Pour encadrer les AFD, il faut des données !
Question de :
M. Abdelkader Lahmar
Rhône (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Abdelkader Lahmar interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'usage de plus en plus systématique des amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Introduit en 2016 pour sanctionner certains délits routiers, le recours aux AFD a, depuis, été étendu à la répression de nombreux autres délits : infractions d'usage de stupéfiants, occupation illicite d'une partie commune d'immeuble collectif, vente à la sauvette, vols simples dont vols à l'étalage, introduction, détention ou usage de fusées ou d'artifices dans une enceinte sportive, etc. Actuellement, 7 AFD prévues par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) sont en cours d'expérimentation (installation en réunion sur le terrain d'autrui, abandon ou dépôt de déchets, port ou transport d'arme de catégorie D, entrave à la circulation, intrusion sur une aire de compétition et introduction de boissons alcoolisées dans une enceinte sportive). La loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés voulait même aller plus loin en autorisant les policiers municipaux à dresser eux-mêmes certaines AFD, notamment pour usage de stupéfiants, sans le concours d'un officier de police judiciaire. Cependant, par la décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, le Conseil Constitutionnel a censuré cette disposition comme méconnaissant l'article 66 de la Constitution. L'introduction de l'AFD dans le droit et l'extension permanente de son champ d'application ont été justifiées par des motifs d'allégement de la charge administrative et procédurale pour les agents de terrain et de gain d'efficacité dans l'administration de la justice et le recouvrement des amendes. Cette évolution n'en reste pas moins problématique pour de nombreuses raisons. Comme l'a souligné la Défenseure des droits en 2023, la procédure d'AFD porte une atteinte grave au droit au recours de la personne poursuivie et restreint l'accès au service public de la justice. L'institution souligne aussi le risque accru d'acharnement et de harcèlement policier attaché à ce dispositif pour certains individus ou catégories d'individus (jeunesses des quartiers populaires, militants politiques, syndicaux ou associatifs, supporters, etc.). Plus globalement, le fait qu'une condamnation avec inscription au casier judiciaire s'applique sans débat contradictoire dans le cadre d'un procès devrait rester une exception. Or c'est en train de devenir la règle pour de nombreux délits. Les tares des AFD sont donc nombreuses. Les injustices que leur généralisation engendre fragilisent les liens entre la police et la population et détériorent la qualité et la recevabilité sociale de l'action publique en matière de répression. Les associations de défense des droits humains comme les parlementaires ne comptent plus les témoignages de citoyennes et de citoyens qui ont vu leurs droits bafoués dans le cadre d'une verbalisation. Il est donc nécessaire de disposer de données exhaustives et fiables sur les AFD pour pouvoir documenter leurs effets et mieux en contrôler l'usage. Ainsi, le volume global des AFD par classe de délit, leur répartition territoriale, leur concentration éventuelle sur certains types de populations (en fonction de l'âge, du genre, de la nationalité, de la catégorie socio-professionnelle, etc.) doivent pouvoir être mesurés avec précision. Le système d'information statistique du ministère de la sécurité intérieure (SSMSI) est censé fournir ce genre de statistiques. Il apparaît cependant que ce dispositif est considérablement défaillant et lacunaire, malgré ses réformes successives. Il demande quelles mesures il compte donc prendre pour remédier à cette situation.
Auteur : M. Abdelkader Lahmar
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date :
Question publiée le 8 avril 2025