Question écrite n° 5910 :
Conséquences de l'annulation des « protocoles reconnus » sur le bruit éolien

17e Législature

Question de : Mme Justine Gruet
Jura (3e circonscription) - Droite Républicaine

Mme Justine Gruet attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les conséquences de l'annulation par le Conseil d'État, le 8 mars 2024, des « protocoles reconnus » de mesure de l'impact acoustique des parcs éoliens terrestres, associés aux arrêtés ministériels successifs de 2021 à 2023. Il est à présent urgent de rechercher les voies d'un protocole juste et respectueux des exigences fixées par le code de la santé publique. Ces arrêtés ont été annulés pour trois raisons : absence d'une évaluation environnementale préalable, absence de procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration, absence de consultation du public préalablement à leur approbation. Quel texte peut diriger l'action ? L'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011, qui pourrait être considéré comme la nouvelle référence, n'est plus fondé car il se base sur un projet de norme NFS 31-114 dont le ministère reconnaissait en 2020 que « son contenu technique, insuffisamment cadré, offre une grande latitude d'exploitation ». Par principe, un projet de norme ne peut pas constituer une norme opposable. C'est la situation de ce projet de norme 31-114. Il faut rappeler que, sans consensus des experts, il n'a jamais été porté à la consultation du public ni fait l'objet de la moindre évaluation environnementale. Face à cette situation, à ce jour la méthode normative de mesurage incontestable existante est la norme générale NFS 31-010 en vigueur d'application obligatoire depuis 1996 pour toutes les mesures de bruit de l'environnement, dont une révision est en cours d'enquête publique pilotée par l'AFNOR. Or pour être robuste, l'étude acoustique d'un projet éolien doit remplir trois critères : reposer sur une norme de mesurage du bruit de l'environnement d'application obligatoire, analyser et modéliser les émissions sonores dans l'environnement selon des pratiques professionnelles n'offrant aucune latitude d'interprétation, établir la conformité de l'étude d'impact du projet ou de l'étude de vérification au regard de la réglementation en vigueur. Cette dernière repose sur trois conditions cumulatives : respect d'un niveau sonore global maximum, respect d'un seuil d'émergence, recherche de tonalités marquées. La règlementation pourrait donc évoluer à moyen terme, en ajoutant à l'indicateur d'émergence d'autres indicateurs plus représentatifs des crêtes et fréquences de bruit, de leur répétitivité et de leur durée d'apparition et ne reposant plus sur des estimations statistiques susceptibles d'être contestées. Le tout en veillant à compléter la NFS 31-010, sans la contredire, par un protocole sur les points qu'elle ne détaille pas, afin qu'elle permette de caractériser toute atteinte éventuelle à la tranquillité du voisinage ou à la santé humaine. En pleine cohérence avec le code de la santé publique, cette solution, dont les contenus techniques ont été présentés en septembre 2024 par un groupe expert dédié, issu de la société civile, à la commission mixte du Conseil national du bruit, permettrait de sécuriser les projets en cours d'instruction ainsi que les installations autorisées en donnant une base technique et règlementaire aux mesures de vérification visées à l'article 28 de l'arrêté en vigueur. Mme la députée souhaiterait savoir si le Gouvernement pourrait envisager cette solution permettant une prise en compte, sans dérogation au régime général, des spécificités du bruit éolien, telles que les basses fréquences et les modulations d'amplitudes, à la source de condamnations judiciaires ces dernières années. Cela traduirait en actes la volonté des pouvoirs publics de mettre en œuvre une société de confiance, au regard des objectifs de santé publique qui exigent des protocoles garantissant efficacement la santé des riverains. Elle souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse publiée le 1er juillet 2025

