Mise en place d'un cadre légal pour le marché de l'esthétique
Question de :
M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Bertrand Sorre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la nécessaire refonte de la régulation du marché de l'esthétique. Ce secteur a considérablement évolué et la réglementation en application n'est donc plus adaptée aux techniques actuelles des soins esthétiques. L'article L. 121-1 du code de l'artisanat dispose que les soins esthétiques « ne peuvent être exercés que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci », mais aucune disposition légale ou réglementaire ne définit ce qu'est un « soin esthétique ». En l'absence de définition légale, les professionnels de l'esthétique, titulaires d'un CAP ou d'un BP d'esthétique, sont victimes d'une forte imprévisibilité juridique qui mine leur profession car exposés à des revirements de doctrine administrative. En effet, si autrefois la frontière entre médecine esthétique et soins esthétiques était claire, l'apparition de nouvelles technologies sur le marché esthétique tend à la brouiller. Ainsi, la Confédération nationale artisanale des instituts de beauté propose que soit adoptée une définition légale des soins esthétiques incluant une destruction de tégument et l'effraction cutanée limitée à l'épiderme. C'est ce critère qui a été retenu dans le Manuel du groupe de travail sur les produits cosmétiques sur le champ d'application du règlement cosmétique (CE) n° 1223/2009, dont l'objectif était de donner des modalités de distinction concrète entre les produits médicaux et esthétiques. D'autres techniques adoptées depuis des années par le secteur sont menacées du fait de l'absence d'encadrement et d'une définition juridique claire. 76 % des professionnels pratiquent aujourd'hui des soins dits « technologiques ». Certains appareils de soins esthétiques coûtent plusieurs dizaines de milliers d'euros, il s'agit d'investissements conséquents pour une profession majoritairement artisanale. Cette absence de clarté sur leur champ de compétence induit un flou tant juridique que financier. Pourtant, la prise en compte de ces pratiques permettrait de les encadrer lorsque cela est nécessaire et de faciliter leur inclusion dans les assurances professionnelles. Ce sujet fait l'objet d'interpellations répétées depuis 2021 aux différents gouvernements qui se sont succédés sans que la moindre piste d'évolution législative et réglementaire n'ait été proposée à la profession. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer dans quel délai il compte se saisir de ces enjeux afin de donner un cadre stable à la profession qui prendrait en compte le développement rapide de nouvelles technologies et la sécurité des consommateurs.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Le Gouvernement porte la plus grande attention à la situation des professionnels de l'esthétique et à la nécessité de mieux définir les périmètres d'intervention et qualifications professionnelles dans ce secteur. La qualification professionnelle relative au secteur de l'esthétique est prévue à l'article L. 121-1 du code de l'artisanat qui précise en son point 5° que ne peuvent être exercés que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci « les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ». Les pratiques esthétiques sont caractérisées par une pluralité d'acteurs, de prestations et le recours à des appareils esthétiques innovants. Les pratiques réalisées par les esthéticiens se développent, à côté des simples prestations de bien-être ne nécessitant pas de qualification professionnelle et de la médecine esthétique. Le cadre législatif et réglementaire applicable (code de la santé publique, code de l'artisanat notamment) est ancien et ne permet pas d'établir une définition précise des soins esthétiques. Il ne prend pas non plus en compte l'émergence de nouvelles pratiques sur le marché de l'esthétique et leur impact sur les périmètres d'intervention relevant des soins esthétiques et de la médecine esthétique. En l'état du droit en vigueur, les pratiques impliquant une effraction cutanée nécessitent une intervention médicale, au regard du principe de l'inviolabilité du corps humain posé par le code civil. Ainsi, la pratique du microneedling, dès lors qu'elle implique une effraction cutanée, est interdite aux esthéticiens, comme rappelé sur le site internet de la direction générale de la concurence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) [1]. En effet, l'association de la perforation de la peau avec des cosmétiques ne peut pas être considérée comme anodine et il n'existe actuellement aucune expertise publique permettant de corroborer l'absence de risque du microneedling pour la santé. En revanche, l'épilation au laser et à la lumière pulsée a été récemment ouverte aux esthéticiens ainsi qu'aux infirmiers, au regard notamment d'un rapport de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) [2]. Cette libéralisation s'est traduite par un cadre réglementaire spécifique introduit dans le code de la santé publique par le décret n° 2024-470 du 24 mai 2024 relatif aux actes d'épilation à la lumière pulsée intense et au laser à visée non thérapeutique et l'arrêté du 19 février 2025 relatif aux caractéristiques de la formation obligatoire pour la réalisation des actes d'épilation à la lumière pulsée intense ou au laser à visée non thérapeutique. Une communication sur les sites internet du ministère de la santé et de la DGCCRF a veillé à rendre les règles de qualification professionnelle les plus transparentes possibles tant à l'égard des professionnels du secteur que des consommateurs. La redéfinition des soins esthétiques, intégrant l'apparition de nouvelles pratiques sur le marché et des évolutions technologiques, nécessite une démarche coordonnée des administrations avec une concertation des représentants des professionnels concernés, au regard des enjeux économiques pour les professionnels et de sécurité pour les usagers. Ce travail de fond sur le périmètre des pratiques et la qualification des professionnels de l'esthétique est un préalable indispensable avant d'envisager toute modification des textes en vigueur. Il s'agit d'un travail d'ampleur, qui ne saurait se résumer à une seule mesure mais doit porter une vision systémique des pratiques esthétiques actuelles et futures et des lignes de partage entre esthéticiens et médecins esthétiques. [1] https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/les-fiches-pratiques/faq-encadrement-des-soins-esthetiques-et-de-la-coiffure [2] https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2019SA0124Ra.pdf
Auteur : M. Bertrand Sorre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire
Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025