Question de : Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Géraldine Grangier interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les récentes menaces proférées par le président des États-Unis, Donald Trump, visant à imposer une taxe de 200 % sur les vins et spiritueux européens, et plus particulièrement français. Cette mesure, si elle venait à être appliquée, aurait des conséquences désastreuses sur la filière viticole, déjà fragilisée par des précédents contentieux commerciaux. Cette menace s'inscrit dans le cadre d'un différend commercial plus large entre les États-Unis et l'Union européenne, notamment lié aux taxes sur l'acier et l'aluminium. En réponse aux taxes américaines sur ces produits, l'Union européenne a envisagé d'imposer une taxe de 50 % sur le bourbon américain. En réaction, le président Trump a annoncé, le 13 mars 2025, son intention d'appliquer une taxe de 200 % sur les vins et spiritueux européens si l'Union européenne maintenait sa position. Les États-Unis constituent le premier marché d'exportation pour les vins et spiritueux français, avec des exportations atteignant 4,9 milliards d'euros en 2024, dont près de la moitié provient de la France. L'application d'une taxe de 200 % rendrait les produits français inaccessibles pour une grande partie des consommateurs américains, entraînant une chute drastique des ventes. Les précédents montrent que de telles mesures ont des effets dévastateurs : en 2019, une taxe de 25 % sur certains vins européens avait conduit à une baisse de 40 % des ventes aux États-Unis, occasionnant une perte de 500 millions d'euros pour le secteur. Les vins de Bourgogne, par exemple, verraient leurs prix s'envoler, certaines bouteilles atteignant 200 dollars, les rendant inaccessibles au marché américain. Cette situation serait d'autant plus critique que la filière viticole française a déjà subi une perte de 400 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020 en raison de précédentes taxes américaines. Au-delà des chiffres, ce sont des milliers de vignerons, de coopératives et de négociants qui seraient directement affectés. Les régions viticoles françaises, telles que la Bourgogne, la Champagne, le Bordelais ou la Vallée du Rhône, verraient leur économie locale fragilisée. Les investissements réalisés pour conquérir le marché américain pourraient être réduits à néant, mettant en péril des emplois et un savoir-faire ancestral. Les vignerons du Doubs et de la Franche-Comté, bien que moins visibles que ceux du Jura, seraient directement impactés par ces taxes prohibitives. Avec l'indication géographique protégée (IGP) "Franche-Comté" et des domaines en Haute-Saône, ces producteurs misent de plus en plus sur l'export, notamment vers les marchés premium. Une taxe de 200 % sur leurs bouteilles rendrait leurs vins inaccessibles aux importateurs américains, stoppant net une dynamique commerciale fragile. Cette perte de débouchés risquerait de freiner les investissements en modernisation et diversification, déjà rendus difficiles par la hausse des coûts de production. À terme, c'est la viabilité économique de ces exploitations qui serait menacée, accentuant le risque de disparition de ces vignobles historiques au profit d'autres régions moins pénalisées par les barrières douanières. Face à cette menace, l'US Wine Trade Alliance a recommandé à ses membres de suspendre toute importation de vins européens, craignant que les marchandises en transit ne soient soumises à ces taxes punitives. Cette anticipation montre l'ampleur de l'inquiétude et le risque réel d'une fermeture du marché américain aux vins français. Cette situation rappelle les dangers du protectionnisme et des guerres commerciales. L'histoire enseigne que de telles politiques peuvent avoir des conséquences néfastes pour toutes les parties impliquées. La loi Hawley-Smoot de 1930, qui avait augmenté les taxes sur les importations américaines, avait conduit à une escalade des représailles et aggravé la Grande dépression. Elle demande quelles mesures le gouvernement envisage pour protéger la filière viticole face à cette menace de taxe de 200 % sur les vins et spiritueux français ; si des discussions ont été engagées avec les partenaires européens pour présenter un front uni et solidaire face à cette attaque contre les intérêts économiques ; quels soutiens le gouvernement prévoit pour accompagner les producteurs et exportateurs français qui seraient affectés par cette mesure, notamment en termes d'aides financières ou de diversification vers d'autres marchés ; comment le gouvernement compte sensibiliser les autorités américaines aux conséquences négatives de cette taxe, tant pour les producteurs français que pour les consommateurs américains, qui verraient les prix augmenter significativement ; et, enfin, quelles actions diplomatiques sont envisagées pour apaiser les tensions commerciales avec les États-Unis et éviter une escalade qui serait préjudiciable aux deux économies.

Réponse publiée le 1er juillet 2025

La ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire partage les préoccupations exprimées quant à la menace d'imposition de droits de douanes supplémentaires sur les vins et spiritueux européens par les États-Unis. Les décisions prises en matière commerciale par les États-Unis sont regrettables et mettent en danger le commerce transatlantique, pourtant source de prospérité, de stabilité et d'emploi des deux côtés de l'Atlantique. Le 12 mars 2025, les États-Unis ont rétabli des droits de douane additionnels de 25 % sur les importations d'acier et d'aluminium, et prévoient d'appliquer ces droits à une série de produits dérivés contenant de l'acier et de l'aluminium. Après avoir entre temps décidé l'imposition de droits additionnels de 25 % pour le secteur automobile (véhicules et pièces détachées), le président américain a annoncé, le 2 avril 2025, l'introduction de droits qualifiés par l'administration américaine de « réciproques », d'un taux de 20 % s'appliquant aux importations américaines en provenance de l'Union européenne (UE). Des taux plus élevés s'appliquent à certaines autres régions et pays du monde, tandis que le minimum annoncé (appliqué en particulier aux pays dont la balance commerciale avec les États-Unis est déficitaire) s'élève à 10 %. En réponse aux droits de douane supplémentaires imposés par les États-Unis sur l'acier et l'aluminium, l'UE a adopté, le 9 avril 2025, des contremesures sur une liste de biens importés depuis les États-Unis. Le Gouvernement s'est mobilisé avec succès afin d'obtenir que cette liste de contremesures soit proportionnée et adaptée, afin de répondre aux actions américaines sans entrer dans un cycle d'escalade, préjudiciable aux deux parties. Le 9 avril 2025, le Président américain a suspendu l'application des droits supplémentaires de 20 % sur les importations européennes pour une durée de 90 jours, tout en maintenant les droits additionnels de 10 % applicables à tous les pays. Afin de privilégier la voie du dialogue avec le Gouvernement américain, l'UE a répondu en annonçant la suspension de ses propres contremesures, pour la même durée. La France ne souhaite pas une escalade commerciale. Elle tient toutefois à ce que les intérêts nationaux et européens soient défendus. Le Gouvernement soutient donc l'approche européenne qui vise à apporter une réponse unie et proportionnée aux mesures commerciales américaines qui affectent l'UE. C'est le meilleur moyen de protéger les intérêts des filières et des entreprises, et d'entrer dans une discussion en meilleure position de force. Le Gouvernement continuera à participer à la recherche, par l'UE, d'une solution commune, négociée et constructive avec les États-Unis pour mettre fin aux droits infondés introduits ainsi qu'aux menaces visant notamment les vins et spiritueux français et européens.

Données clés

Auteur : Mme Géraldine Grangier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Alcools et boissons alcoolisées

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 1er juillet 2025

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