Les parcs éoliens terrestres sont soumis à une réglementation stricte. L'arrêté ministériel du 26 août 2011 fixe des valeurs maximales d'émergence sonore admissibles dans les zones à émergence réglementée (ZER) afin de protéger la santé des riverains. Ainsi, lorsque le bruit ambiant y dépasse 35 dB (A), les émergences autorisées sont limitées à 5 dB (A) le jour et 3 dB (A) la nuit. De plus, l'arrêté impose un niveau de bruit maximal en limite de parc et exige un contrôle de conformité acoustique après mise en service, basé sur des mesures vérifiant le respect des seuils précités. Comme vous le soulignez, par une décision du 8 mars 2024, le Conseil d'État a annulé, pour des raisons de procédure, le protocole de mesures acoustique reconnu par le ministre chargé des installations classées, sans se prononcer sur son contenu. Cette décision a eu pour effet de rétablir réglementairement l'application du projet de norme NFS 31-114 pour la réalisation des mesures acoustiques, qui complète la norme générale NFS 31-010 que vous mentionnez. Cette dernière n'est pas exigée réglementairement pour les éoliennes dans la mesure où elle ne tient pas compte des spécificités inhérentes à leur fonctionnement. Sur ce sujet, le rapport au Parlement dressant une évaluation des nuisances sonores occasionnées par les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent pour les riverains, remis en janvier 2024, constate que la mise en oeuvre ainsi que le respect du protocole ont permis une amélioration globale de la qualité des rapports d'étude d'impact acoustique. La poursuite de la mise en œuvre méthodologie prévue par le protocole, cette dernière étant conforme au projet de norme, permet ainsi de garantir une meilleure qualité de mise en œuvre des mesures. Vous proposez de faire évoluer les modalités de calcul de l'indicateur d'émergence, en y intégrant les crêtes et les fréquences de bruit, leur répétitivité et leur durée d'apparition. Il convient de préciser que la méthode de calcul de l'indicateur d'émergence qui a été retenue dans le protocole de mesure acoustique avait fait l'objet d'échanges au sein d'un groupe de travail pluraliste. Le groupe de travail avait fait le choix, à l'époque, de recourir à la médiane et centrale d'une série d'échantillons de mesures sonores collectés pour le calcul des niveaux sonores et non pas les pics de bruit ponctuels ou « crêtes ». Cette méthode de calcul permet en effet de s'affranchir de perturbations ponctuelles et non représentatives de certains bruits fluctuants, comme celles occasionnées par les bruits intermittents (passages de train, de véhicules, activés agricole, bruits ponctuels de la nature et de la faune, etc.) parasitant la mesure du bruit résiduel. Il convient par ailleurs de souligner qu'une méthodologie de calcul de l'émergence basée sur les pics de bruit ou crêtes implique de réaliser des campagnes de mesures à chaque cycle de marche/arrêt des éoliennes, ce qui conduit à calculer l'émergence à chaque transition. Or, les données météorologiques ont montré qu'il était impossible d'atteindre des critères de représentativité suffisants si l'on applique cette méthode, sauf à immobiliser les parcs éoliens pendant plusieurs mois pour réaliser le contrôle acoustique, ce qui implique des pertes de production d'électricité importantes, ainsi que des pertes de revenus pour l'Etat. Comme vous le précisez par ailleurs, lors de la commission mixte du Conseil national du bruit de septembre 2024, un groupe d'expert a proposé d'inclure la prise en compte des basses fréquences et des modulations d'amplitude. Sur ces sujets, des études sont actuellement en cours, à savoir : le projet RIBEolH, lancé en 2020, sur les effets sanitaires des basses fréquences et des infrasons générés par les éoliennes ainsi que le projet PIBE, lancé en 2019, qui inclut un axe d'étude sur les modulations d'amplitudes. Il convient donc d'attendre le résultat de ces études avant de statuer sur l'opportunité de les intégrer dans le cadre fixé et en déterminer les modalités techniques. Enfin, sur la question de la prise en compte des basses fréquences, il peut être rappelé l'expertise publiée en 2017 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'environnement, de l'alimentation et du travail (Anses), qui a conclu que les données disponibles ne justifient ni la révision des seuils actuels ni l'élargissement de la réglementation aux infrasons et aux basses fréquences.

Données clés

Auteur : Mme Justine Gruet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 1er juillet 2025

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