Coût des changements réglementaires successifs pour les entreprises françaises
Question de :
Mme Louise Morel
Bas-Rhin (6e circonscription) - Les Démocrates
Mme Louise Morel attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le coût des changements réglementaires successifs pour les entreprises françaises, en particulier les petites et moyennes entreprises. Les modifications fréquentes de seuils, de procédures, de déclaration ou encore des modalités administratives constituent une charge croissante pour les entreprises. Ces évolutions réglementaires mobilisent des ressources importantes en temps, en ingénierie administrative et en accompagnement juridique, au détriment de la stratégie, de l'investissement et de l'innovation. Selon les travaux menés par la commission spéciale chargée du projet de loi de simplification de la vie économique, « le coût annuel que représente cet excès de normes en France serait de 3 % du PIB, soit près de 80 milliards d'euros ». Par ailleurs, selon une étude réalisée par le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, les normes auxquelles elles sont soumises leur coûteraient près de 30 milliards d'euros par an, soit 2,6 % de leur chiffre d'affaires total. De nombreuses PME font part de leur difficulté à suivre le rythme de ces évolutions, à s'adapter sans visibilité ni délai suffisant et à rester en conformité dans un environnement mouvant. Cette instabilité nuit à leur compétitivité, à leur productivité et à leur capacité d'anticipation. Dans ce contexte, l'idée d'un gel réglementaire temporaire, sur une période définie, pourrait offrir aux entreprises un répit administratif et une meilleure lisibilité. Un tel dispositif, à l'exception des normes touchant à la sécurité ou aux engagements internationaux de la France, permettrait aux PME de stabiliser leur organisation interne, de redéployer leurs efforts sur leur cœur de métier et d'investir dans la croissance. Cette approche a d'ailleurs été évoquée au niveau européen. En mars 2023, plusieurs Etats membres ont appelé à une « pause réglementaire » dans certains secteurs stratégiques, afin de laisser aux acteurs économiques le temps d'absorber les normes récentes. Certains pays, comme l'Allemagne, ont déjà expérimenté des politiques de « moratoire réglementaire » ciblé, avec des effets positifs sur l'investissement des entreprises. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend étudier la faisabilité d'un gel réglementaire de trois ans, hors impératifs de sécurité et de conformité européenne, afin de renforcer la productivité et la compétitivité des entreprises.
Réponse publiée le 16 septembre 2025
Le Gouvernement partage l'ambition de simplifier la vie des entreprises et de leur garantir un environnement normatif le plus simple et stable possible, tout en respectant les impératifs de protection des personnes et de l'environnement. Pour cela, le Gouvernement mène une politique ambitieuse de simplification au long cours, avec des initiatives majeures comme la loi PACTE en 2019. Cette politique repose aussi bien sur des initiatives plus sectorielles de simplification, comme la loi relative à l'industrie verte en 2023, que sur des initiatives visant toutes les entreprises comme le plus récent projet de loi relatif à la simplification de la vie économique. Cette politique de simplification s'appuie également sur des chantiers numériques structurants comme la mise en place progressive du principe « Dites-le-nous une fois », permettant une simplification importante du remplissage des démarches pour les usagers. Enfin, le Gouvernement est particulièrement impliqué dans les travaux de simplification portés par la Commission européenne afin de leur donner l'ambition nécessaire à l'émergence d'un cadre favorable à la croissance et au développement des entreprises. Le Gouvernement est vigilant à ce que cette politique de simplification n'entraine pas involontairement une plus grande complexité pour les entreprises ou une inflation normative démesurée. Le Gouvernement partage le constat de Madame Louise Morel que la mise en place d'une stabilité normative comme levier de compétitivité économique est un chantier qui doit être poursuivi. A titre illustratif, les derniers indicateurs de suivi de l'activité normative publiés en mai 2024 par le Secrétariat général du Gouvernement indiquent que le nombre d'articles législatifs est passé de 55 256 en 2003 à 95 830 en 2024 (soit plus de 73% d'augmentation en 21 ans), tandis que le nombre d'articles règlementaires a été porté à 258 385 en 2024 contre 168 673 en 2003 (soit une augmentation de 53%). Simplifier notre corpus juridique est bien un enjeu majeur pour notre économie, mais c'est aussi un enjeu de justice sociale : les TPE, les PME, voire les ETI n'ont tout simplement pas les moyens humains de mettre en œuvre les normes quand elles sont en fait adaptées à de très grandes entreprises. C'est pourquoi, dans un environnement en constante évolution, il est préférable d'axer notre action sur la qualité et l'adaptation de la norme aux spécificités des TPE-PME plutôt que sur un gel normatif, sauf à limiter par une modification constitutionnelle l'exercice du pouvoir législatif, ce qui ne relève pas au sens du Gouvernement d'une initiative gouvernementale, un tel encadrement devant plutôt émaner des parlementaires eux-mêmes. Depuis 2017, le Gouvernement a agi avec la préoccupation constante de simplifier la vie des entreprises, afin de leur permettre de se développer. Et le projet de loi relatif à la simplification de la vie économique déposé le 24 avril 2024 au Sénat, dont un des principes qui le sous-tend est la rationalisation de la norme, entend bien participer de ce mouvement. Certes, ce projet de loi ne vise pas à épuiser le sujet de la simplification, mais à l'amorcer dans de nombreux secteurs. Il s'agit ainsi de limiter les contraintes inutiles, accélérer les délais, éviter les surtranspositions ou encore renoncer aux processus excessivement rigides. Cette démarche exige de procéder à un peignage fin de l'ensemble de notre droit, qui ne pourra être durablement effectué que par un travail sur le long cours. Le projet de loi relatif à la simplification de la vie économique vise ainsi à purger un grand nombre des irritants récurrents remontés par les professionnels dans le cadre des consultations préalables menées en vue de son élaboration et à poser, notamment en évaluant mieux l'impact des normes qui seront adoptées sur nos petites entreprises, établissant ainsi les bases d'une simplification durable. C'est en particulier l'objectif du « test PME » que le Gouvernement veut mettre en place avec ce projet de loi, qui permettra d'éclairer le législateur sur la charge administrative qu'entrainerait la création d'une nouvelle norme. Par ailleurs, des réformes s'appuyant sur des modifications normatives peuvent apporter une simplification réelle pour les entreprises. Un exemple simple est que la suppression d'un certain nombre de démarches repose sur des modifications législatives, à l'image de l'initiative de suppression et d'allégement de démarches administratives ciblées conduite grâce à l'article 2 du projet de loi relatif à la simplification de la vie économique. Ainsi, plutôt qu'une « pause réglementaire », la stabilité normative comme levier de compétitivité peut être promue avec l'application d'une forme de frugalité, c'est-à-dire de recourir au changement normatif uniquement lorsque celui-ci est indispensable à la mise en œuvre de la politique publique qu'il vise, à la suite d'une évaluation précise des impacts et coûts dudit changement au regard de ses objectifs.
Auteur : Mme Louise Morel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 16 septembre 2025