Question écrite n° 5993 :
Inauguration du mémorial des victimes de l'esclavage et justice réparatrice

17e Législature

Question de : M. Olivier Serva
Guadeloupe (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. Olivier Serva interroge Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur l'avancement du projet de mémorial national pour les victimes de l'esclavage et la nécessité d'une justice réparatrice en France. Le mémorial, initialement prévu aux Tuileries, est désormais en phase de réalisation dans les jardins du Trocadéro. Après des années de désaccords, un nouveau comité de pilotage a été mis en place en juillet dernier afin de relancer le projet. M. Serge Romana, co-président du comité de pilotage, a estimé que l'inauguration pourrait avoir lieu le 23 mai 2026 au lieu du 23 mai 2025 comme M. Gabriel Attal l'avait annoncé. Il apparaît important de rappeler le travail de l'association Comité Marche du 23 mai 1998 sur ce sujet. Cette association mémorielle antillaise, née au lendemain de la Marche du 23 Mai 1998, s'est donnée pour mission de réhabiliter, honorer et défendre la mémoire des victimes de la traite négrière et de l'esclavage des ex-colonies françaises. Ce « jardin de mémoire », vise à offrir une déambulation didactique et méditative, incluant un « archipel des noms », présent en partie grâce au CM98, avec environ 90 000 noms et 234 000 prénoms, en majorité de la Guadeloupe et de la Martinique, mais aussi d'autres régions. Par ailleurs, l'Assemblée générale des Nations unies, le 25 mars 2024, a souligné l'importance d'une « justice réparatrice » lors de la commémoration de l'abolition de l'esclavage et de la traite transatlantique. Plusieurs voix se sont élevées pour demander des réparations et une responsabilisation face aux conséquences durables de l'esclavage. À cette occasion, il a été demandé par M. Dennis Francis, président de l'assemblée générale des Nations Unies de l'époque, que la décennie internationale des personnes d'ascendance africaine (2015-2024) soit renouvelée au regard de la nécessité d'instaurer une justice réparatrice. L'inauguration d'un tel monument est une amorce de démarche réparatrice. Compte tenu de ces éléments, M. le député demande à Mme la ministre de bien vouloir lui préciser la date exacte à laquelle ce mémorial sera inauguré. Il lui demande également de préciser quelles mesures spécifiques le Gouvernement compte mettre en œuvre pour répondre aux appels à une justice réparatrice, conformément aux recommandations de l'ONU et comment il compte soutenir les initiatives visant à éduquer les générations futures sur ce pan de l'histoire de France que sont l'esclavage et la traite transatlantique, afin de favoriser une culture de tolérance, de compréhension et d'harmonie.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Le 27 avril 2018, à l'occasion du 170e anniversaire de la signature du décret d'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, le Président de la République s'est engagé à faire ériger à Paris un mémorial qui rende hommage aux victimes de l'esclavage. L'État, en lien étroit avec la Ville de Paris et les membres du comité de pilotage, œuvre depuis à la concrétisation de cet engagement. Le 23 mai 2025, journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavage colonial, le Président de la République a annoncé les noms des lauréats du projet : l'équipe composée du paysagiste Michel Desvigne et de l'architecte Philippe Prost a été retenue pour concevoir cette œuvre mémorielle, qui sera implantée dans les jardins du Trocadéro, haut lieu de notre conscience universelle, où fut proclamée en 1948 la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce mémorial constitue une étape majeure dans le processus de reconnaissance de l'histoire de l'esclavage. Il prendra la forme d'un jardin de mémoire, lieu de recueillement, de transmission et de dignité. Il comprendra notamment un « archipel des noms », rendant visible l'identité de plus de 200 000 personnes affranchies, dont les noms ont été retrouvés grâce à un travail archivistique exceptionnel de plusieurs décennies par des associations et milliers de bénévoles. À ce jour, les travaux préparatoires sont en cours. La ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et l'ensemble du Gouvernement suivent avec la plus grande attention l'évolution du calendrier. Ce projet s'inscrit dans une démarche de reconnaissance et de mémoire qui s'est régulièrement renforcée depuis l'adoption de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité. Cette loi a également posé les fondements d'une politique de transmission : inscription dans les programmes scolaires, soutien à la recherche, création du comité (devenu fondation) pour la mémoire de l'esclavage instauration de deux journées nationales du souvenir les 10 et 23 mai. Ce processus s'est poursuivi avec l'inauguration en 2015 du Mémorial ACTe, centre caribéen d'expressions et de mémoire de la traite et de l'esclavage et que le Président de la République a érigé en musée national de l'esclavage. Aussi, l'article 217 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a abrogé de manière explicite la loi du 30 avril 1849, qui avait octroyé une indemnité aux anciens colons en compensation de l'abolition de l'esclavage, texte contraire à l'esprit de justice et de reconnaissance que la République entend aujourd'hui porter. Dans le prolongement de cette dynamique et en réponse à une question posée par le président du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires M. Laurent Panifous le 13 mai, le Premier ministre a pris l'engagement qu'un texte actant l'abolition formelle du Code noir soit présenté au Parlement. A la demande du Premier ministre, la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations engagera, dès le début du mois de juin 2025, un travail de concertation autour de l'élaboration d'un projet ou d'une proposition de loi avec les parlementaires, avec le concours de la fondation pour la mémoire de l'esclavage. L'abrogation formelle de cette législation coloniale qui a légitimé et organisé pendant plus d'un siècle et demi un système fondé sur la déshumanisation et la privation des droits les plus fondamentaux revêtirait une grande portée symbolique, mémorielle et républicaine. La République ne peut construire un avenir commun sans reconnaître avec lucidité l'ensemble de son histoire. C'est pourquoi le Gouvernement poursuivra, avec détermination, ses efforts pour transmettre cette mémoire aux générations futures, lutter contre les discriminations qui en sont les héritages, et faire vivre les valeurs de dignité, de justice et d'égalité au cœur du pacte républicain.

Données clés

Auteur : M. Olivier Serva

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations

Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations

Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025

partager