Défense de la République
Question de :
M. Gabriel Attal
Hauts-de-Seine (10e circonscription) - Ensemble pour la République
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2025
DÉFENSE DE LA RÉPUBLIQUE
Mme la présidente . La parole est à M. Gabriel Attal.
M. Gabriel Attal . Monsieur le premier ministre, il y a une chose que tous les Français ont en partage : la volonté de vivre sereinement, ensemble et en paix, dans un cadre qui libère, émancipe, donne à chacun sa chance. La République protège, aveugle aux croyances ; la République rassemble, comme un lien indéfectible entre les Français.
Vendredi dernier, Aboubakar Cissé était assassiné, non dans un endroit quelconque, mais dans une mosquée, là où il pratiquait sa religion. Pour tous les Français, pour la République, ce meurtre est une déchirure : que l'on s'attaque à un musulman, un juif, un chrétien, dans un lieu de culte, alors qu’il prie son Dieu, c’est une immense défaite de nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.) Je le dis avec fermeté : honte à ceux qui oublient ce meurtre sauvage ou ne le condamnent qu’à demi ; honte, aussi, à ceux qui se servent de ce drame à des fins politiques !
M. Julien Odoul . C'est vous qui les avez fait élire !
M. Gabriel Attal . Honte à ceux qui font le choix du pire, le choix du communautarisme ! Au nom de mon groupe, j'exprime tout notre soutien à notre collègue Jérôme Guedj, chassé, sous les insultes et les cris à résonance antisémite, d'une manifestation en mémoire du jeune défunt. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
Voilà le résultat du communautarisme ; alors, ensemble, luttons ! C'est ce qu'attend l'immense majorité des Français, qui ne supporte plus l'idée selon laquelle il conviendrait, pour défendre les juifs, de s'en prendre aux musulmans, pour défendre les musulmans, de s'en prendre aux juifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Sarah Legrain. Et que faites-vous, si ce n'est cela ?
M. Gabriel Attal. Ne laissons pas la politique défaire ce que la République a su faire durant si longtemps : notre union !
Une députée du groupe LFI-NFP . Retailleau, démission !
M. Gabriel Attal . Comment le gouvernement compte-t-il nous aider à lutter pour la République, pour l'universalisme, contre tous ceux qui prêchent la haine et veulent nous diviser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, dont les députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique . Merci de votre question, ainsi que de la gravité que vous y avez mise. Nous avons assisté à des affrontements, bord contre bord : ce n'est pas du tout là le climat dans lequel nous devrions vivre, c'est même exactement le contraire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback . Ça suffit, les cris !
Mme la présidente . S'il vous plaît, chers collègues !
M. Patrick Hetzel. Un peu de respect envers le premier ministre !
M. François Bayrou, premier ministre . En décembre 1957, un grand Français, Albert Camus, à l'occasion de son discours de réception du prix Nobel de littérature, déclarait : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. » Sur la planète, à l'échelle de la géopolitique, au sein de nos sociétés (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur divers bancs),…
Mme la présidente . Chers collègues, s'il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre . …des forces nombreuses, puissantes, obscures, œuvrent à défaire le monde dans lequel nous vivons. Certains alimentent les affrontements dans un intérêt électoral ou idéologique, d'autres croient que l'adhésion à un camp nécessite l'humiliation, voire l'anéantissement de la partie adverse. Nous, en République, pensons exactement le contraire. Le droit de cité commence par l'acceptation des différences, par l'amorce d'une compréhension mutuelle, par le fait de dire à nos compatriotes musulmans, juifs, chrétiens, agnostiques ou athées, de toutes convictions, de toutes origines, que la France est leur pays, leur maison. J'irai plus loin : non seulement tout le monde a droit de cité, mais nous avons un devoir de cité – le devoir de construire quelque chose qui nous réunit, nous fait grandir, nous amène à nous comprendre, si différents que nous soyons.
Il a tout à l'heure été question de laïcité. Celle-ci se résume à une règle simple : la foi ne fait pas la loi, mais la loi protège la foi. Chacun a droit à sa conviction ; il est protégé non seulement par notre règle de droit, mais par notre volonté nationale.
Mme Caroline Parmentier . Non !
M. François Bayrou, premier ministre . C'est pourquoi nous ne laisserons pas faire les destructeurs, ceux qui veulent dissoudre ce monde : pas à pas, jour après jour, nous défendrons notre devoir de vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Auteur : M. Gabriel Attal
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Laïcité
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2025