Fraudes aux dispositifs d'aide à la rénovation énergétique
Question de :
M. David Magnier
Oise (7e circonscription) - Rassemblement National
M. David Magnier attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les fraudes constatées dans le cadre des dispositifs d'aide à la rénovation énergétique, notamment MaPrimeRénov'. Ces initiatives majeures pour favoriser la transition énergétique mais également la rénovation des logements vétustes sont nécessaires. Ces dernières permettent notamment à de nombreux foyers de rénover leur logement et par conséquent de réduire leur consommation énergétique. Néanmoins, ces aides publiques doivent être accompagnées de garanties solides pour éviter que ses bénéficiaires ne soient exposés à des pratiques frauduleuses. Malheureusement, de plus en plus de ménages signalent des entreprises, dont certaines labellisés par l'État, ayant des pratiques douteuses, des changements de noms des mandataires, des changements de SIRET rendant impossible tout recours. Pire encore, certaines installations sont défectueuses entraînant une très forte hausse de la consommation énergétique et nécessitent des réparations coûteuses. Malgré la fréquente reconnaissance par diverses structures, assurances, assistants juridiques de la responsabilité engagée de certaines entreprises, les usagers se heurtent à un manque de réponses concrètes et se retrouvent isolés. Ainsi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre pour renforcer les contrôles des entreprises intervenant dans le cadre de MaPrimeRénov', mais également les dispositifs d'accompagnement et les voies de recours accessibles aux citoyens victimes d'arnaques.
Réponse publiée le 10 juin 2025
2,5 millions de ménages ont pu bénéficier de MaPrimeRenov' depuis sa mise place en 2020 pour leur permettre d'améliorer leur confort de vie, de baisser leur facture énergétique et d'émettre moins de gaz à effet de serre. Les 13,9 Mds€ de subventions versées entre 2020 et 2024 ont permis d'accompagner la mise en œuvre de 37,9 Mds€ de travaux confirmant par ailleurs l'effet levier important de l'aide sur l'économie et l'artisanat. Aux côtés de ces chiffres qui révèlent une forte évolution à la hausse de la rénovation du parc privé de logements, cette politique publique fait l'objet de nombreuses tentatives frauduleuses afin de capter de l'argent public. Le Gouvernement dispose des éléments suivants pour évaluer ce phénomène : Fraudes évitées : en 2024, dans le contexte d'un budget de 3,3 Mds€ environ d'aides engagées et de 1,8 Md€ d'aides décaissées par l'Agence Nationale de l'Habitat (Anah), 44 000 dossiers suspects ont fait l'objet de contrôles renforcés ce qui a permis d'éviter 229M€ de fraudes, soit 7% des aides. Fraudes détectées et avérées : 8M€ d'aides versées ont fait l'objet de fraude avérée au travers de dossiers qui font l'objet de contentieux et de procédures de recouvrement. Fraudes potentielles et en cours d'enquête : Tracfin (Ministère de l'Economie) évalue à environ 100M€ / an le potentiel de fraude sur les aides à la rénovation énergétique dans leur ensemble c'est-à-dire à la fois l'aide MaPrimeRénov' et les Certificats d'Economie d'Energie (CEE) et non 400M€ / an selon un chiffre qui a circulé. Ce chiffre est en baisse sur les dernières années du fait des actions mises en place par l'Anah. Le Gouvernement lutte avec la plus grande détermination contre les diverses pratiques frauduleuses observées en matière de rénovation énergétique, notamment pour protéger les particuliers et les professionnels du secteur. Une cellule de veille interministérielle anti-fraude aux aides publiques rattachée à la mission interministérielle de lutte anti-fraude (MICAF) a été mise en place le 5 décembre 2023. Elle réunit, en vue d'une meilleure détection et sanction, les services de gendarmerie, de police, la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), la DGFIP (Direction générale des Finances publiques), Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), la DG Travail (Direction générale du Travail), le parquet de la JUNALCO (Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée), le parquet européen et les services en charge de la conception et du déploiement de la politique de rénovation énergétique des logements (DGALN : Direction générale de l'aménagement du logement et de la Nature, DGEC : Direction générale de l'Energie et du Climat, ANAH : Agence nationale de l'habitat). Elle définit des stratégies d'action et d'enquête concertées. Un plan interministériel cohérent associant l'ensemble des acteurs concernés a également été présenté par le Gouvernement en novembre 2023. Le premier axe de ces mesures est