Question orale n° 57 :
Simplification des règles relatives au curage des fossés

17e Législature

Question de : M. Julien Limongi
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Julien Limongi interroge Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur un problème majeur et récurrent qui affecte le territoire : les inondations. Le département de M. le député, la Seine-et-Marne, a récemment subi des épisodes d'inondations sévères, notamment lors de l'été et en septembre 2024, qui ont causé des dégâts importants pour de nombreux habitants. Ces évènements dramatiques rappellent l'urgence d'une action concrète et coordonnée face à ce problème qui dépasse les seuls aléas météorologiques. Les inondations observées découlent certes des fortes précipitations, mais également d'une défaillance persistante dans la gestion de l'évacuation des eaux pluviales. Les fossés et les rus, essentiels pour drainer ces eaux, ne sont pas entretenus aussi souvent qu'il le faudrait. Ce manque de curage entraîne un ruissellement des eaux qui finit par envahir les voiries, les terrains agricoles et même les habitations. Ce constat n'est pas nouveau : dans le Nord et le Pas-de-Calais, des évènements similaires ont eu lieu en 2023. Face à cette situation, des décrets ont été adoptés pour accélérer le curage des fossés. Mais aujourd'hui, en Seine-et-Marne, force est de constater que les résultats sont insuffisants au vu des dégâts récents. Pourquoi cette situation persiste-t-elle ? Parce que le problème est complexe et nécessite des moyens adéquats, aussi bien réglementaires qu'humains, et une meilleure coordination entre les différents acteurs concernés. Certes, certains propriétaires manquent à leurs obligations de curage, mais cela ne suffit pas à expliquer l'ampleur du problème. La réalité, c'est que les responsabilités sont partagées entre de nombreux intervenants : les syndicats des eaux, Voies navigables de France, les collectivités locales, les structures de GEMAPI et les particuliers. Cette complexité entrave souvent l'action rapide et efficace qui serait nécessaire. De nombreux élus locaux dénoncent ce manque de clarté dans les nombreuses procédures administratives, créant une incertitude juridique qui peut nuire à l'engagement d'opérations d'entretien ou de travaux, faute de pouvoir déterminer facilement le cadre juridique applicable. Ils pointent également les délais d'instruction des demandes tout comme le dualisme entre les procédures administratives applicables en situation normale et en situation d'urgence. Ainsi, il lui demande s'il compte simplifier significativement les normes et règlements existants afin de permettre un curage des fossés et des rus efficace pour prévenir les risques de débordement et donc de ruissellement.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

CURAGE DES FOSSÉS
M. le président . La parole est à M. Julien Limongi, pour exposer sa question, no 57, relative au curage des fossés.

M. Julien Limongi . Permettez-moi de mettre en lumière un problème majeur qui affecte de nombreuses communes françaises : l’absence d'entretien des rus et des fossés. Partout, la situation est alarmante. Les causes sont multiples et bien connues : les maires n’ont plus les moyens humains nécessaires pour assurer leur entretien, faute d’employés communaux ; les riverains ne savent pas toujours ce qu'ils ont le droit de faire ; les communautés et syndicats de communes manquent aussi de moyens, tandis que la multiplication des strates administratives brouille et paralyse l’action publique. Plus grave encore, des règles kafkaïennes empêchent les agriculteurs de curer les fossés jouxtant leurs champs, malgré leur bonne volonté. Résultat ? Un désordre généralisé, des situations ubuesques et des taxes pour la Gemapi – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – acquittées sans résultats visibles.

Cet été, j’ai été témoin de tragédies modernes dans les vallées du Petit Morin et du Grand Morin. À Mélarchez, un hameau de Doue, un couple luttait pour ne pas sombrer dans le désespoir alors que l’eau leur avait tout enlevé. À Meilleray, une assistante maternelle a tout perdu : sa maison et son travail. À Sablonnières, une maison s’est effondrée, tout comme la rue en contrebas. Ces récits poignants traduisent partout le même sentiment d'abandon immense, lequel aurait été total sans la solidarité exceptionnelle des habitants, sans l’engagement admirable de certains maires et de la sous-préfecture. Nous pourrions faire tellement mieux, sans avoir à mobiliser de grands moyens, mais en procédant seulement à de petits aménagements, à des investissements raisonnables et, surtout, en nous dotant de règles pragmatiques. Celles-ci font cruellement défaut et rendent le curage des fossés quasiment impossible.

