificités locales. Il est ainsi possible de réguler l'accès aux urgences pour garantir une bonne qualité de prise en charge aux patients qui en ont le plus besoin, tout en offrant à chacun une solution grâce au service d'accès aux soins (conseil médical, rendez-vous avec un professionnel de santé du territoire…). Entre 2013 et 2023, soit avant la mise en place de la réforme des autorisations et des solutions évoquées précédemment, les données publiées par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) mettent en évidence l'augmentation du temps d'attente médian aux urgences, ce qui a conduit le ministère à agir. Ce phénomène est multifactoriel et ne peut se résumer à la seule question du nombre de lits d'hospitalisation complète. Le vieillissement de la population constitue ainsi un autre facteur d'explication. En effet, comme le souligne la DREES dans la même étude, "les personnes âgées, plus souvent atteintes de plusieurs pathologies, nécessitent davantage d'investigations : 94 % des 75 ans ou plus ont fait l'objet d'au moins un acte ou d'une administration de médicament, dont des analyses biologiques (72 % de l'ensemble des patients de 75 ans ou plus), de l'imagerie (63 %), ou de l'administration de médicament (57 %) ". Concernant plus spécifiquement les personnes âgées, le dispositif "admissions directes non programmées" vise à éviter - lorsque cela est possible - le passage par les urgences avant une hospitalisation des personnes âgées de plus de 75 ans. Pour atteindre cet objectif, plusieurs outils ont été mis en place : - des lignes téléphoniques garantissant au médecin traitant ou spécialiste ou médecin d'EHPAD l'accès à un avis médical pour décider d'une admission directe dans les 48 heures ; - des financements depuis 2019 afin de structurer ces filières ; - une incitation financière pour les établissements de santé qui réalisent effectivement des admissions directes des personnes âgées de plus de 75 ans ; - un outil d'étude du potentiel d'admissions directes, basé sur le nombre de passages aux urgences suivis d'hospitalisation, mis à disposition des agences régionales de santé et des établissements de santé. En 2024, ce dispositif a permis d'éviter plus de 200 000 passages aux urgences de personnes âgées de plus de 75 ans. Mais les solutions ne peuvent s'arrêter à la porte des urgences. La réponse doit être globale, s'étendant de l'amont des urgences à leur aval. En amont, les efforts se poursuivent pour structurer une réponse adaptée et territorialisée aux besoins de soins non programmés, ces soins qui demandent de voir rapidement un médecin, sans pour autant relever de la médecine d'urgence et qui engorgent trop souvent les services hospitaliers. Il est ainsi nécessaire de rappeler les bons réflexes : d'abord appeler son médecin traitant ; s'il n'est pas disponible, consulter la cartographie en ligne recensant les structures offrant une solution sur le site www.sante.fr. En dernière intention, plutôt que de se rendre aux urgences, il est possible de recourir aux SAS, services d'accès aux soins, en composant le 15 pour qu'un professionnel de santé vous oriente vers la solution la plus pertinente, y compris un rendez-vous avec un médecin de ville si besoin. En aval, l'hôpital doit mieux s'organiser pour une prise en charge rapide "dans les étages" des patients accueillis aux urgences qui doivent être hospitalisés. Annoncée par le ministre, une mission sur l'aval des urgences sera lancée à l'automne 2025 et permettra d'identifier de nouvelles actions complémentaires permettant de fuidifier le parcours des patients. La réussite de ces efforts dépendra de l'implication de tous pour trouver, à chaque niveau, les bonnes réponses, adaptées au territoire, en garantissant partout l'accès à des soins de qualité.
Auteur : M. Aurélien Dutremble
Type de question : Question écrite
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 8 avril 2025
Réponse publiée le 2 septembre 2025