d'améliorer la prévention et de limiter les risques d'escroquerie. Une communication adaptée a été mise en place par la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) et l'Anah (campagnes de communication, sites internet du service public de l'habitat France Rénov, espaces conseils France Rénov', Maisons France Service) pour rendre plus accessible l'information sur les bons réflexes que doit avoir un ménage pour se protéger des fraudeurs. Les ménages peuvent ainsi effectuer des signalements ou porter plainte et sont accompagnés pour le faire (service public de l'habitat France Rénov). Ces signalements et dépôts de plaintes des ménages complètent les diverses informations dont les administrations disposent, à l'image des déclarations de soupçons reçues par Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins). Ces informations font l'objet d'une exploitation et d'un partage dans le cadre législatif en vigueur afin de déceler les tentatives de fraudes, qui sont par nature dissimulées et complexes. Ces signalements contribuent également à cibler les actions de contrôle et de détection, qui constituent le second axe de lutte contre la fraude. A titre d'exemple, pour faire face aux pratiques trompeuses, dont notamment le démarchage frauduleux, la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) pilote depuis 2014 une enquête nationale pluriannuelle visant l'ensemble des professionnels de la rénovation énergétique au stade précontractuel. L'enquête nationale réalisée en 2023 auprès de 797 établissements dans le secteur de la rénovation énergétique a ainsi fait ressortir, parmi ces établissements ciblés, un taux d'anomalie de 50% (contre 54 % en 2022). Ces anomalies ont donné lieu à un nombre important de suites : 139 avertissements (mesures pédagogiques rappelant les dispositions en vigueur), 203 injonctions administratives, 122 procès-verbaux pénaux et 77 procès-verbaux administratifs. En 2024, le renforcement des moyens consacrés à ces enquêtes, et notamment le doublement des effectifs CCRF dédiés, a permis la réalisation de plus de 1 300 visites. Des sanctions pénales significatives ont été prononcées à la suite d'enquêtes des services de la CCRF ; par exemple en 2024, 16 salariés d'une entreprise de la Haute-Vienne ont été condamnés à des peines de prison : le dirigeant a notamment été condamné à 5 années d'emprisonnement, donc 4 fermes. Par ailleurs, depuis 2022, les moyens et les actions de lutte contre la fraude au sein de l'Anah ont été considérablement renforcés : 100% des dossiers font l'objet d'un premier niveau de contrôle, ce qui permet ensuite au travers de contrôles renforcés de bloquer les dossiers avant paiement. Le taux de contrôles sur place en 2024 était de 10% des dossiers et l'Anah vise une augmentation progressive dès 2025 pour atteindre 20% en 2027. Il convient en particulier de signaler que, depuis le début de l'année 2025, l'Anah a été la cible de nouveaux types de fraude impliquant des accompagnateurs à la rénovation globale peu scrupuleux qui ont déposé en masse des dossiers de faible qualité voire présentent des suspicions de fraudes ou de manquements manifestes (non-respect de l'indépendance et de la neutralité avec les entreprises de travaux, entreprises de travaux éloignées du lieu des travaux, suspicion d'audits énergétiques de complaisance). Plusieurs milliers de dossiers suspicieux ont ainsi été identifiés pour lesquels l'Anah s'attache à trouver des solutions pour que les ménages et les entreprises concernés soient le moins impactés possibles. Enfin, afin de renforcer encore les leviers d'action des services de l'Etat, depuis la prévention jusqu'aux sanctions, le Gouvernement se félicite des avancées permises par la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, n° 447, déposée le mardi 15 octobre 2024 par M. le député Thomas Cazenave. Il s'est attaché à soutenir les mesures qui y sont proposées et les mettra en oeuvre le plus rapidement possible dès son adoption définitive. Parmi les mesures, contenues dans la proposition de loi précitée, on peut citer en particulier l'interdiction de démarchage pour les autres modes de prospection que le téléphone (SMS, Mail, réseaux sociaux), le partage d'information entre Tracfin et l'Anah, le renforcement des sanctions à l'encontre des Accompagnateur Rénov' ou encore la publication par l'Anah et la DGCCRF des noms des entreprises qui auront fait l'objet de sanctions (« name and shame »).
Auteur : M. David Magnier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement : aides et prêts
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Logement
Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025