Droit d'asile: un système hors de contrôle
Question de :
M. Sébastien Chenu
Nord (19e circonscription) - Rassemblement National
M. Sébastien Chenu alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'ampleur préoccupante des dérives du droit d'asile en France, dont les critères d'éligibilité sont devenus si larges qu'ils permettraient, selon l'Observatoire de l'immigration et de la démographie (OID), à près de 580 millions de personnes dans le monde de prétendre légalement à une protection sur le territoire national. Le cadre initial fixé par la Convention de Genève de 1951 a été progressivement dénaturé par des extensions successives, aboutissant à une dilution du concept même d'asile. Loin de se limiter aux individus effectivement persécutés, la protection s'applique aujourd'hui à des catégories de plus en plus vastes, sur la base de critères souvent flous et subjectifs. Ainsi : la protection subsidiaire est accordée même en l'absence de persécutions personnelles, dès lors qu'un demandeur invoque un risque général de violence dans son pays d'origine, sans qu'une implication individuelle soit nécessaire. Des motifs sociétaux (normes culturelles, « tensions politiques internes ») permettent désormais d'obtenir l'asile, ouvrant la porte à des flux de populations entières. Aucune régulation quantitative ou géographique n'existe, laissant la France sans maîtrise sur l'ampleur des demandes et des admissions. En conséquence, l'asile s'est transformé en une filière d'immigration incontrôlée, sans rapport avec les besoins réels de protection et échappant à toute régulation politique. Le guide officiel remis aux demandeurs précise d'ailleurs que la procédure est accessible même en cas d'entrée irrégulière sur le territoire, créant un puissant appel d'air. Si seulement 11 % des personnes aujourd'hui éligibles à l'asile déposaient effectivement une demande, la France devrait accueillir l'équivalent de sa propre population, un scénario manifestement insoutenable tant pour la cohésion nationale que pour la capacité à protéger réellement ceux qui en ont besoin. Il lui demande donc de publier une évaluation chiffrée, par pays d'origine, du nombre de personnes qui, en l'état actuel du droit, pourraient prétendre à l'asile en France, d'initier une réforme du droit d'asile visant à restreindre les critères d'éligibilité aujourd'hui excessivement larges, à réintroduire une maîtrise politique sur les flux d'asile, préserver la légitimité et la viabilité de la politique d'accueil. Face à une crise migratoire qui menace directement l'équilibre des institutions et la soutenabilité du modèle social français, il est urgent que le Gouvernement prenne ses responsabilités en rétablissant un cadre clair, exigeant et conforme à l'intérêt national.
Réponse publiée le 10 juin 2025
D'après le Haut-Commissariat aux réfugiés, près de 70 % des réfugiés ou des personnes en besoin de protection vivent dans des pays voisins de leur pays d'origine. Les pays à revenu faible ou intermédiaire ont accueilli 71 % des réfugiés et autres personnes ayant besoin d'une protection internationale dans le monde. En 2024, la primo-demande d'asile en France s'est élevée à 134 000 demandes, en baisse de près de 9 % par rapport à 2023. Figurent parmi les politiques prioritaires du Gouvernement la réduction des délais moyens de traitement de la demande d'asile, afin de ne pas retarder le processus d'intégration des futurs réfugiés et de ne pas retarder l'éloignement des demandeurs déboutés. En 2024, le délai moyen d'instruction à l'OFPRA a atteint 4,6 mois, contre 6,1 mois en 2017. A titre de comparaison, le délai moyen d'instruction par le Bundesamt für Migration und Frünchtlinge allemand s'est élevé quasiment au double (8,7 mois). Grâce à la diminution de ces délais, à l'amélioration du pilotage de cette dépense par la direction de l'asile et par l'Office français d'immigration et de l'intégration, au renforcement des contrôles et à l'application stricte des règles permettant la coupure des conditions matérielles d'accueil, la dépense globale représentée par le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile été divisée par deux entre 2019 et 2023 (la dépense passant de 492 millions d'euros à 259 millions d'euros), alors que la primo-demande d'asile s'est élevée 143 000 en 2019 et à 147 000 en 2023. Le déploiement des espaces « France asile », créés par la loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration de janvier 2024 et regroupant les guichets de la préfecture, de l'OFII et de l'OFPRA pour enregistrer et introduire la demande d'asile dans un lieu unique, devrait permettre de gagner 21 jours de délais supplémentaires. Le premier EFA a ouvert ses portes à Cergy le 22 mai dernier. En outre, le Pacte européen sur la migration et l'asile renforcera significativement les contrôles aux frontières extérieures de l'Union. Tout ressortissant de pays tiers (RPT) franchissant irrégulièrement une frontière extérieure de l'Union, débarqué sur le territoire d'un État membre à la suite d'une opération de recherche et de sauvetage ou ayant introduit une demande de protection internationale aux points de passage aux frontières extérieures ou dans des zones de transit fera l'objet d'un filtrage. Le filtrage inclut des contrôles d'identité, sécuritaires et sanitaires formalisés dans un formulaire transmis aux autorités compétentes pour la suite de la procédure. Le Pacte instaure également une nouvelle procédure d'asile à la frontière qui impliquera l'enregistrement, l'introduction et l'instruction (OFPRA+CNDA) des demandes d'asile présentées à la frontière par certains RPT, selon des critères, prévus par le règlement « APR ». Si le demandeur obtient une protection internationale à l'issue de la procédure, après un examen au fond de sa demande, il sera autorisé à entrer sur le territoire et le processus d'intégration sera engagé. Sinon, une décision de retour sera prise et il sera maintenu en zone d'attente. Le Pacte devrait également permettre un fonctionnement plus efficace du système « Dublin », système de partage entre Etats membres de l'Union européenne de la responsabilité de l'examen des demandes d'asile. Il prévoit également une réduction des délais procéduraux et la création de nouveaux cas de placement en procédure accélérée. Le système Dublin sera soutenu par la refonte complète du SI Eurodac, qui intègrera de nouvelles fonctionnalités significatives (contrôle de l'immigration irrégulière, identification des personnes, entre autres) et permettra un suivi des personnes grâce à des fiches individuelles uniques recensant tous les signalements. Il est par ailleurs associé aux autres systèmes d'information du secteur « Justice – Affaires intérieures » (JAI), dans le cadre de l'interopérabilité. Enfin, la coupure des conditions matérielles d'accueil aux personnes « dublinées » prévue par la nouvelle directive accueil et le règlement AMMR dès notification de la décision de transfert constituera un changement de paradigme pour freiner les mouvements secondaires.
Auteur : M. Sébastien Chenu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Réfugiés et apatrides
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025