Que fait l’État ? Les maires appellent à l’aide, les élus locaux réclament une clarification des règles. J’interpelle pour ma part depuis août les deux gouvernements qui se sont succédé, sans recevoir de réponse. Un récent rapport du Sénat sur le curage des fossés et des cours d’eau relève que, face à l’incertitude réglementaire relative à leur entretien, et par crainte de contentieux en cas d'une mauvaise application de la loi sur l'eau, certains élus auraient désormais tendance à privilégier l’inaction.

Comment expliquer l'immobilisme du gouvernement ? Malheureusement, je ne m’en étonne pas. Vous êtes restés sourds aux préoccupations des Français : rien n'a été fait pour améliorer le revenu des agriculteurs, pour préserver nos territoires ou pour réduire le train de vie pharaonique de l’État. Pendant ce temps, l’insécurité grandit, l’immigration explose et vous augmentez sans vergogne les impôts de 30 à 40 milliards d’euros. On comprend pourquoi vous prenez le chemin de la censure.

Mais il vous reste vingt-quatre heures pour agir : faites quelque chose, prenez dès aujourd'hui un décret pour faciliter le curage des fossés ! C'est possible et cela constituerait un geste concret pour prévenir les prochaines inondations et protéger les villages. Madame la ministre, l'avenir de nos territoires mérite mieux que ce triste abandon.

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'énergie.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie . Votre question porte sur la simplification des normes relatives au curage des fossés mais, puisque vous avez également évoqué les inondations, permettez-moi de saluer l'engagement des élus et des services de l'État qui se sont mobilisés dans les zones concernées pour trouver des solutions.

La loi sur l'eau du 30 décembre 2006 a fixé l'objectif d'un entretien régulier des cours d'eau, afin d'assurer l'écoulement naturel des eaux et de maintenir leur bon état écologique. Toutefois, les opérations d'entretien courant des fossés ne sont pas soumises à cette loi : si l'écoulement demeure dans son état initial et que le cheminement des eaux ne se trouve pas modifié, il est possible d'effectuer de telles opérations sans accord préalable. En revanche, les opérations plus lourdes sont encadrées afin de préserver les milieux aquatiques et d'éviter leur pollution par les sédiments retirés. Le curage peut également être limité à certaines périodes de l'année pour ne pas perturber la reproduction d'espèces protégées.

D'autre part, la loi dite Gemapi du 30 décembre 2017 impose aux collectivités locales de maintenir et d'entretenir les cours d'eau et les fossés, afin de prévenir les risques d'inondation. L'action de prévention se situe à ce niveau ; elle implique parfois des démarches administratives pour obtenir des autorisations de curage et de dragage. L'entretien des cours d'eau, qui peut parfois concerner les fossés, relève également des propriétaires fonciers.

Le curage des fossés est donc à la fois du ressort des propriétaires, des collectivités et d'autres parties prenantes – chacune ayant ses propres responsabilités et objectifs. Ces différents acteurs doivent s'organiser entre eux et tel est bien notre objectif : harmoniser et simplifier leurs actions, comme vous l'appelez de vos vœux. Le gouvernement a mis en place un groupe de travail chargé de recenser les bonnes pratiques en la matière et les outils permettant de mieux comprendre la réglementation et les enjeux environnementaux. Il doit également réaliser un guide à destination des acteurs concernés – propriétaires, collectivités, services de l'État – afin de promouvoir des solutions à la fois efficaces pour prévenir les inondations et respectueuses des milieux aquatiques.

M. le président . La parole est à M. Julien Limongi.

M. Julien Limongi . Nous le constatons sur le terrain : il y a urgence à agir ! Les maires éprouvent des difficultés à déterminer ce qu'ils peuvent ou doivent faire. Il faut protéger l'environnement, je suis tout à fait d'accord, mais aussi les habitations. Parfois, nous protégeons les espèces vivant dans les cours d'eau et les fossés, mais au prix de voir ceux-ci déborder faute d'entretien et atteindre les routes, les rues et les maisons. Il faut trouver un équilibre, car la situation est critique. Je pense aux habitants des vallées du Petit Morin et du Grand Morin, dans ma circonscription, qui ont connu des désastres en plein été, dont les conséquences ont heureusement été limitées par l'action des services de l'État. De tels drames peuvent survenir de nouveau ; cela fait quatre mois que nous tirons la sonnette d'alarme, ce n'est pas normal ! Il faut agir rapidement, d'autant que certains problèmes relèvent du domaine réglementaire et pourraient être résolus par le gouvernement.

Données clés

Auteur : M. Julien Limongi

Type de question : Question orale

Rubrique : Cours d'eau, étangs et lacs

Ministère interrogé : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques

Ministère répondant : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024

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